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Anthroponymes scandinaves dans les noms de lieux

De Wikimanche

De nombreux toponymes et hydronymes de la Manche sont formés d'un nom de personne d'origine scandinave et d'un autre élément, généralement un appellatif évoquant la nature du lieu. Le plus fréquent d'entre eux est l'élément -ville, évoquant initialement un domaine rural.

Origine

Ces noms peuvent correspondre à trois situations différentes :

  • L'anthroponyme a effectivement été porté par un Viking (ou l'un de ses descendants immédiats), dont le nom s'est fixé dans la toponymie au 10e siècle, beaucoup plus rarement au 11e siècle.
  • L'anthroponyme est passé en Angleterre, suite à la colonisation scandinave dans le pays; a été anglicisé (on parle alors de nom anglo-scandinave); puis est revenu en Normandie, porté par un anglo-saxon ou un scandinave anglicisé, et s'est fixé de manière similaire.
  • L'anthroponyme scandinave a été emprunté par une fraction de la population locale normande (de langue romane), dont un membre est à l'origine du nom de lieu.

Ceci veut donc dire que tous les toponymes formés à partir d'un nom de personne d'origine scandinave ne sont pas nécessairement l'indice d'une authentique présence viking. Celle-ci est cependant rendue d'autant plus probable que les attestations du toponyme sont anciennes (10e siècle).

Il faut également signaler la présence, dans le stock des noms scandinaves attestés par la toponymie, d'un petit nombre d'anthroponymes d'origine celtique (ou gréco-romains de forme celtique) adoptés par les Scandinaves installés en (Grande-)Bretagne ou en Irlande : Njáll (à l'origine du nom de famille de la Manche NÉEL, et présent dans le toponyme Néhou) en est l'exemple le mieux connu, mais on peut également citer les noms masculins Athmiul, Beigan, Bekan, Bríán, Dofnakr, Domnall, Mallymkun, Malmury, Santiri, Skotr, Taðkr, etc., et féminins Brígiða, Eðna, Ísönd, Kaðlín, Kormlöð, Mýrún, etc., tous d'origine celtique insulaire et portés par des Scandinaves à l'époque médiévale [1].

Attestations

Noms scandinaves proprement dits

La liste qui suit recense simplement les noms de personne constitutifs de toponymes de la Manche, dont l'origine linguistique est attribuée, parfois de manière hypothétique ou alternative (et notée ici par un point d'interrogation), au scandinave (ancien norois, ancien danois, ancien norvégien…), sans préjuger de l'identité ethnique de son porteur. Les discussions à ce sujet, lorsqu'elles se justifient, se trouveront dans les articles correspondants, tout comme le développement de l'étymologie, qui n'est ici qu'esquissée.

  • Aggi, Agi, surnom reposant sur l'ancien norois aka « aller, se promener; conduire » : Acqueville.
  • Ámundi, combinaison des éléments á-, de sens indéterminé, et -munduR « protection » ou mundr « don » : Émondeville.
  • Api, sobriquet issu de l'ancien norois de l'ouest api « singe », d'où « sot, fou » : Appeville.
  • Ásfriðr, combinaison des éléments ás- « Ase, dieu guerrier » et friðr « paix » : Amfreville.
  • Ásgautr, combinaison des éléments ás- « Ase, dieu guerrier » et gautr « Got, nom de peuple germanique » : Angoville-au-Plain, Angoville-en-Saire, Angoville-sur-Ay.
  • Ásketill, combinaison des éléments ás- « Ase, dieu guerrier » et ketill « chaudron; casque » : Ancteville; Anctoville-sur-Boscq; forme évoluée Eskil (ancien danois ou anglo-scandinave) : Équilbec (?).
  • Ásleikr, combinaison des éléments ás- « Ase, dieu guerrier » et leikr « jeu, joute » : Anneville-en-Saire, Anneville-sur-Mer, Ansneville (ancien nom de Hémevez).
  • Baldi, Balde (ancien suédois), emprunt au germanique continental Baldo, hypocoristique d'un nom dont le premier élément est bald- « hardi, audacieux » : Beaudebec, ruisseau naissant à Contrières, affluent rive droite de la Sienne, et hameau homonyme à cet endroit.
  • Barni, hypocoristique d'un nom terminé par l'élément barn « enfant, garçon, jeune homme » : Barneville.
  • Björnúlfr, combinaison des éléments björn- « ours » et -úlfr « loup » : Cambernon (?).
  • Blæingr, sobriquet dérivé de l'ancien islandais blár « bleu; sombre », à l'origine du nom anglo-scandinave Blein, Bleyn : Blainville-sur-Mer (?).
  • Bói, Búi, surnom issu de búi « habitant, résident » : Biéville, Bival, Biville (?).
  • Bolli, sobriquet issu de l'ancien islandais bolli « bol; récipient ventru », d'où « homme petit et grassouillet » : Bolleville.
  • Bósi, nom individuel ou sobriquet issu de l'ancien norois de l'ouest bósi « dodu, grassouillet; joufflu » : Beuzeville-au-Plain, Beuzeville-la-Bastille, Beuzeville-sur-le-Vey (?).
  • Brandr, nom individuel issu de l'ancien norois de l'ouest brandr « tison, torche; épée, lame d'épée » : Brainville (?; cette analyse est loin d'être assurée), Branville-Hague.
  • °Bretakollr, combinaison des éléments breta- « Gallois » et kollr « tête, crâne rasé », d'où « homme », à l'origine du nom anglo-scandinave Bretecol : Brectouville.
  • °Briki, nom hypothétique contenu dans certains toponymes danois : Bricquebec (?), Bricqueboscq.
  • Farmann, combinaison des éléments fara- « voyage; se déplacer », puis « terrain occupé par une famille en déplacement; famille » et mann « homme » : Fermanville.
  • Flotamaðr, forme scandinavisée de l'anthroponyme d'origine anglo-saxonne Floteman « marin, pirate; Viking » : Flottemanville (?); Flottemanville-Hague (?).
  • Geirr, Geiri, hypocoristique d'un nom dont le premier élément est geir- « lance » : Jersey (?; solution peu probable); Gerville-la-Forêt (?); Gréville-Hague (?).
  • Grímólfr, combinaison des éléments grím- « masque; casque couvrant le visage » et -úlfr « loup » : Grimouville (?).
  • Gríss, sobriquet (et parfois nom individuel) apparenté à l'ancien islandais grípa « cochonnet, pourceau » : Grimesnil (?).
  • Gulli, variantes Gulle, Golle (ancien suédois), nom individuel de sens incertain : Golleville (?).
  • Gunnulfr, combinaison des éléments gunn- « guerre, combat » et -ulfr « loup » : Gonneville.
  • Hákun ou Hákon, d'étymologie complexe : Agon (?).
  • Haraldr, combinaison des éléments har- « armée » et -(v)aldr « puissance, force; gouverner », à l'origine du nom anglo-scandinave Harold : Éroudeville.
  • Helgi, nom individuel ou sobriquet dérivé de l'ancien scandinave heilagr « dédié aux dieux » et tardivement « saint » : Helleville (?); Heugueville-sur-Sienne.
  • Hnakki, sobriquet issu de l'ancien scandinave hnakki « nuque » : Nacqueville.
  • Hofi (ancien danois), sobriquet dérivé de l'ancien danois hof « temple » : Houesville (?).
  • Holti, nom individuel ou sobriquet dérivé de l'ancien scandinave holt « bois » : Houtteville.
  • Ingólfr, combinaison des éléments ing(i)- « relatif aux Inguaeones » et -ólfr, variante de -úlfr « loup » : Digosville.
  • °Kǣrandi, sobriquet dérivé de l'ancien norois kǣrand « procédurier, chicanier » : Carneville (?).
  • Kali (ou °Kalr ?), nom individuel ou sobriquet dérivé de l'ancien norois °kala « geler; être ou avoir froid » : Couville.
  • Kári, nom individuel ou sobriquet dérivé de l'ancien scandinave °kárr « frisé, bouclé » ou « obstiné, combatif, rétif » : le Querbot (ancien Carbec), ruisseau naissant au Theil, affluent rive droite de la Saire.
  • Káti, nom individuel ou sobriquet dérivé de l'ancien norois de l'ouest kátr « gai, joyeux, de bonne humeur » : Catteville, commune; Catteville, hameau à Saint-Pair.
  • Ketill, nom individuel et sobriquet issu de l'ancien norois ketill « chaudron; casque; chef de guerre casqué » : Cretteville, Quettreville-sur-Sienne; Quettehou; Quettetot.
  • Kolsteinn, combinaison des éléments kol- « charbon; noir (comme le charbon) » et steinn « pierre» : Coutainville (?; cette explication semble peu probable).
  • Krákr, d'étymologie non assurée : Crasville (?).
  • Krókr, nom individuel et sobriquet issu de l'ancien norois krókr « crochet » : Crollon, Crosville-sur-Douve.
  • Skalli, nom individuel et sobriquet issu de l'ancien norois skalli « tête chauve », littéralement « crâne rasé »  : Escalleclif; Écolleville, manoir à Saint-Nicolas-de-Pierrepont; Écausseville.
  • Skjaldari (ou anglo-scandinave °Skelder), nom issu de l'ancien norois skjaldari « fabricant de boucliers » (ou éventuellement adapté de l'ancien anglais scildere « protecteur ») : Équeurdreville.
  • Skógi ou SkógR, nom individuel et sobriquet issu de l'ancien norois skógr « forêt » : Écoquenéauville (?).
  • Skúli, nom individuel et sobriquet dérivé de l'ancien norois skýla « cacher, protéger » : Éculleville.

Emprunts au celtique

Voir aussi

Notes et références

  1. Geirr Bassi Haraldsson, The Old Norse Name, Studia Marklandica, I, Olney, MD, Markland Medieval Militia, 1977, passim.