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Abbaye Blanche (Mortain)

De Wikimanche

Jour d'arc-en-ciel.
Vue aérienne

L'Abbaye Blanche, dite aussi les Blanches, est un édifice religieux de la Manche situé à Mortain-Bocage.

L'ancienne abbaye cistercienne domine le centre-ville dans un environnement boisé et se trouve juste en face la grande cascade de Mortain, le long de la Cance.

Histoire

Selon la tradition, l'abbaye a été fondée par Guillaume, fils du comte Robert de Mortain, et placé sous la direction d'Adeline de Mortain[1], sœur de Vital de Mortain, fondateur de l'abbaye de Savigny. La datation de la fondation est sujette à caution. Adeline prend possession du domaine sur lequel sortira de terre l'abbaye en 1105. Cette date est retenue par la plupart des sources. D'autres mentionnent cependant les dates de 1112 et de 1120. Vital de Mortain, chapelain du comte Robert de Mortain, lui-même demi-frère de Guillaume le Conquérant, apporta toute son expertise à Adeline pour l'aider à fonder une abbaye destinée exclusivement à des moniales.

Les abbesses et les moniales de l'Abbaye Blanche possédaient entre autres le patronage de l'église de Coulouvray [2] et de La Baleine [3]. L'abbaye recevait en outre deux parts de la moitié de la dîme sur les blés de Champrepus [4], deux parts de la dîme des gerbes de La Baleine [3], et une partie des blés de Ver [5].

Jeanne- Marie de Lesquen, nommée par le roi en 1778 est la dernière abbesse de l'abbaye Blanche ; elle dirige treize religieuses, dix sœurs converses attachées au service domestique et deux oblates lorsque la Révolution les chasse[6].

En 1791, l'hospice de Mortain est transféré du Rocher dans les locaux vacants de l'abbaye et une fabrique de tissus pour mouchoirs est installée dans les bâtiments encore disponibles[6]. Sous le Premier Empire, le quartier de la cour des Tilleuls, sert de dépôt de prisonniers de guerre, majoritairement espagnols[6].

De 1820 à 1906, l'abbaye abrite le petit séminaire.

De 1906 à 1914, le petit séminaire, abandonné à l'État est loué à un entrepreneur de colonies de vacances, qui, chaque année, y amène des groupes d'enfants parisiens[6].

Pendant la Première Guerre mondiale, l'abbaye est transformée en hôpital militaire provisoire, qui accueille du 28 octobre 1916 au 10 décembre 1918 quelque 8 596 blessés [7], d'abord des soldats allemands prisonniers, puis des Belges[6].

Après la guerre, l'entrepreneur de colonies de vacances songe à acheter l'abbaye, mais un groupe de défense emmené par le sénateur Adrien Gaudin de Villaine fonde la société Le Bocage Mortainais et achète l'ancien petit séminaire et l'ancien couvent des Ursulines[6]. Les Pères du Saint-Esprit, missionnaires en Afrique louent l'abbaye Blanche et y installent 85 aspirants missionnaires en 1923[6].

Attestations anciennes

  • moniales de Mortegno 1332 [4].
  • moniales de Moretegno 1332 [3].
  • moniales de Moretegnio 1332 [5].
  • Abbatia Alba 1412 [8].
  • prioriss[a] et convenus monialium de Novo Burgo prope Morithonium, videlicet Blanche Abbatie ~1480 [9].
  • les relligieuses de l'abbaye blanche de Mortaing 1640 [10].

L'abbatiale

La structure cistercienne est respectée. La nef est relativement longue et il y a des chapelles dans les transepts. Les croisées d'ogives soutenant les voûtes sont les premiers signes du début de l'ère gothique. Les six fenêtres éclairant la nef s'agrandissent progressivement lorsque l'on se déplace vers le fond de l'enceinte religieuse. À la croisée de la nef et des transepts, le visiteur peut admirer le clocher tout en bois. La structure de la charpente, faite d'un ensemble de poutres enchevêtrées les unes dans les autres, ne permit pas le positionnement d'une cloche.

En 1845, Arcisse de Caumont faisait de l'abbatiale la description suivante : « L’Abbaye Blanche offre une église qui, à cause de la certitude de sa date, mérite d’être examinée avec soins. Le chœur et les transepts offrent un des plus beaux types que l’on puisse trouver de l’architecture durant la première moitié du XIIe siècle. Les chapiteaux des colonnes sont simples et élégamment profilés, mais les bases offrent une pureté et une élégance qui montrent que la dureté du granit n’a pas empêché les sculpteurs hailes de donner toute la rectitude des lignes que l’on remarque dans les églises construites en pierres tendres et faciles à tailler »[11].

Le cloître

Le cloître roman de l'abbaye n'a conservé que onze colonnes du 12e siècle. Sa structure, faite d'arcades à claveaux et de colonnes et colonnettes lisses, est d'une simplicité inhabituelle pour un cloître de cette époque. La pureté des lignes s'accorde cependant très bien avec la très belle charpente en bois qui rappelle évidemment celle du clocher.

La salle capitulaire

La salle capitulaire fait face au cloître et est parcourue de bancs de pierre sur lesquels les sœurs priaient. Elle est portée par deux voûtes d'arêtes. Son architecture originale se retrouve dans d'autres édifices religieux normands, en particulier les abbayes de La Lucerne, de Hambye et du Vœu à Cherbourg.

Le cellier

Le cellier

Le cellier est soutenu par un système de voûtes divisé en deux berceaux de quatre travées chacun et les chapiteaux sont ornés de feuilles plates.

Le petit séminaire

Le séminaire

En 1820, François Dary, curé de Romagny achète les bâtiments de l'abbaye Blanche pour le compte du diocèse de Coutances et d'Avranches, installe un petit séminaire et l'hospice regagne les bâtiments de l'ancien prieuré du Rocher[12].

Il s'agit de la partie plus contemporaine de l'abbaye. Ce bâtiment imposant, qui comporte pas moins de 300 fenêtres, a été construit entre 1854 et 1871. Certaines parties de l'abbatiale du 12e siècle ont été détruites à cette occasion. Dans le cadre de ce chantier, le vieux porche datant de 1699 a été déplacé vers sa position actuelle, c'est-à-dire devant la route nationale. Nous pouvons distinguer sur ce porche les armes de l'abbaye.

Nombre de ses élèves poursuivent leurs études au grand séminaire de Coutances ou au collège d'Avranches.

Suite aux lois de séparation de l’Église et de l’État de décembre 1905, le petit séminaire est fermé. L'institution s'installe en 1906 dans l'école Sainte-Marie à Ducey, jusqu'en 1913, date de l'ouverture de l'Institut Notre-Dame d'Avranches qui prend en charge ses élèves[13].

Supérieurs
  • 1851-1853 : Aimé Victor François Guilbert
  • 1853- 1871 : abbé Ameline
  • 1871-1874 : abbé Gillot
  • 1874-1879 : abbé Ameline
  • 1879-1905 : abbé Dubois
  • 1906 : abbé Godefroy
Anciens professeurs
Aumônier
Anciens élèves

Aujourd'hui

L'abbaye Blanche de Mortain.

L'église, les celliers, la salle capitulaire et le cloître longeant la nef avec trois arcades en retour le long du transept ont été classés monuments historiques par arrêté du 3 avril 1920.

L'ordre des pères du Saint-Esprit, propriétaire des lieux quitte l'abbaye en 1984, et la communauté des Béatitudes s'y installe en location. Leurs journées sont rythmées par les prières, les rites liturgiques (laudes, vêpres, complies, etc.) et la volonté de respecter la façon de vivre des premiers chrétiens. Une place importante est réservée à l'art par le biais d'expositions et de mises en scène d'une part, et par l'accueil d'artistes au sein de l'abbaye d'autre part parmi lesquels Marcel Hasquin, Hary Rosenthal, Patrick Chupin, Isa Slivance, Michael Lonsdale, Solomon Rossine, Akéji, Rachid Koraichi, la compagnie Habaquq... Un musée missionnaire sur l'ethnographie africaine est également ouvert au public.

En 2008, elle est mise en vente à trois millions d’euros. Fin 2010, la vente n'est toujours pas conclue. La mise à prix est raisonnable pour un édifice de ce calibre et les 5 hectares du domaine qui s'y rattache mais les 14 millions d'euros nécessaires à la restauration de l'abbaye font réfléchir. Comme dans le monde du travail, les spiritains, propriétaires de l'abbaye, doivent se restructurer en vendant des propriétés et en regroupant leurs membres [15].

La dizaine de frères et de sœurs des Béatitudes quitte l'abbaye de Mortain en mai 2011. Une promesse de vente est signée par l'architecte François Pin, le promoteur Maxime Rinaldi et un architecte belge, qui souhaitent en faire un lieu culturel en conservant le caractère spirituel du lieu [16]. Leur projet est abandonné, comme celui d'une résidence senior et hôtelière envisagée en 2016 [17].

En 2017, le site est entièrement privé. L'accès libre au cloître et au jardin est gratuit et autorisé toute l'année. L'église abbatiale est fermée au public [18]

En février 2018, le dossier de l'abbaye blanche est présenté à Stéphane Bern, animateur de télévision, à qui le président de la République a confié une mission d'identification du patrimoine immobilier en péril. Un coup de pouce est espéré [17]. Le comité Adeline, composé d'acteurs publics, d'architectes et de représentants de la congrégation du Saint-Esprit réfléchit au devenir du site en se réunissant tous les deux mois [17].

Le 22 janvier 2019, Véronique Michel-Gicquel, avocate à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), déjà propriétaire de la filature Mauviel du Mesnil-Tôve, voit son offre d'achat acceptée. Elle a pour projet de faire du site une vitrine du savoir-faire français [19].

Le 1er mai 2019, Véronique Michel-Gicquel devient présidente de la nouvelle association Les amis de l'abbaye Blanche qui tient sa première assemblée générale[20].

Bibliographie

  • Abbé Auguste Laveille, « L'abbaye Blanche », La Normandie monumentale et pittoresque, édifices publics, églises, châteaux, manoirs, etc....Manche, partie 2, éd. Lemasle & Cie, Le Havre, 1899, p.286-292 (lire en ligne)
  • Victor Gastebois, « De l'Abbaye-Blanche au bourglopin », Le Vieux Mortain, impr. G. Letellier, Mortain, 1930-1931, p.9-48 (lire en ligne)
  • Léon Blouet, « Un exemple d'architecture cistercienne : l'abbaye Blanche «, Art de Basse-Normandie, n° 12, spécial Mortain, noël-hiver 1958-1959, p. 27-34

Notes et références

  1. Claude Groud-Cordray et David Lemoussu, « Qui a fondé l'abbaye Blanche ? », Revue de l'Avranchin et du Pays de Granville, fasc.461, t. 96, déc. 2019, p. 349-351
  2. Pouillé du Diocèse d’Avranches, ~1480, in Auguste Longnon, Pouillés de la Province de Rouen, Recueil des Historiens de France, Paris, 1903, p. 175E.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 Pouillé du Diocèse de Coutances, 1332, in Auguste Longnon, op. cit., p. 352D.
  4. 4,0 et 4,1 Pouillé du Diocèse de Coutances, 1332, in Auguste Longnon, op. cit., p. 350A.
  5. 5,0 et 5,1 Pouillé du Diocèse de Coutances, 1332, in Auguste Longnon, op. cit., p. 353B.
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 6,4 6,5 et 6,6 Victor Gastebois, « De l'Abbaye-Blanche au bourglopin », cité en bibliographie, p.44-47
  7. Ouest-France, 20 février 2016.
  8. Pouillé du Diocèse d’Avranches, 1412, in Auguste Longnon, op. cit., p. 162C.
  9. Pouillé du Diocèse d’Avranches, ~1480, in Auguste Longnon, op. cit., p. 175E.
  10. Rôle des fiefs du grand bailliage de Caen (vicomtés de Caen, Bayeux, Falaise et Vire) et de leur possesseurs dressé en 1640, Bulletin Héraldique de France, 1890-1892, p. 53a.
  11. [1] Site internet de la ville de Mortain.
  12. Abbé Auguste Laveille, « L'abbaye Blanche », cité en bibliographie, p.292
  13. Ouest-France, site internet, 29 septembre 2013 (lire en ligne).
  14. La Manche Libre, 26 février 2011.
  15. Marc Sadouni, « Qui achètera l'abbaye blanche de Mortain ? », France 3-Normandie, consulté le 22 septembre 2010.
  16. « L'Abbaye-Blanche rachetée par des architectes », La Manche libre, site internet, 4 juin 2011
  17. 17,0 17,1 et 17,2 Florian Hervieux, « Stéphane Bern au chevet de l'abbaye blanche ? », La Gazette de la Manche, 7 mars 2018.
  18. « Les montagnes de la baie du Mont-Saint-Michel », Office de tourisme du Mortainais, 2016.
  19. « Seconde vie pour l'abbaye blanche de Mortain », Ouest-France, 31 janvier 2019.
  20. « Du nouveau pour l'abbaye blanche à Mortain », Ouest-France, 18-19 mai 2019.

Lien interne