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Érosion du littoral dans la Manche

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À Urville-Nacqueville, l'avancée de la mer a fait basculer sur la plage les blockhaus construits initialement sur la terre ferme.
Bien que non scientifique, cette carte censée représenter le littoral manchois à l'arrivée des Romains (-55 av. J.-C.) peut donner une idée de l'érosion du littoral.

L'érosion du littoral est un phénomène environnemental présent dans la Manche.

Situation

La côte ouest est la plus affectée, notamment au sud de Barneville-Carteret, jusqu'à Granville, sur une centaine de kilomètres. Mais d'autres secteurs sont également concernés, notamment l'anse de Vauville, les plages de sable à l'ouest et à l'est de Cherbourg-Octeville, et la côte est, de la pointe de Saire à la baie des Veys, sur une cinquantaine de kilomètres.

Depuis 1947, dans le département, 4,4 millions de mètres carrés ont été « érodés » [1]. Parallèlement, il est vrai, d'autres secteurs ont gagné sur la mer (phénomène dit d'accrétion).

En 2020, Franck Levoy, professeur à l'université de Caen (département biologie et sciences de la Terre) et au Centre de recherches en environnement côtier de Luc-sur-Mer (Calvados), considère que Saint-Jean-le-Thomas est « le point le plus critique du département », avec un recul de 300 m depuis 1996 [2]. Depuis 1947, le recul du trait de côte atteint 240 m, soit une vitesse d'érosion de 7,50 m par an [3]. Le Groupe de recherche sur les environnements sédimentaires aménagés et les risques côtiers (Gresarc) chiffre à 300 m le recul du trait de côte entre 1947 et 2002 et à 50 m entre 1992 à 2007 [4]. En décembre 2013, sous l'effet de la tempête Dirk, le massif dunaire y recule de 7 mètres [5].

À Montmartin-sur-Mer, le recul est de 200 m entre 1996 et 2020 et de 100 m à Saint-Germain-sur-Ay [2].

À Dragey, au lieu-dit La Dune, et au bec d'Andaine, le rivage s'est d'abord avancé respectivement 130 m et de 190 m avant de reculer fortement en 1995 [3]. À Montmartin-sur-Mer, le retrait atteint 200 m en quinze ans [6].

À Saint-Lô-d'Ourville, la côte a reculé de 63 mètres entre 1947 et 1965 [7].

Études

Depuis 1993, une équipe de scientifiques du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), rattachés à l'université de Caen (Calvados), étudie l'évolution du trait de côte manchois. Son nom : Groupe de recherche sur les environnements sédimentaires aménagés et les risques côtiers (Gresarc).

Notre littoral pour demain

Lancé et financé par la région Basse-Normandie, le projet « Notre littoral pour demain » a pour but « de mobiliser et soutenir les élus du littoral pour qu’ils s’engagent vers une gestion durable du littoral » [8]. Il s'agit « d’accompagner les collectivités qui souhaitent se lancer dans la définition collective d’une stratégie de gestion durable de leur bande côtière, en leur donnant les moyens de se projeter à des échelles géographiques et temporelles cohérentes [8]. L'Institut régional de développement durable (IRD2) est chargée de piloter ce projet [9]. Selon les endroits, les choix pourront être de « tenir le trait de côte actuel ou de préparer un repli stratégique », explique Sonia Raous, coordonnatrice du projet [9]. Pour Stéphane Costa, géographe à l'université de Caen, il ne fait pas de doute « qu'il y aura des endroits qu'il faudra abandonner ». Dans tous les cas, insiste-t-il, « c'est l'espèce humaine qui aura le plus de difficultés à s'adapter » [9].

Plusieurs réunions d'informations destinées aux élus ont lieu en février 2015, notamment à Sainte-Mère-Église et à Siouville-Hague [9].

Chronologie

Un programme d'études est entrepris en 1989, et achevé au printemps 1999, qui se prolonge par un programme d'action sur vingt sites sélectionnés [1]. Les travaux sont estimés à 11,5 millions d'euros (valeur 1994) pour seulement la côte ouest de la Manche.

Des travaux sont entrepris dans certaines communes pour ralentir le phénomène. Il s'agit principalement d'enrochements (Siouville-Hague...), de rechargements en sable (Agon-Coutainville, Barneville-Carteret...) et de la construction d'épis en bois disposés perpendiculairement à la côte, destinés à « piéger » le sable (Saint-Jean-le-Thomas, Portbail, Agon-Coutainville...).

En 2015, l'État octroie 585 000  au département pour lutter contre la mer [10]. La même somme est attendue en 2016, dont 108 000  versés à la Communauté de communes du canton de Lessay pour les zones fragilisées de Saint-Germain-sur-Ay, Pirou et Créances [10].

En octobre 2017, à Gouville-sur-Mer, une nouvelle technique est essayée pour un coût de 662 158  financé à 60 % par la commune et le reste par l'État : elle consiste à mettre en place un gros tube de 425 mètres de long rempli de sable et d'eau de mer pour stabiliser la plage [11].

En 2018, la Direction départementale des territoires et de la mer de la Manche (DDTM) dispose d'un budget de 946 800  pour lutter contre l'érosion (contre 400 000  en 2017, dont seulement 182 000  ont été dépensés) [12].

Le 14 février 2020, Élisabeth Borne, ministre de la Transition écologique, vient constater l'érosion du littoral à Gouville-sur-Mer, notamment après la tempête Ciara [13]. « Il faut raisonner à trente ans, déclare la ministre, en pensant même à ce qu'il va se passer dans la deuxième moitié du siècle, mais évidemment ça ne va pas nous détourner de l'action dans l'urgence » (...) « On voit qu'ici la mer est plus forte que nous. Il faut aussi réfléchir à ne pas vouloir gagner contre la nature, mais de jouer avec la nature » [13].

Le 26 octobre 2021, un plan partenarial d'aménagement (PPA) est signé entre l'État et lla Communauté de communes Coutances Mer et Bocage [14]. Un crédit de 4,8 millions d'euros est provisionné pour étudier et aménager le littoral dans les communes de Blainville-sur-Mer, Gouville-sur-Mer et Agon-Coutainville pour partie [14].

Le 30 avril 2022, le Journal officiel publie un décret donnant une liste de 126 communes dont « l'action en matière d'urbanisme et la politique d'aménagement doivent tenir compte » du phénomène [15]. Parmi les 16 communes situées en Normandie, huit se trouvent dans le département de la Manche : Agon-Coutainville, Donville-les-Bains, Genêts, Héauville, Jullouville, Lingreville, Montmartin-sur-Mer et Saint-Jean-le-Thomas [15].

Bibliographie

  • Léopold Quenault, Invasions de la mer sur les côtes du Cotentin, Daireaux-imprimeur, Coutances, 1865 (lire en ligne)
  • G. Chatel, « Essai d'interprétation des processus d'érosion littorale dans la région de Coutainville », Comité central d'océanographie et d'études de la côte, 10e année, n° 7, juillet-août 1958
  • M. J. Graindor, Niveaux marins quaternaires dans le Cotentin et corrélation avec les Îles Anglo-Normandes, Société géologique française, 1958

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 « Le littoral dans le département de la Manche », Conseil général de la Manche, Direction générale adjointe du développement durable et des affaires maritimes, octobre 2006.
  2. 2,0 et 2,1 Christophe Leconte, « Montée des eaux dans la Manche : “ Nous ne sommes à l'abri d'un événement extrême” », Ouest-France, site internet, 10 février 2020.
  3. 3,0 et 3,1 André Mauxion, Découvrir la baie du Mont-Saint-Michel, éd. Ouest-France, 1996, p. 16.
  4. Cité dans « Érosion dans le canton de Sartilly : quelle stratégie adopter ? », 2005 (lire en ligne).
  5. Benoît Martin, « Les dents de la mer : forte érosion du littoral dans la Manche », France Bleu Cotentin, site internet, 16 janvier 2014.
  6. Christiane Galus, « L'érosion touche plus du quart du littoral français », Le Monde, 11 août 2007.
  7. Maurice Denuzière, « La protection contre la mer est devenue une urgente nécessité », Le Monde, 27 décembre 1967.
  8. 8,0 et 8,1 « Notre littoral pour demain », appel à projets, Région Basse-Normandie, juillet 2014.
  9. 9,0 9,1 9,2 et 9,3 « Littoral : “Il y a des endroits qu'il va falloir abandonner” », Ouest-France, 26 février 2015.
  10. 10,0 et 10,1 « Érosion dunaire : 108 000 € pour le secteur de Pirou », Ouest-France, 4 novembre 2016.
  11. « Érosion dunaire : innovation en Manche », Ouest-France, 23 octobre 2017.
  12. « La lutte contre l'érosion crée des tensions sur la côte ouest », La Presse de la Manche, site internet, 13 novembre 2018.
  13. 13,0 et 13,1 « Élisabeth Borne dans la Manche pour soutenir les populations touchées par le recul du trait de côte », AFP, 14 février 2020, 16 h 02.
  14. 14,0 et 14,1 Arnaud Le Gall, « Montée des eaux : un premier plan pour la côte ouest », Ouest-France, site internet, 27 octobre 2021.
  15. 15,0 et 15,1 Olivier Mélennec, « Érosion côtière : des communes sous pression », Ouest-France, 5 mai 2022.

Liens externes