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Raymond Poincaré à Cherbourg (1913)

De Wikimanche

L'arrivée à la gare.

Raymond Poincaré à Cherbourg.

Raymond Poincaré, président de la République, vient à Cherbourg le lundi 23 juin 1913 pour rejoindre l'Angleterre où il va célébrer l'Entente cordiale. De grandes fêtes sont organisées à l'occasion de sa venue.

Biographie

Raymond Poincaré, né le 20 août 1860 à Bar-le-Duc (Meuse), est président de la République depuis quatre mois quand il arrive à Cherbourg : il a été élu le 17 février 1913. Il a 52 ans. Il va rester à la tête de l'État jusqu'au 18 février 1920. Élu sénateur en 1920, il a une longue et riche carrière politique. Il préside notamment le Conseil des ministres de 1922 à 1924 puis de 1926 à 1929. Il est plusieurs mois ministre (Affaires étrangères, Finances et Instruction publique). Il meurt le 15 octobre 1934 à Paris, à 74 ans.

Samedi 21 juin

Un concert militaire est donné le soir place de la République, suivi d'une retraite aux flambeaux à travers la ville [1].

Dimanche 22 juin

Dès 8 h, des fanfares parcourent les quais sous un temps gris [1]. L'après-midi, sous le soleil revenu, la foule se masse sur les quais pour assister à des « expériences d'aéroplanes » [1]. Vers 15 h, en effet, l'aviateur cherbourgeois Pierre Divetain plane avec son aéro-yacht Borel-Denhaut au-dessus des navires jusqu’à tomber en panne d’essence au-dessus du Becquet [2]. À la demande du public, deux autres démonstrations ont encore lieu [1]. En soirée, un public nombreux assiste à une « fête vénitienne » donnée dans le bassin du Commerce, mise en musique par la Lyre de Cherbourg et les trompettes de l'Espérance, et ponctuée par un splendide feu d'artifice [1].

Lundi 23 juin

Dans l'arsenal.

Parti de Paris en train à 11 h 10, Raymond Poincaré arrive en gare de Cherbourg le lundi 23 juin à 17 h 16. Il est accompagné de Stéphen Pichon, ministre dès Affaires étrangères, Louis-Lucien Klotz, ministre de l'Intérieur, et Pierre Baudin, ministre de la Marine.

Pour la sécurité du chef de l'État, 150 gendarmes ont été dépêchés à Cherbourg, ainsi que plusieurs commissaires de police [1].

L'arrivée du président Poincaré est saluée par des coups de canon tirés par la batterie du fort du Roule. Une mauvaise manœuvre provoque une explosion qui tue deux des servants, le sous-chef artificier Basset et le canonnier Mauguin, et fait 8 blessés [3].

À sa descente du train, M. Poincaré, qui n'est pas encore informé du drame, apparaît souriant, la poitrine barrée du grand cordon de la Légion d'honneur [4]. Trois jeunes filles, l'une représentant l'enseignement primaire, l'autre l'enseignement secondaire, la troisième l'enseignement professionnel, lui remettent des fleurs [4]. Trois autres jeunes filles, des Lorraines habitant Cherbourg, lui offrent également des fleurs : « Ces fleurs doivent avoir un parfum très spécial puisque lorraines et cultivées en Normandie », comme le chef de l'État [4]. À l'extérieur de la gare, la foule « est immense » et une « formidable acclamation » accueille le Président dès qu'il paraît au son de La Marseillaise et de la Marche lorraine [5].

Escorté par l'escadron du 24e dragon venu de Dinan, le Président traverse la ville par l'avenue Jean-François-Millet, le quai Alexandre-III, les rue des Tribunaux, Gambetta, de la Fontaine et François-la-Vieille. « Les rues, les fenêtres, les balcons, les murs sont noirs de monde [5]. Cherbourg fait « une magnifique réception » au chef de l'État, estime l'envoyé spécial du quotidien Excelsior : « Partout dans les grandes artères, comme au long des rues de moindre importance, la décoration des demeures offre un spectacle joli aux yeux. Aux fenêtres, les drapeaux tricolores flottent au vent, les guirlandes colorées serpentent aux murs ou forment de chatoyants arceaux allant d'une maison à celle qui lui fait vis-vis » [6].

Le landau présidentiel attelé de quatre chevaux est accueilli place de la République par 4 000 élèves [6]. À l'hôtel de ville, Raymond Poincaré assiste à une réception. C'est là qu'il apprend le drame du fort du Roule. Il écrit plus tard dans ses mémoires : « Je connus ce malheur trop tard pour aller jusqu'au fort saluer les victimes et ne pus que faire remettre des secours aux survivants et aux familles des deux morts », écrira-t-il plus tard [7]. Le ministre de la Marine est dépêché en urgence sur les lieux [3].

Dans son discours d'accueil, Albert Mahieu, député-maire, célèbre l'Entente cordiale, qui apparaît, dit-il, « comme un des gages nécessaires de la paix, de la paix au maintien de laquelle ils restent fidèlement attachés, dans les limites compatibles avec la grandeur et la dignité du pays » [7]. Raymond Poincarré lui répond qu'il trouve « dans un dernier contact avec les populations françaises un nouveau témoignage de leur fidélité républicaine et de leurs aspirations pacifiques. Ce soir, sur votre rade, à bord du Courbet, je verrai pointer dans l'ombre vos illuminations et j'entendrai l'écho de vos réjouissances. Je saisirai sans peine le sens de ces manifestations. Ce que vous célébrerez ainsi, c'est l'amitié de deux grands peuples jaloux de leur indépendance et de leur dignité, et spontanément unis dans un commun amour de la liberté, du travail et du progrès. Et demain, à l'aube, lorsque l'escadre française lèvera l'ancre et mettra le cap sur Portsmouth, je me saurai accompagné de vos vœux unanimes et je me sentirai moins indigne de transmettre à nos voisins la pensée de la France » [7].

Après les discours, Albert Mahieu remet au chef de l'État une épreuve de la Marche triomphale, composée par le Cherbourgeois Carrara en hommage au chef de l'État [8]. Raymond Poincaré donne à Albert Mahieu une somme de 15OO francs pour être distribuée aux pauvres de la ville [9].

Le président de République gagne le balcon de l'hôtel de ville pour saluer la foule et écouter La Marseillaise et Sambre et Meuse [6].

Raymond Poincaré rejoint ensuite l'arsenal par la place Napoléon et les rues de l'Onglet et de l'Abbaye. Dans l'arsenal, il embarque à 18 h 30 au quai Sané dans la vedette du préfet maritime et rejoint le cuirassé Courbet [10]. À 19 h, un dîner officiel de 35 couverts y est servi, auquel participent les autorités civiles et militaires [10]. À 21 h, les quais et les monuments publics sont illuminés. Un concert est donné place de la République. À 22 h, un feu d'artifice embrase la rade où stationnent de nombreux navires. Avant d'aller se coucher à bord du Courbet, le président de la République n'oublie pas le deuil qui a frappé Cherbourg : il charge le ministre de la Marine de donner 3 000 francs aux familles des victimes à titre de premier secours [10].

Mardi 24 juin

À 7 h, « par un temps superbe », le Courbet quitte Cherbourg pour l'Angleterre, salué par plusieurs salves de canons et devant une foule « considérable » massée sur les jetées et les hauteurs de la ville [11]. Au même moment, l'aviateur Pierre Divetain survole la rade à bord de son hydravion Borel et laisse tomber une jonchée de fleurs sur la plage arrière du croiseur [12]. Le navire est escorté par les croiseurs Condé, Gloire et Marseillaise et six contre-torpilleurs, rejoints à la limite des eaux territoriales par six destroyers anglais. L'escadre arrive à Portsmouth un peu avant midi [13] pour être reçu dans l'après-midi à Londres par le roi George V.

Pierre Baudin, ministre de la Marine, resté à Cherbourg, se rend à 9 h à l'hôpital maritime pour saluer les blessés de la catastrophe du fort du Roule [14]. À bord de la vedette du préfet maritime, il visite ensuite les principaux ouvrages du front de mer, dont la marine poursuit actuellement la réorganisation [14]. Il déjeune à l'hôtel de la préfecture maritime puis il se rend à bord du contre-torpilleur Francis-Garnier, actuellement en essais, puis visite les ateliers de construction navale de l'arsenal et procède à une remise de médailles.

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 et 1,5 « Les fêtes présidentielles », Cherbourg-Éclair, 23 juin 1913.
  2. René Gautier (dir.), Dictionnaire des personnages remarquables de la Manche, t. 4, éd. Eurocibles, 2006.
  3. 3,0 et 3,1 « Un accident fait deux tués », L'Ouest-Éclair, 24 juin 1913.
  4. 4,0 4,1 et 4,2 « L'arrivée de M. Poincaré à Cherbourg », Le Siècle, 24 juin 1913.
  5. 5,0 et 5,1 « Le voyage présidentiel », Le Gaulois, 24 juin 1913.
  6. 6,0 6,1 et 6,2 « M. Poincaré était hier à Cherbourg, première étape du voyage à Londres », Excelsior, 24 juin 1913.
  7. 7,0 7,1 et 7,2 Raymond Poincaré, L'Europe sous les armes, Librairie Plon, 1926.
  8. « La Marche triomphale de l'Entente cordiale », Cherbourg-Éclair, 25 juin 1913.
  9. « Voyage présidentiel en Angleterre », L'Aurore, 24 juin 1913.
  10. 10,0 10,1 et 10,2 « La soirée à Cherbourg », Le Matin, 24 juin 1913.
  11. « Portsmouth et Londres acclament M. Poincaré », L'Ouest-Éclair, 25 juin 1913.
  12. Bernard Launey, Cherbourg 1900-1975, impr. La Dépêche, 1976, p. 88.
  13. « Le Président en Angleterre », Cherbourg-Éclair, 25 juin 1913.
  14. 14,0 et 14,1 « La journée du ministre de la Marine », Cherbourg-Éclair, 25 juin 1913.

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