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Portrait de Javain

De Wikimanche

Le Portrait de M. Javain est un tableau de Jean-François Millet, exposé au musée Thomas-Henry.

En 1841, le conseil municipal de Cherbourg émet le souhait de faire réaliser le portrait de Paul Honoré Javain, ancien maire de la commune décédé quelques mois auparavant, pour l'exposer dans la salle de ses délibérations.

Jeune peintre pensionné, on confie la tâche à Jean-François Millet pour 300 francs.

N'ayant pas connu l'homme, le peintre doit se fier pour son tableau à une miniature de mauvaise qualité représentant le défunt magistrat dans sa jeunesse.

Travaillant dans le vestibule du musée de Cherbourg, situé dans l'hôtel de ville, il prend modèle sur un garçon de bureau de la mairie, condamné à trois mois de prison, pour réaliser les mains du Javain. Il crée la polémique. Reprochant son manque de fidélité à la réalité, le conseil municipal, réuni le 30 mars 1841 sous la présidence du maire Noël-Agnès, refuse de payer le peintre :

« M. le maire soumet au Conseil la demande du sieur Millet, artiste, en paiement d'une somme de trois cents francs pour le prix du portrait (Javain) qui lui a été commandé et qui est mis en même temps sous les yeux du Conseil. Malheureusement ce portrait n'offre aucune ressemblance avec M. Javain, et présente, au contraire, un caractère de dureté entièrement opposé à la physionomie qui caractérisait cet honorable magistrat. Le Conseil a appris avec peine que M. Millet avait eu cependant sous les yeux une miniature assez ressemblante et que les avis ne lui avaient pas été épargnés, mais qu'il avait cru devoir chercher à faire un beau portrait, plutôt qu'un portrait ressemblant.
« Le Conseil, considérant que le but qu il s'était proposé n'est pas atteint, et que l'artiste s'en est volontairement écarté, refuse à regret d'en prendre livraison et de voter l'allocation demandée. »

Face aux protestations de Millet, le conseil se prononce à nouveau lors de la séance du 29 mai 1841 :

« M. le maire présente au Conseil la proposition de faire faire à Paris le portrait de M. Javain. Le Conseil décide à ce sujet, et après quelques explications, qu'il n'y a pas lieu de donner suite à cette proposition. Il autorise M. le maire à verser à M. Millet une somme de cent francs pour la toile du tableau par lui offert ; sous condition, bien entendu, que ce tableau restera à la ville, et sans rétractation aucune des précédents arrêtés. »

L'affaire se résout finalement par le versement, outre les 100 francs de dédommagement prévus, 200 francs supplémentaires, en échange du don d'une seconde toile, Moïse tenant les Tables de la Loi. S'estimant spolié, Millet représente sur ce tableau Moïse, sous les traits du peintre, montrant le huitième commandement des tables de la loi, ordonnant : « Tu ne voleras point ».

« Ce portrait, nous dit Alfred Sensier, n'est ni un chef-d'œuvre ni une mauvaise peinture ; il a des qualités incontestables, l'exécution est libre et pleine de jeunesse. Il ne mérite pas les anathèmes dont il a été chargé, et bien des portraits historiques de Versailles ne le valent pas. »

Il est aujourd'hui exposé au musée Thomas-Henry, dans la salle consacrée au peintre grévillais, aux côtés de Moïse tenant les Tables de la Loi.

Source

  • Alfred Sensier, La Vie et l'œuvre de J.-F Millet, A. Quantin, 1881.