Actions

Guerre de Cent Ans dans la Manche

De Wikimanche

Guerre de Cent Ans dans la Manche

Elle a eu de nombreuses répercussions dans la Manche.

Contexte

Première phase de la guerre de Cent Ans.
1365 : la France après les traités de Brétigny et de Guérande.

La guerre de Cent Ans couvre canoniquement cent seize années, de 1337 à 1453, mais aucune de ces deux dates n'est vraiment satisfaisante, car la question de la Guyenne naît à partir du règne de Philippe le Bel, à l'extrême fin du 13e siècle. Une première guerre franco-anglaise se déroule en 1293-1294. On peut aussi considérer que la guerre commence dès 1328, lorsque Édouard III d'Angleterre tire parti de l'absence d'héritier mâle du dernier Capétien direct pour contester la légitimité de Philippe VI de Valois. En 1453, les Anglais tiennent toujours Calais et Français et Anglais sont toujours en guerre. Le traité de Picquigny en 1475 introduit une trêve [1] longue entre les deux royaumes mais les Français ne reprennent Calais qu'en 1558.

La France dans la guerre de Cent ans, de Siméon Luce.

La guerre oppose sur le sol français deux dynasties, les Plantagenêts et la Maison capétienne des Valois. C'est un conflit de souveraineté entre deux États modernes dont l'objet est le duché de Guyenne, dernier fief anglais en France sur lequel règnent les rois d'Angleterre et qui comprend la région de Bordeaux, la région de Bayonne, les Landes et les fiefs tenus par des grands seigneurs gascons, souvent à la fois vassaux du roi du France et vassaux du roi d'Angleterre. Au début du 14e siècle, l'Angleterre est un État assez affirmé en tant que communauté politique mais avec un roi assez faible, alors que la France est un royaume en voie d'intégration accélérée avec un roi fort. Ce dernier ne conteste pas que le roi d'Angleterre est duc de Guyenne et le roi d'Angleterre ne conteste pas que le duché de Guyenne fait partie du royaume de France, mais la situation ne convient plus ni à l'un ni à l'autre. D'un côté, le roi d'Angleterre ne souhaite pas prêter hommage au roi de France car il trouve que c'est humiliant; de l'autre, le roi de France ne peut pas tolérer l'autonomie de fait de la Guyenne au sein de son royaume alors qu'il essaie de resserrer son emprise sur tous les fiefs du royaume, en bonne voie d'intégration à l'état royal. Le droit féodal ne sert alors aux deux rois que de prétexte pour s'imposer en Guyenne.

La confiscation de la Guyenne au roi d'Angleterre par Philippe VI, roi de France, marque l'ouverture des hostilités. Édouard III, comme Philippe VI, désire être souverain en Guyenne et revendique la couronne de France [2]. Les Anglais sont en mesure de faire campagne beaucoup plus longtemps que les rois de France car leur système d'impôts fonctionne mieux qu'en France et sert à payer des armées contractuelles qui sont soldées pour six mois à un an, contre quelques semaines en France. La flotte anglaise et son infanterie embarquée sont bien supérieures aux forces navales françaises et donnent le contrôle de la mer de la Manche à l'Angleterre jusqu'à la fin du conflit. C'est en partie pour cela que la première offensive anglaise de 1337 se solde par une victoire, la paix de Calais de 1360, qui voit le roi d'Angleterre imposer sa souveraineté en Aquitaine. La région n'est reconquise par la France qu'en 1375, au terme de six ans de combats. En 1415, le roi d'Angleterre Henri V profite de la faiblesse de Charles VI et de la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons pour s'allier au duc de Bourgogne; il parvient à contrôler toute la moitié nord du royaume. Il en est finalement chassé par Charles VII entre 1449 et 1453.

Dans la Manche

À partir des dernières années du 13e siècle, les ports de Saint-Vaast, Barfleur et Cherbourg deviennent des centres d'armements maritimes plus ou moins importants. La guerre devait d'abord se jouer sur la mer.

Première occupation anglaise

Geoffroy d'Harcourt, seigneur de Saint-Sauveur-le-Vicomte, sous prétexte de querelles matrimoniales, prend les armes contre Robert VIII Bertran de Bricquebec et fait allégeance au roi Édouard III d'Angleterre.

Le 12 juillet 1346, le roi Édouard III d’Angleterre débarque avec 40 000 soldats à Saint-Vaast-la-Hougue. Guidés par Geoffroy d'Harcourt, ils prennent Valognes le 18, Carentan le 20, Saint-Lô le 22, mais se heurtent à la défense de Cherbourg.

Reconquête

Charles V, sacré roi de France en 1364 reprend Bricquebec, Valognes et Néhou puis ordonne en 1374 le siège du château de Saint-Sauveur-le-Vicomte (défendu par deux cents Anglais au plus) que ses troupes finissent par libérer au bout d'un an [3]. La garnison peut partir libre et avec une indemnité. En 1378, son connétable, Bertrand Du Guesclin réussit à occuper Avranches mais ne peut prendre Cherbourg dont la forteresse est tenue par une garnison anglaise ravitaillée depuis la mer [3].

Après la capture de Guillaume des Bordes, capitaine à Montebourg, Charles V ordonne alors le « grand vuidement » : l'exode massif des populations pour ne laisser aux Anglais « aucune sustentation ou confort » [3]. Les campagnes sombrent dans la misère, le dépeuplement et l'insécurité liée aux raids anglais sur la côte nord jusque vers 1410 [3].

Seconde occupation anglaise

Le 1er août 1417, le roi Henri V d'Angleterre débarque ses troupes à l'embouchure de la Touques (aujourd'hui Trouville-sur-Mer dans le Calvados), et entreprend la conquête de la Normandie.

Le 29 septembre 1418, c'est la capitulation de Cherbourg devant les forces anglaises de Henri V.

De 1418 à 1450 Avranches est occupée par les Anglais[4]. Les envahisseurs érigent des fortifications sur l'injonction du roi d'Angleterre qui souhaite résister à toute tentative de reconquête française[5].

La guerre de Cent Ans rend nécessaire la protection de l’abbaye du Mont-Saint-Michel par un ensemble de constructions militaires qui lui permet de résister à un siège de 30 ans, alors que les Anglais occupent l'îlot de Tombelaine tout proche. L'abbé Robert Jolivet fait envelopper le Mont-Saint-Michel d'une ceinture de remparts, mais alors que tout semblait perdu pour la monarchie française, il se rend à Rouen et se vend aux Anglais. Jean Gonault le remplace en 1420 et organise la défense avec Jean VIII d'Harcourt, comte d'Aumale. Aidés par Robert Jolivet, les Anglais attaquent au Mont-Saint-Michel en 1423, par terre et par mer. Mais la tentative échoue grâce à la vaillance de la garnison et à l'appui de Jean V, duc de Bretagne, appelé au secours. Mais, c'est le siège du Mont qu'on tente de réduire par la famine. En 1434, mis en déroute par la garnison commandée par Louis d'Estouteville, capitaine du Mont, les Anglais abandonnent leur artillerie : les deux bombardes déposées à l'entrée du Mont sont les trophées de cette victoire mémorable remportée par quelques centaines de héros contre toute une armée [6]. Le Mont-Saint-Michel est le seul territoire de Normandie qui n'a pas été occupé par les Anglais.

En 1441, Louis d'Estouteville reprend la forteresse de Granville, créée par les Anglais emmenés par Thomas de Scales depuis 1439.

1450 marque la reconquête de la Normandie et la fin de la guerre dans l'actuel département de la Manche : Thomas Kyriel débarque à Cherbourg le 15 mars avec un corps de 5 000 hommes. Après avoir occupé Valognes, ils sont vaincus à Formigny (Calvados) par le comte de Clermont à la tête des troupes du Cotentin, qui a reçu le renfort du connétable de Richemont. Le 12 août suivant, Cherbourg, dernière place forte manchoise sous domination anglaise, se rend aux troupes de Charles VII, au terme d'un siège éprouvant.

En 1453, les Français reconquièrent la Guyenne, dernier morceau de l'héritage d'Aliénor d'Aquitaine.

Bibliographie

par ordre chronologique de publication
Ouvrages généraux
  • Boris Bove, Le temps de la guerre de Cent Ans (1328-1453), éd. Belin-Humensis, 2009.
  • Philippe Contamine, La guerre de Cent ans, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? Histoire-géographie », n° 1309, 9e éd., 2010.
  • Amable Sablon du Corail, La Guerre de Cent Ans : apprendre à vaincre, éd. Passés Composés, 2022.
Ouvrages et articles spécialisés
  • Charles Le Breton, L'Avranchin pendant la Guerre de cent ans, Mémoires de la société des antiquaires de Normandie, éd. F. Le Blanc-Hardel, Caen, 1878.
  • Arsène de Brachet, « La Guerre de Cent Ans et la région granvillaise », Le Pays de Granville, 1907.
  • Bernard Jacqueline, « La grande piété du diocèse de Coutances et Avranches pendant la guerre de Cent ans », Notices, mémoires et documents, n° 57, 1948.
  • Maurice Lantier, Cent cinquante textes sur la Guerre de Cent Ans dans le bailliage du Cotentin, Centre régional de documentation pédagogique, 1976.
  • André Plaisse, La Délivrance de Cherbourg et du clos du Cotentin à la fin de la Guerre de Cent Ans, éd. La Presse de la Manche, 1989.
  • « La Guerre de Cent ans à Bricquebec et dans le Cotentin », La Voix du donjon, n° 26-27, 2000.
  • « Bricquebec et Hambye dans la Guerre de Cent ans », La Voix du donjon, n° 33, 2002.
  • « Carentan pendant la Guerre de Cent Ans  » , Vikland, n° 28, 2019.

Notes et références

  1. La paix n'est pas conclue.
  2. Il ne pense pas pour autant régner en France.
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 Archives départementales de la Manche, La Manche toute une histoire, Conseil départemental de la Manche, 2016, p.65.
  4. David Nicolas-Méry, Découvrir Avranches, éditions Orep, 2013 .
  5. « Restauration du rempart de la fausse-braie : un coup de jeune pour la vieille ville », Avranches magazine, n° 9, juillet 2016.
  6. Paul Gout, Guide du visiteur au Mont-Saint-Michel, Lib Armand Colin, Paris, 1910.

Articles connexes