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Grand Castel (Maupertus-sur-Mer)

De Wikimanche

Le Grand Castel de Maupertus.
La tranchée du Grand-Castel.

Le Grand Castel était un lieu-dit situé à Maupertus-sur-Mer. Des traces d'occupation romaine y ont été découvertes, et le lieu aurait aussi été remployé pour une motte castrale. Il ne reste du Grand Castel que des attestations écrites.

Attestations anciennes

En 1824, Charles Duhérissier de Gerville [1] décrit le lieu ainsi :

« En revenant de Saint-Pierre à Cherbourg, on trouve sur une hauteur à peu près à mi-chemin et tout près de la mer, le grand castel de Maupertuis, ou plutôt le lieu où il fut autrefois. Si des médailles [2] prouvaient une origine romaine, on pourrait faire remonter celui-ci plus haut que les châteaux qui font l'objet de ma recherche actuelle. [il] m'est trop peu connu pour que je lui assigne une origine bien positive ».

En 1879, on lit dans les Mémoires de la société nationale académique de Cherbourg :

« Il existe à Maupertus une ancienne vigie romaine connue sous le nom de Grand-Câtel, et qui, au Moyen Âge, a dû être transformée en château fort. On y remarque encore un retranchement de 9 mètres environ de longueur. Non loin de là on trouva en 1788, plus de 80 médailles du Haut-Empire. » [3]

Le rocher du Grand Castel aurait longtemps servi de refuge aux contrebandiers.

L'écrivain Charles Canivet choisit l'endroit, encore à peu près préservé à cette époque, pour y situer la fin de son feuilleton La ferme des Gohel [4], paru d'abord dans Le Siècle en 1887 puis dans Le Petit Moniteur universel en 1890 [5]. Il appelle le lieu « Grand-Câtel », prononciation locale.

En 1898, une carrière dite du Grand Castel est décrite ainsi :

« [...] en pleine exploitation, présentant un front d'environ 80 mètres et un assaut moyen d'environ 40 mètres et une profondeur de 150 mètres au moins. Dans cette masse est creusée une mine, d'une profondeur du front regardant la mer de 35 mètres avec deux embranchements de 9 mètres 50 à l'est et de 10 mètres 50 à l'ouest. À l'extrémité de chacun de ces embranchements et de la galerie principale existe une poche ou chambre destinée à recevoir les charges de poudre. Les galeries présentent en moyenne une hauteur de 1 mètre 60, sur une largeur de 0 m. 75. Cette carrière d'un seul tenant et comprenant l'exploitation proprement dite, contient 2 hectares 93 ares 65 centiares ; elle est cadastrée sous les n° 24, 25 et 26 de la section A, sous les noms de la Grande Noë, la Noë et le Grand Castel et elle a pour abornements la route, Adolphe Lehérissier, Mme veuve Dorey, M. Bienaimé Maze, M. Paul Fauslu, M. Auguste Gosselin et la mer. » [6]

Cette description correspond bien à la carrière située au fond de l'Anse du Brick, dont le front de taille constitue la limite sud du camping actuel[7]. La chambre à poudre à l'ouest existe toujours : un tunnel à deux entrées. La chambre est semble par contre avoir disparu.

La carrière est exploitée dans un premier temps par la Société des carrières de granit de Maupertus et de Grand Castel, dont le siège est situé à Paris, 81 rue de Lille, puis à partir de 1924 par la municipalité socialiste de Lille (Nord) dans le but d'extraire les pavés nécessaires à l'entretien de sa voirie [8]. Des « spécialistes belges » sont employés à la taille de milliers de pavés, immédiatement expédiés à la cité industrielle du Nord [9].

Au moment de la construction du Tue-Vaques, Le Journal des arts s'inquiète dès 1907 de la dégradation des lieux :

« Par suite de la construction du chemin de fer de Cherbourg à Saint-Pierre et Barfleur, le grand castel, situé à Maupertus, sur le haut duquel existe une vigie datant des Romains, va disparaître ainsi qu'un menhir. Ce sont deux monuments historiques sacrifiés. Il n'eût peut-être pas été impossible de faire passer la route un peu plus haut ou un peu plus bas. » [10]

Le chantier décrit est celui du percement de la « tranchée du Grand Castel » par où passera le train et par où passe toujours la route touristique. Effectivement la tranchée fait disparaître une grande partie de l'éperon rocheux.

Et Le Figaro de préciser la même année :

« Les entrepreneurs, ont, en effet, mission de faire sauter une partie de la montagne où se trouvent ces monuments historiques, la ligne devant passer à cet endroit. » [11]

Le Nouvelliste de Bretagne écrit en 1923 :

« Les entrepreneurs sont venus lui arracher toute sa parure, l'ont mis à nu, gratté ! Et c'est aujourd'hui une plaie qui fait mal à regarder. Dans le cintre même du Brick gisent abandonnés grues, tôles, wagonnets et rails car l'effort de l'homme est demeuré sans résultat, faute d'assez d'argent » [12]
Détail d'une photographie aérienne américaine de Maupertus donnant une vue d'ensemble du Grand Castel.

On peut noter au passage que le transport du produit de la carrière (qui est souvent dit fait par le train), a d'abord été fait autrement, probablement jusqu'en 1911 date de mise en service de la ligne Cherbourg-Barfleur. Et aussi que quand la municipalité de Lille rachète la carrière, c'est déjà un endroit à l'abandon[13].

En résumé, la disparition du Grand Castel commence à la fin du 19e siècle avec l'exploitation de la carrière, et est accomplie entre 1907 et 1911 par le percement du passage du Tue-Vaques.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands font creuser un souterrain dans le rocher « qui mettait en liaison, par un réseau de galeries, la voie du chemin de fer vicinal Cherbourg-Barfleur et le point d'appui W 203 à l'extrémité de l'anse du Brick » [14]. Les entrées du tunnel sont toujours bien visibles mais elles ont été fermées pour empêcher les curieux de s'y aventurer [15].

Situation

Ces descriptions précises correspondent à un endroit situé entre le lieu-dit actuellement nommé le Castel, qui se trouve effectivement au dessus de l'Anse du Brick et le Rocher du Grand Castel, sur la Pointe du Brick, tous lieux qu'on peut trouver sur les cartes récentes [16].

Reste à savoir, comme le suggère Gerville, s'il s'agit aussi d'une motte castrale, c'est-à-dire d'une fortification du Moyen-Âge !

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Notes et références

  1. Charles Duhérissier de Gerville, « Mémoire sur les anciens château de la Manche », Mémoires de la Société des antiquaires de Normandie p. 220 (lire en ligne).
  2. Figurant des empereurs, elles sont retrouvées au 18e siècle.
  3. Mémoires de la Société nationale académique de Cherbourg, 1879.
  4. Charles Canivet, La ferme des Gohel, 1888, C. Marpon & E. Flammarion (Paris) ed. (lire en ligne).
  5. Le Petit Moniteur universel, 25 juillet 1890.
  6. La Loi, 18 mars 1898.
  7. Lithotèque de Normandie (lire en ligne).
  8. « Lille, un exemple de gabegie financière », L'Assaut, 23 mars 1937.
  9. « Les carrières de Maupertus », L'Ouest-Éclair, 5 janvier 1927.
  10. Le Journal des arts, 6 novembre 1907.
  11. Le Figaro, 31 octobre 1907.
  12. « Il faut sauver l'Anse du Brick ! », Le Nouvelliste de Bretagne, 11 juillet 1923, p. 5. (lire en ligne).
  13. Les archives de Lille conservent de nombreux documents sur les carrières de Maupertus et Fermanville, couvrant une période de 1925 à 1942 (lire en ligne). On y trouve entre autres des plans projet de bâtiments pour Maupertus, plans qui sont hélas pratiquement muets (lire en ligne).
  14. Paul Ingouf, Normandie 44, la bataille de Cherbourg, le Val de Saire, la Hague, éd. Heimdal, 1979.
  15. On pouvait encore y entrer dans les années 70.
  16. Carte IGN (lire en ligne).

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