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Gaston Doumergue à Cherbourg (1925)

De Wikimanche

Gaston Doumergue passe les troupes en revue.

Gaston Doumergue à Cherbourg

Le président de la République Gaston Doumergue est à Cherbourg le jeudi 16 juillet 1925 pour assister à une revue navale et rendre hommage à la Marine nationale.

Contexte

Gaston Doumergue (1863-1937) est président de la République depuis un peu plus d'un an et il le restera jusqu'en 1931. Il a 61 ans. C'est un homme politique expérimenté : il a été plusieurs fois ministre, président du Conseil des ministres, président du Sénat, député et sénateur du Gard. C'est sa deuxième visite officielle à Cherbourg : il est venu le 3 octobre 1909 en tant que ministre de l'Éducation nationale.

La visite

À bord du Provence.

Gaston Doumergue est accompagné par Paul Painlevé, président du Conseil des ministres, Justin de Selves, président du Sénat, Édouard Herriot, président de la Chambre des députés, Émile Borel, ministre de la Marine, Pierre Laval, ministre des Travaux publics, Charles Daniélou, sous-secrétaire d'État à la Marine marchande [1].

À 8 h, le train présidentiel arrive au port militaire [2]. Gaston Doumergue est accueilli par le vice-amiral Robert de Marguerye, commandant le 1er arrondissement maritime, les sénateurs et les députés de Cherbourg et les autorités de la ville emmenées par Albert Mahieu, maire. Il s'embarque aussitôt sur le sous-marin Souffleur pour se faire présenter l'escadre [1]. Sont réunis pour la circonstance, l'escadre de la Méditerranée, la Division navale du Nord et de la Manche, les flottilles du littoral composée en un mot « de tout ce que notre Marine possède d'importance et de réellement présentable », note L'Ouest-Éclair [3]. Les canons tonnent tandis qu'un petit dirigeable évolue au-dessus de la rade où sont rangés en ligne de file six cuirassés, trente torpilleurs et une vingtaine de sous-marins [2], arborant tous le grand pavois. Le paquebot Olympic, de la White Star Line, attend sagement derrière la digue la fin de la revue pour opérer son escale [3]. « Le spectacle est grandiose », s'exclame l'Excelsior [1]. « Quel merveilleux spectacle ! », s'enthousiasme Le Gaulois, impressionné surtout par les cuirassés « sombres, lourds, puissants, terribles avec leurs énormes canons jumelés sortant d'énormes tourelles d'acier, pareils à des rocs émergeant des eaux » [4]. Le Figaro est le seul à ne pas être d'accord. Il trouve que tout cela manque d'ampleur, en comparaison des revues navales passées de 1911 et 1913 [5]. « Il faut aimer ce qui nous reste », philosophe Le Matin [6].

La revue navale.

Le Président rejoint à 9 h 15 le cuirassé Provence alors que la musique de la flotte joue « La Marseillaise » [1]. Après la Provence, le cuirassé Voltaire reçoit le Président [2]. C'est ensuite l'accostage de la vedette présidentielle le long du torpilleur d'escadre Mécanicien-Principal-Lestin [2]. Un déjeuner attend ensuite le Président à bord du cuirassé Paris, au milieu de 150 convives [1].

Après le discours du ministre de la Marine, Gaston Doumergue prend la parole pour faire l'éloge de la Marine nationale, « si éprouvée par la guerre et toujours si vaillante » [7].

Le Président se rend à 14 h dans l'arsenal où il visite les cales dans lesquelles deux sous-marins sont en construction [2]. C'est là qu'il procède à la pose symbolique du premier rivet sur le Redoutable [2]. « Le président manœuvra posément la manette qu'on lui indiquait, recommença trois fois le geste pour obliger les photographes et pria qu'on voulût bien pousser un peu la lourde et mystérieuse machine, pour qu'il pût voir si ce qu'il venait de faire était de l'ouvrage bien fait. Il caressa d'un doigt content son rivet irréprochablement aplati et qui brûlait encore » [6].

Le chef de l'État embarque ensuite sur le torpilleur Enseigne-Roux qui l'emmène au large pour assister au départ de l'escadre. « Les bâtiments sont rangés suivant une immense courbe et, malgré une légère brume qui s'est abattue au large, on distingue nettement leurs silhouettes. Cinq grands bâtiments (le Patrie étant demeuré au mouillage) sont disposés en ligne de file, suivis des contre-torpilleurs, des torpilleurs, des sous-marins et des mouilleurs de mine ». La parade commence alors. « La Provence est en tête du majestueux défilé qui, virant à l'horizon, vient, en une courbe gracieuse, passer à le frôler près du torpilleur. En arrivant devant celui-ci, chaque navire salue par une salve de vingt-et-un coups de canon. Voici, après la Provence, le Jean-Bart, le Voltaire, le Condorcet et le Courbet, dont on peut lire les noms peints en lettres d'or sur la bande arrière. Les équipages, en tenue blanche de manœuvre, sont placés à la bande et saluent » (...). Bientôt, tous les bâtiments disparaissent dans la brume, traînant derrière eux de longs panaches de fumée » [1].

Pendant ce temps, le sous-marin Pierre-Chailley effectue deux plongées d'un quart d'heure avec MM. Painlevé, Herriot et Laval à son bord [6].

À 17 h, le Président gagne la gare maritime. « Une grande foule, massée sur les jetées et les quais, acclame le chef de l'État [1]. Il traverse ensuite la ville en automobile jusqu'à la mairie [1] par des rues décorées « avec un goût véritablement remarquable [3]. Sa voiture est encadrée de gendarmes à cheval et d'un escadron du 43e d'artillerie avec les trompettes et le drapeau [3]. « Toute la population grossie d'un grand nombre d'habitants du département, est massée aux fenêtres des maisons et sur les trottoirs des rues (...) La foule crie « Vive Doumergue », « Vive la République ». MM. Herriot et Painlevé, qui sont dans la seconde voiture, sont également acclamés [1]. « Très acclamé », M. Doumergue doit faire des haltes place du Château et place de la Fontaine pour recevoir des gerbes de fleurs, un superbe cruche en cuivre fabriquée par les garçons de l'école pratique et même des poissons et des crustacés offerts par les pêcheurs locaux [3].

Le Président assiste à une séance extraordinaire du conseil municipal, puis gagne la sous-préfecture où a lieu la réception officielle [1].

À 19 h, un banquet est offert au Président et à sa suite dans les salons de l'hôtel de ville par la municipalité, le conseil général et la chambre de commerce [3].

Le banquet terminé, le Président et sa suite regagnent la gare. « La foule n'est pas moins dense que l'après-midi », note L'Ouest-Éclair [3]. Alors que le jour tombe doucement, la ville présente « un aspect vraiment féerique å [3]. « Les illuminations des quais, la la fête vénitienne et le feu d'artifice » impressionnent les visiteurs [3]. Le train présidentiel quitte Cherbourg à 22 h [2].

De retour à Paris le lendemain à 9 h, Gaston Doumergue livre les impressions de son voyage aux journalistes :

« Cherbourg, qui est un grand port, peut s'enorgueillir du magnifique avenir qui lui est réservé. D'ailleurs, le tonnage des navires étrangers entrant annuellement dans le port suit une progression considérable, ce qui est le plus irréfutable critérium de son trafic commercial. Ces résultats sont dus non seulement à l'exceptionnelle situation géographique de ce grand port, à la sécurité des opérations sur rade, par tous les temps qui font de Cherbourg un port d'escale, mais encore et surtout à l'esprit d'initiative de ses administrateurs et à l'excellent esprit de la population.
La création d'une nouvelle gare maritime, décidée par le conseil général en 1921, est maintenant un fait acquis. De grands travaux vont être entrepris en vue de la formation de trains transatlantiques et je me réjouis d'avance de la promesse que j'ai faite hier d'assister à leur mise en œuvre.
Lorsque je vous disais que j'avais été frappé par l'excellent esprit de la population, je pensais surtout à celui dont nos braves marins militaires sont animés. Vous avez pu les voir, comme je les ai vus, manifestement fiers de la réussite des belles manœuvres exécutées dans la journée d'hier.
En félicitant les uns et les autres, c'est-à-dire officiers et matelots, à l'issue du magnifique défilé des escadres, je n'ai pas obéi à un simple devoir de courtoise bienveillance. J'ai réellement traduit mes sentiments personnels de Français et de chef d'État, et j'éprouve en ce moment même un immense plaisir en exprimant devant vous les raisons de ma légitimes fierté » [8].

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 et 1,9 « Le président de la République a passé hier une revue navale en rade de Cherbourg », Excelsior, 17 juillet 1925.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 et 2,6 Louis Daney, « À Cherbourg, M. Doumergue passe en revue notre armée navale », Le Figaro, 17 juillet 1925.
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 3,6 3,7 et 3,8 « À Cherbourg, le président de la République a passé hier la revue de nos forces navales », L'Ouest-Éclair, 17 juillet 1925.
  4. Georges Drouilly, « La revue navale de Cherbourg », Le Gaulois, 17 juillet 1925.
  5. A. Thomazi, Le Figaro, 17 juillet 1925.
  6. 6,0 6,1 et 6,2 « M. Doumergue passe à Cherbourg la revue de la flotte française », Le Matin, 17 juillet 1925.
  7. Le Petit Journal, 17 juillet 1925.
  8. « Le retour de M. Doumergue », Le Figaro, 18 juillet 1925.

Liens internes