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Géographie de la Manche

De Wikimanche

La géographie de la Manche, cinquantième département français par sa surface (5 938 km²), tient son indéniable originalité de son caractère péninsulaire.

Territoire départemental

Carte de la Normandie

Le département de la Manche doit son nom à la mer qui baigne ses côtes et qui s'appelle la Manche.

Il a été formé, après 1789, de trois territoires appartenant à la Normandie, l'une des provinces qui constituaient alors la France : le Cotentin, ou ancien diocèse de Coutances, l'Avranchin, ou ancien diocèse d'Avranches, et quelques parcelles du Bocage.

Situé dans la région nord-ouest de la France, c'est l’un neuf départements qui bordent la mer de la Manche. Saint-Lô, son chef-lieu, est à 314 kilomètres à l'ouest de Paris par le chemin de fer, et à 255 km à vol d'oiseau. Le département est traversé, à l'ouest de Cherbourg, par le 4e degré de longitude ouest. En latitude, il est coupé, à 6 ou 7 kilomètres au sud de Coutances, par le 49e degré nord: il est donc un peu plus proche du pôle que de l'Équateur, séparés l'un de l'autre par 90 degrés.

La Vire à Saint-Lô, vers 1900

Le département de la Manche est bordé au sud-est, par le département de l'Orne ; à l'est, par celui du Calvados ; au nord, au nord-est et à l'ouest, par la mer de la Manche ; au sud, par les départements de l'Ille-et-Vilaine et de la Mayenne. Ces limites sont en grande partie naturelles, et en partie artificielles ou tracées à travers champs par des lignes conventionnelles, des chemins, des sentiers. Les principales frontières naturelles sont avant tout maritimes. La Vire, l'Elle, la Drôme et la Sienne séparent chacune la Manche du Calvados sur quelques kilomètres ; l'Égrenne forme environ un tiers de la frontière avec le département de l'Orne ; le Colmont et un affluent de l'Airon servent de frontière avec le département de la Mayenne ; un affluent de la Sélune, le Tronçon et le Couesnon séparent le département de la Manche de celui de l'Ille-et-Vilaine.

La Manche a la particularité d'être tout en longueur. La distance la plus longue, entre ses extrémités nord-ouest et sud-est (c'est-à-dire du cap de la Hague au point de rencontre des frontières de la Manche, de l'Orne et de la Mayenne), est d'environ 150 kilomètres. Le département, qui a environ 45 kilomètres de largeur dans ses parties centrale et méridionale, n'en a guère que 28 à la hauteur de Granville. Sa superficie est de 5 938 km² (50e département français).

Relief

Carte de la Manche

On peut distinguer du nord au sud[1] :

  • le plateau granitique du Nord-Cotentin, relativement élevé à l'ouest avec des côtes escarpées et sauvages, dont l'altitude décroît à l'est jusqu'à finir par une côte basse bordée de rochers,
  • la dépression marécageuse du Sud-Cotentin,
  • les collines du Centre-Manche, très enchevêtrées et au relief indécis,
  • les collines du Sud-Manche, qui s'organisent en longues barres de grès et de granite alignées ouest-est, dont l'altitude moyenne dépasse 200 mètres dans le Mortainais,
  • la plaine du sud de la baie du Mont Saint-Michel, en partie constituée de polders.
Le relief manchois en 1880 , selon Adolphe Joanne

Entouré de trois côtés par la mer, le département de la Manche, ou presqu'île du Cotentin, est sillonné par des collines, presque toutes déboisées, qui se rattachent, au sud, à celles du Maine, de la Bretagne et de la Normandie, et séparent entre eux les bassins des fleuves côtiers. Les vallées sont généralement luxuriantes, et les plateaux couverts de gras pâturages. Mais aux environs de Carentan s'étendent de vastes marais, notamment ceux de Gorges, et, au sud de Lessay, une immense lande inculte. Les collines de la Manche, hautes de 150 à 179 mètres dans les environs de Cherbourg et dans toute la partie nord du Cotentin, vont s'affaisser dans la région des marais pour ensuite s'élever graduellement dans le sud du département : 271 mètres sont mesurés à Montabot et 363 m à l'est de Tessy-sur-Vire (montagne de Guilberville). Dans le canton de Mortain, plusieurs sommets atteignent de 300 à 368 mètres. Saint-Martin-de-Chaulieu, situé à 368 mètres, est le point culminant du département.

Les hautes collines de la Manche, qui paraissent d'autant plus élevées qu'elles sont plus rapprochées de la mer, offrent des paysages pittoresques et même grandioses; quelques-unes sont hardiment découpées, surtout aux environs de Mortain, contrée ressemblant à la Suisse normande voisine. Plus qu’à la Suisse, c’est à l'Angleterre qu'il faudrait comparer la Manche avec ses côtes déchiquetées, où vit un peuple d'infatigables et vaillants marins, aussi habitués aux brumes de Terre-Neuve qu'aux courants, aux vagues, aux marées, aux formidables écueils de la Bretagne et de la Normandie. Constamment baignée, comme l'Angleterre, par une atmosphère humide, la Manche a, comme elle, de superbes prairies et des vallons admirablement verts. Mais le pays doit sa principale beauté à la mer qui en assiège les caps et dépose à leur base de larges grèves.

Littoral

Le littoral de 330 kilomètres présente, lui aussi, des aspects variés[1] :

  • au nord, prédomine une côte rocheuse et accidentée ;
  • à l'ouest, des caps rocheux marquent ponctuellement la présence du massif ancien (falaises de Flamanville, cap de Carteret, cap Lihou à Granville, falaises de Carolles, Grouin du Sud à Vains) ;
  • sur de longues distances, la roche continentale n'atteint pas le rivage et laisse la place à des plages ou des grèves immenses, que la mer abandonne à marée basse, un des traits naturels marquants du département étant la dynamique des marées, avec des marnages pouvant atteindre 15 mètres de hauteur, ce qui constitue un record en Europe.
  • sur les trois façades maritimes, des dunes côtières présentent un ordonnancement assez classique, caractérisé par des dunes basses en front de mer, une dépression souvent marécageuse en rétrolittoral, une falaise morte, parfois précédée de dunes élevées (certaines pouvant atteindre 80 mètres d'altitude) et le plateau ancien dominant le tout.
Adolphe Joanne décrit ainsi le littoral manchois en 1880

Les grèves de la Ravine, du Grand-Vey et de la Madeleine, qui s'étendent à l'ouest des roches de Grandcamp, sont communes aux deux départements du Calvados et de la Manche ; là se jettent la Vire et la Taute, qui vient de couler dans d'immenses prairies marécageuses, si basses que des digues sont nécessaires pour les garantir de l'océan ; là aussi commence la presqu’île du Cotentin. Le rivage, courant au nord-nord-ouest, reste longtemps bas ; il est bordé par une grève : à 7 kilomètres en mer, le rocher Bastion, l'île de Terre et l’Île fortifiée du Large forment l'archipel des Îles Saint-Marcouf.

Les forts de Saint-Marcouf, de Quinéville, de Lestre, du Milieu, d'Aumeville, sont voisins de l'embouchure du petit fleuve de Sinope, au nord de laquelle s'ouvre la rade de la Hougue. La péninsule étroite et allongée dont le fort et le phare de la Hougue occupent l'extrémité sépare cette rade de celle de Saint-Vaast-la-Hougue, que défend l'île fortifiée de Tatihou. C'est dans celle rade que se jette la Saire, qui a donné son nom à la pointe ou val de Saire. À partir de ce cap, les grèves disparaissent ; le rivage se découpe et se remplit d'écueils ; l'anse de Landemer précède le port de Barfleur, lui-même voisin du havre de Crabec sur la pointe de Barfleur, reliée par une chaussée à l'îlot qui porte le phare de Gatteville.

À la pointe de Barfleur, la côte tourne brusquement à l'ouest, puis au sud-ouest, puis au nord-ouest, pour décrire une baie gracieuse en arc de cercle, dont la partie centrale est occupée par Cherbourg-Octeville. Sur le pourtour de cette baie, où le rivage est très dentelé et parsemé de récifs, on remarque : l'anse de la Mondrée, terminée à l'ouest par le cap Lévi ; l'anse et le port du Cap-Lévi; l'anse du Pied-Sablon ; l'île Pelée et son fort ; l'embouchure de la Divette ; Cherbourg, ses forts, son port militaire et sa digue ; l'anse Sainte-Anne, entre Cherbourg et la pointe et le fort de Querqueville ; la grève d'Urville-Nacqueville ; les falaises de Landemer ; la baie de Quervière ; le port d'Omonville-la-Rogue ; la pointe de Jardeheu ; l'anse Saint-Martin, et enfin le cap de la Hague, promontoire syénitique terminant au nord-ouest la presqu'île du Cotentin, et dominant l'entrée du golfe des îles Anglo-Normandes, redouté par les navigateurs à cause de ses courants et de ses écueils. Le cap de la Hague est séparé de l'ile anglaise d'Aurigny par un détroit large de 16 kilomètres, le raz Blanchard, le premier de ces terribles défilés marins où le flot de marée et le jusant, resserrés entre des chaînes d'écueils et de bas-fonds, coulent avec une vitesse de plus de 16 kilomètres à l'heure.

Le Nez de Jobourg

Au cap de la Hague et au phare du rocher du Gros-du-Raz, le rivage commence à courir au sud-sud-est, direction qu'il garde jusqu'au Mont-Saint-Michel et jusqu'à la lisière du département de l'Ille-et-Vilaine. On rencontre d'abord la baie d'Écalgrain, terminée, au sud, par le nez de Jobourg, cap à partir duquel les falaises se dressent jusqu'à 128 mètres. Le nez de Jobourg tourné, on entre dans l'anse évasée de Vauville, qui a 18 kilomètres d'ouverture entre le nez de Jobourg et le cap de Flamanville ; le fond de cette anse est occupé par une plage sablonneuse, derrière laquelle les falaises font place aux hautes dunes du Pont-des-Sablons. Les falaises se relèvent à partir des rochers qui signalent Diélette, le seul bon port de refuge entre Cherbourg et Granville. Les falaises de Flamanville se dressent au sud du port de Diélette jusqu'à 90 mètres au cap de Flamanville.

Entre les falaises du cap de Flamanville et l'île anglaise de Guernesey, le dangereux passage de la Déroute a 40 à 50 kilomètres de largeur. Son nom, ne se rattachant à aucune bataille navale historique, signale les périls qu'y rencontrent les navires, ballotés entre le courant qui suit la côte, celui qui vient de la haute mer, par le détroit ouvert entre Aurigny et Guernesey, et celui qui passe entre Guernesey et Jersey.

Au sud du cap de Flamanville, on trouve successivement : l'anse de Sciotot, dont le fond est occupé par une plage ; la pointe du Rozel ; la grève de Surtainville et de Baubigny; le cap de Barneville-Carteret, où s'arrêtent les falaises du système silurien et granitique, pour faire place aux dunes qui courent jusqu'au nord de Granville ; le phare, le fort et le petit port de cabotage de Carteret, que 8 kilomètres séparent du havre de Portbail, où se jette la Grise ou rivière d'Olonde. En haute mer, le passage de la Déroute est rétréci, par les écueils des Trois-Grunes, des Bancs-Fêlés et des Basses-de-Taillepied. La côte continue à être bordée de grèves ; on y remarque : le havre de Surville ; la grève immense où l'embouchure de l'Ay forme le port de Saint-Germain-sur-Ay ; les dunes de Pirou, en face desquelles se montrent, sur le rivage, les roches du Sac-de-Pirou et, à 12 kilomètres en mer, les périlleux écueils de la chaussée des Bœufs. Le havre de Regnéville offre un petit port de cabotage, où se jette la Sienne. À partir de ce havre, le rivage est bordé par une large grève, du sein de laquelle émergent des archipels de rochers ; il est formé de petites dunes hautes de 6 à 14 mètres, du sommet desquelles on découvre Jersey et les îles Chausey.

Plage de la Grande île de Chausey

Toute la côte occidentale du Cotentin est inhospitalière, ses petits havres, gardés à l'entrée par de redoutables barrières de récifs, restent tous presque à sec à marée basse. Du cap de la Hague à l'extrémité de la baie du Mont Saint-Michel, dans ce dangereux détroit long de 130 kilomètres, les navires sont obligés d'attendre l'heure du flot pour trouver un refuge. Le meilleur port de cette côte, le seul qui fasse un commerce notable, est celui de Granville, situé à l'embouchure du Bosq et abrité du vent du nord par le rocher sur lequel la ville est construite.

Dix à douze kilomètres séparent Granville des innombrables îlots des îles Chausey. Cet archipel forme un groupe d'îlots ou d'écueils d'un développement moyen de 12 kilomètres. À marée basse, on peut compter plus de 300 de ces îlots ; mais, à marée haute, il en émerge à peine une cinquantaine. Le plus grand, au sud-ouest, est appelé la Grande-Île. La composition chimique des rochers des îles Chausey diffère de celle de Granville et de Saint-Malo (Ille-et-Vilaine) : aussi attribue-t-on leur formation à une éruption isolée du feu central. Cette masse incandescente, brusquement refroidie, subit un retrait considérable ; de nombreuses fentes se produisirent dans tous les sens, et, sous l’action violente des lames, d'énormes blocs, s'étant détachés, furent entraînés par la mer. C'est ce qui explique le chaos apparent que présentent ces îles. Il y a une quinzaine de mètres des îles Chausey au groupe de récifs des Minquiers, dans lequel se dressent les formidables rochers décrits par Victor Hugo dans Les Travailleurs de la mer.

La cabane Vauban, sur les falaises de Carolles

Au sud de Granville, la grève de Saint-Pair est traversée, à marée basse, par la Saigue et le Thar. Des dunes stériles séparent de la mer le cours de ce dernier fleuve et le lac de la mare de Bouillon qu'il traverse. Les falaises recommencent au rivage de Carolles, où la côte s'incline vers le sud-est pour former la baie du Mont Saint-Michel. Cette baie, extrémité sud-est du golfe des îles normandes, pénètre au loin dans les terres à la naissance de la péninsule du Cotentin, et offre un des parages les plus curieux des mers françaises. À marée basse, elle a une superficie d'environ 250 kilomètres carrés ; elle ressemble alors à un lit de cendres blanchâtres, et son aspect est d'autant plus désolé que les collines du rivage, telles que celle d'Avranches (104 mètres), sont couvertes de cultures verdoyantes. Lors des marées d'équinoxe, le flot, exhaussé par les obstacles que lui offrent les côtes de la Bretagne et de la Normandie, l'archipel de Jersey et ses innombrables écueils, atteint, dans l'entonnoir terminal de la baie, une élévation verticale de 15 mètres. Lorsque la marée, plus rapide qu'un cheval au galop, remonte en écumant la pente presque insensible des plages de Saint-Michel, il lui suffit de quelques heures pour transformer toute la baie en une immense nappe d'eau grisâtre et pénétrer au loin dans les embouchures des rivières jusqu'au pied de la colline d'Avranches et des quais de Pontorson. Au reflux, les eaux se retirent avec la même rapidité jusqu'à 10 kilomètres du rivage, et laissent à nu la grande plage déserte que parcourent les deltas souterrains des ruisseaux tributaires en formant çà et là de perfides fondrières où les voyageurs imprudents risqueraient de s'engloutir.

Le Couesnon et le Mont Saint-Michel

Au centre de la baie se dresse le Mont-Saint-Michel, haut de 122 mètres et couronné par les murailles d'une abbaye gigantesque. À deux kilomètres et demi au nord du mont, s'élève un autre rocher, celui de Tombelaine (110 mètres d'altitude). Un troisième monticule, le Mont-Dol, s'élève au sud-ouest dans le département de l’Ille-et-Vilaine. Ces trois rochers sont les débris d'une terre qui réunissait autrefois les côtes de la Bretagne à celles du Cotentin. Si l'on en croit les légendes, l'île de Jersey et les rochers voisins faisaient encore partie du continent peu de temps avant l'ère historique. Selon quelques savants, la baie du Mont Saint-Michel n'existait pas à l'époque romaine. La surface qu'elle recouvre aujourd'hui était encore au septième siècle une plaine couverte de forêts. Chaque année, on déterre, dans les grèves de Saint-Michel et de Granville, des arbres de toute espèce, et principalement des chênes, qui ont conservé jusqu'à leur écorce, et quelques-uns même leurs feuilles. Ce sont les témoins irrécusables de l'existence de l'ancienne forêt de Scissy. Une légende affirme que, graduellement entamée par le flot, elle disparut en entier lors d'une fatale marée, en l'an 709.

Du reste, en beaucoup d'autres endroits, le profil de la côte a été modifié par les marées qui se heurtent diversement, suivant l'interférence des ondes. Sur certains points, dit Élisée Reclus, « les flieurs ou fleurs, - tel est le nom des baies profondes, dérivé du mot fjord des Scandinaves - ont été comblés par les débris. Les promontoires qui se dressent aux extrémités de la presqu'île ne sont que les squelettes de terres jadis plus étendues. L'île d'Aurigny tenait au nez de Jobourg antérieurement à l'histoire ; de même, sur la rive orientale, les îles Saint-Marcouf continuaient au sud la saillie qui se termine actuellement au cap de la Hougue. » Les îles Chausey, à une époque relativement peu éloignée de nous, au XIIIe siècle, n'étaient point à la distance qu'elles sont aujourd'hui du continent. Englobant dans leurs intervalles de vastes marais, elles constituaient une chaîne rocheuse, qui avec les Minquiers, au nord, et d'autres îlots, au sud, protégeait contre les invasions de la mer les terres basses de la baie actuelle de Cancale. Près de Regnéville-sur-Mer, le promontoire de la pointe d'Agon ne s'est formé que depuis 350 ans. Pendant que cet atterrissement s'avance vers le sud, il est entamé à l'ouest, et la mer est plus profonde sur les rochers voisins du rivage qu'elle ne l'était autrefois.

À l'ouest de l'embouchure du Couesnon, dans la vaste baie du Mont Saint-Michel, commencent les côtes du département de l'Ille-et-Vilaine.

Source
  • Adolphe Joanne, Géographie de la Manche, Paris, Hachette, 1880

Cours d'eau

De très nombreux cours d'eau parcourent la Manche, déterminant une douzaine de bassins versants autour des plus importants[2]. Du nord au sud:

Voir aussi

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 « I - A - 3 - Le relief », Manche - Carte d'identité, op. cit.
  2. Direction départementale des territoires et de la mer de la Manche « Les principaux cours d'eau. Les bassins versants » (lire en ligne)

Liens externes