Forêt de Brix
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La forêt de Brix est une forêt de la Manche située autour de Brix.
Elle est aujourd'hui pratiquement disparue : elle s'étendait de Cherbourg à Saint-Pierre-Église, descendait jusqu'à Hémevez et Montebourg, et se prolongeait « par les forêts de Bricquebec, Néhou, Saint-Sauveur-le-Vicomte » [1].
Histoire
Elle couvre à l'origine 13 000 arpents, soit environ 7 000 hectares vers 1550 [2]. Elle s'étend alors sur 10 km de long et 6 km de large.
Au Moyen Âge, la forêt est considérée, selon l'historien Siméon Luce, comme un « haras sauvage », « où l'on mettait à bandon étalons et juments qui s'y reproduisaient en toute liberté » [3].
Ses chevaux sont réputés pour leur endurance. Ils sont vendus lors de la foire Saint-Denis, qui se tient, encore aujourd'hui, chaque année, le premier week-end d'octobre [4].
L'usage y est strictement réglementé : « En contrepartie de redevances en nature ou en argent, les habitants d'une cinquantaine de villages, ainsi que les nobles ou les moines, pouvaient bénéficier de ses multiples bienfaits. Le bois mort fournissait le nécessaire pour le chauffage, la cuisson du pain ou la cuisine. Le bois vif servait à la construction des maisons, à la fabrication du mobilier, des outils de travail ou de transport, le renforcement des haies... (...) À l'automne, dès que les glands et les faînes tombent, les porcs sont mis au “manage” ou à “la glandée”. On engraisse ainsi à bon compte un animal dont la viande, en salaison, se conserve parfaitement. Si le mouton et la chèvre, dont on craint les déprédations, sont tenus à l'écart, les bovins - les “aumailles”, comme on dit alors - ont accès aux sous-bois riches en jeunes pousses, feuilles vertes et herbes folles. » [5]. Mais la Guerre de Cent Ans a créé dans la forêt « une certaine anarchie » [5]. Des déboisements mal contrôlés ont eu lieu, ainsi que des usurpations et des saccages, sans parler de l'adjudication en 1655 de plusieurs milliers d'arpents ordonnée par le roi [5].
Des mesures conservatoires prises par Colbert ralentissent le processus mais les détériorations reprennent ensuite, notamment par des coupes d'arbres intensives pour alimenter les forges (de Gonneville, notamment [1]) et les verreries proches [5], mais aussi pour construire des maisons, fabriquer armes et outils, tanner les peaux, se chauffer, ou encore « réparer les portes et les ponts du château de Cherbourg » [1]. Gilles de Gouberville observe aussi que les fougères de la forêt sont coupées en grande quantité « pour produire la soude nécessaire à la fabrication du verre » [1]. La surface de prairies et de champs cultivés augmente pour accroître les récoltes et, accessoirement, éloigner les loups [1]. À la fin du XVIIIe siècle, « la forêt de Brix se meurt lentement » [5].
En octobre 1770, le roi Louis XV cède la forêt de Brix à son ministre, le duc de la Vrillière, en échange de territoires en Auvergne et en Champagne [5]. Elle tombe finalement dans l'escarcelle du comte de Provence (futur Louis XVIII) [1]. En 1778, la forêt appartient à huit propriétaires [5].
La forêt de Brix disparaît « au tournant des XVIIIe et XIXe siècles », modifiant la physionomie d'une région où, disait-on jadis, on pouvait aller “de Valognes à Cherbourg sans voir le soleil” » [5].
Aujourd'hui
Il ne reste plus aujourd'hui que quelques morceaux de cette importante forêt, notamment :
- Bois de Boutron
- Bois du Rabey
- Bois du Coudray
- Bois du Mont du Roc
- Bois de Barnavast
- Bois de Pépinvast
- Bois de Montebourg
Bibliographie
- dans l'ordre chronologique de parution
- Jean-Louis Adam, « La Forêt de Brix », Mémoires de la Société académique de Cherbourg, 1895.
- Jean-Louis Adam, « Le domaine de Brix du VIe au XIXe siècle », Mémoires archéologiques de l'arrondissement de Valognes, tome IX, 1907-1912.
- Léopold Delisle, « Les usagers de la forêt de Brix au XVe siècle », Annuaire de la Manche, 1913.
- André Plaisse, « La forêt de Brix au XVe siècle », Annales de Normandie, tome XIV, n° 4, décembre 1964.
- Gérard Ermisse, « Le déboisement et le défrichement de la forêt de Brix en Cotentin au XVIIIe siècle », Annales de Normandie, tome XIX, n° 2, juin 1969.
- P. Brunet, M.C. Dionnet, G. Houzard, « L'évolution du paysage rural dans le sud-est de l'ancienne forêt de Brix de 1778 à 1830 », Cahiers du département de géographie de l'université de Caen, vol. XI, 1973.
- P. Brunet, M.C. Dionnet, G. Houzard, « L'évolution du paysage rural dans le sud-ouest de l'ancienne forêt de Brix de 1778 à 1830 », Annales de Normandie, juin 1974.
- Jean-Pierre Le Goupillot, « La forêt de Brix des origines à la fin du Moyen Âge », L'Écho du terroir, n° 3, 1977.
- Jean-Pierre Le Goupillot, « Droits d'usage en forêt de Brix », L'Écho du terroir, n° 3, 1977.
- Jacques Mabire, « Le démembrement de la forêt de Brix », L'Écho du terroir, n° 4, 1977.
- P. Spirioux, Étude ornithologique des bois du Val de Saire (ancienne forêt de Brix), GONm.DIREN Basse-Normandie, 1995.
- Gérard Houzard, Le Massif forestier de Brix - Essai de biogéographie et d'histoire, Études et documents n° 30, Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, Saint-Lô, 2008.
- Jeannine Bavay, « La Haye de Valognes et la forêt de Brix », Vikland, n° 20, 2017.
Notes et références
- ↑ 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 et 1,5 Frédéric Patard, « Brix, la forêt peau de chagrin », La Presse de la Manche, 19 juillet 2023.
- ↑ Michel Devèze, « Superficie et propriété des forêts du nord et de l'est de la France vers la fin du règne de François Ier », Annales, vol. 15, n° 3, 1960.
- ↑ Cité par Jean-Louis Adam, « Valognes », Cherbourg et le Cotentin, impr. Émile Le Maout, Cherbourg, 1905, p. 610.
- ↑ Dimanche Ouest-France, 17 janvier 2010.
- ↑ 5,0 5,1 5,2 5,3 5,4 5,5 5,6 et 5,7 Jean-Ange Quellien, Le Cotentin : histoire des populations, éd. Gérard Montfort, 1983.
Lien interne
Lien externe
- Forêt de Brix sur la carte de Cassini