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Déploiement des premiers services urbains à Cherbourg entre 1850 et 1939

De Wikimanche

Cherbourg commence à bénéficier des premiers services publics de distribution à la fin du XIXe siècle : le gaz, puis l'eau et enfin l'électricité. Autant d'événements qui révolutionnent la vie quotidienne de ses habitants.

Arrivée du gaz en 1857

Un des documents les plus anciens que l'on ait trouvé en rapport avec la distribution du gaz à Cherbourg date de 1857. En effet, un cahier des charges a été rédigé après l'accord signé entre MM. John Burnett Stears, propriétaire d'usines à gaz, et Étienne-Jean-Baptiste Menut, directeur de l'usine à gaz de Cherbourg, tous les deux ingénieurs civils.

L'usine d'Équeurdreville.

L'accord est signé pour 50 ans (du 1er janvier 1857 jusqu'au 30 juin 1907). Pendant cette période, les réparations sont aux frais du fournisseur.

Le cahier des charges est établi le 25 juin 1856 à Cherbourg. Plusieurs prolongations du contrat ont eu lieu :

- prorogation de 25 ans par Paul-Émile Gosse jusqu'au 30 juin 1932, le 4 août 1883
- prorogation de 8 ans par Charles Moll jusqu'au 30 juin 1940, le 1er janvier 1890
- prorogation de 20 ans par Emmanuel Liais jusqu'au 30 juin 1960, le 12 mars 1896


La ville de Cherbourg accorde un budget de 3 550 000 francs divisé en 7 100 actions de 500 francs pour la construction de canalisations de gaz.

L'usine de production de gaz est située à Équeurdreville. L'usine contient un silo à charbon creusé dans le sol et inondable en cas d'incendie (capacités de stockage : 9 000 tonnes).

À la sortie de l'usine, le gaz se rend dans une série de gazomètres d'une capacité de 10 000 m³, soit à Équeurdreville, soit à Cherbourg même. Il passe ensuite dans des régulateurs de pression avant d'être émis dans le réseau de canalisation de distribution.

Distribution de l'eau vers 1860

En 1860, la Marine nationale demande à être servie par la mairie de Cherbourg et communique alors les besoins de l'arsenal.

Cette même année, la ville de Cherbourg emprunte 1 300 000 francs pour les travaux publics dont 300 000 francs pour l'établissement d'une conduite d'eau.

L'architecte de la ville reçoit la mission de réaliser ce projet en coopération avec M. Lepainteur, chargé du service hydraulique de la ville de Caen.

Les travaux d'études durent environ deux ans.

M. Lepainteur présente son projet. La prise d'eau aurait été faite dans la Divette, au Pont des Planches Margault avec un réservoir hydraulique placé a environ 20 mètres au dessous du niveau des quais, au Roule. Ensuite, l'eau aurait été élevée pas une machine à vapeur placée près du Pont des Planches Margault et serait distribuée dans les différents quartiers de la ville par des fontaines et des bouches d'arrosage.

La commission des travaux publics approuve cette méthode mais au vu du prix coûteux des machines, elle a cherché un ruisseau dans les environs avec un débit suffisant (comme la Divette) pour alimenter la ville (25 litres / seconde) et une altitude assez importante pour que l'eau puisse être conduite en ville sans l'aide d'une machine (charge naturelle).

Ils trouvent alors l'idée de la Bonde, un petit ruisseau situé à Équeurdreville-Hainneville. Cette idée fut alors abandonnée car la distribution de l'eau en charge naturelle avec un ruisseau ne produit pas un débit assez important.

C'est pourquoi M. Muller, ingénieur Ponts-et-Chaussés, fut nommé responsable d'un projet définitif de la captation de la Divette.

Cette fois-ci, la prise d'eau se ferait aussi au Pont des Planches Margault mais serait faite par des moulins qui formeraient alors une force hydraulique assez importante pour élever les eaux dans un réservoir creusé à cette effet sur un versant de La Fauconnière (2 000 m³). Puis le projet de la mise en communication avec le réservoir de la Polle qui permettrait d'alimenter ce réservoir avec les eaux de la Divette en cas d'insuffisance des sources de la Polle. Ce projet fut adopté par la commission le 30 juin 1865.

La distribution de l'eau a débuté le 1er janvier 1865.

Les canalisations étaient faites en plomb doublé d'étain pour éviter les intoxications au plomb. Finalement, comme celles-ci coûtaient plus cher qu'une simple canalisation en plomb, les concessionnaires décidèrent de n'utiliser que des canalisations en plomb simple.

À partir de 1875, on décèle dans l'eau de la Divette, la présence d'une bactérie qui serait responsable de la maladie de la typhoïde.

En 1893, la municipalité autorise à titre expérimental l'installation de filtres de charbon et d'amiante proposés par l'ingénieur Maignen, sur la fontaine de la place du Château. A la fin de l'année, dix fontaines filtrantes sont installées dans la ville. Les fontaines Maignen permettent une baisse de la mortalité dans la population cherbourgeoise, à l'inverse des militaires stationnés qui continuent de boire l'eau non filtrée de la Divette[1].

Lors de la séance du 6 janvier 1900, le conseil demande que :

- on trouve des nappes souterraines déclarées potables et sans présence de germes susceptibles d'engendrer des maladies
- on vérifie régulièrement (tous les 15 jours) et on s'assure que le débit de ces nappes sera suffisant pour 50 000 personnes et cela même en temps de sécheresse
- on sépare les eaux profondes des eaux de surfaces pour ainsi éviter toute pollution des nappes
- on construise de nouvelles conduites
- on limite l'usage de l'eau de la Divette aux besoins de l'Industrie, au lavage des rues ou des urinoirs…

Plus tard, un budget de 2 650 000 francs sera débloqué pour filtrer la Divette.

M. Muller est nommé responsable des travaux d'installation de deux nouvelles canalisations pour étendre le réseau des eaux.

En 1903, on compte 72 bornes-fontaines à travers la commune. Pour moderniser le réseau, la municipalité du docteur Renault envisage un emprunt de 2,6 millions de francs. L'opposition de gauche conduite par le conseiller général Adrien Liais proteste en préférant le procédé de filtration de l'eau de la Divette. Par référendum, les Cherbourgeois se prononcent le 4 octobre en faveur du réexamen du dossier, entraînant la démission du conseil municipal et la victoire pour la première fois dans la ville, des forces de gauche, menées par Albert Mahieu[2].

Le 21 mars 1929, lors de la réunion du conseil, l'idée du projet d'alimentation de la banlieue cherbourgeoise est évoquée.

La source d'eau serait située dans la Hague avec une capacité de 2 700 000 m³.

La filtration de ces eaux serait assurée par la société H. Chabal et Cie (société exerçant depuis 20 ans sur l'agglomération cherbourgeoise).

Un second réservoir d'une contenance de 2 000 m³ placé à La Fauconnière alimenterait principalement Tourlaville et le Val de Saire.

Actuellement, c'est quasiment le même système qui continue d'alimenter la ville de Cherbourg grâce à la Divette.

Arrivée de l'électricité en 1896

Après l'équipement électrique de Saint-Hilaire-du-Harcouët et du phare de Gatteville en 1892, l'électricité arrive à Cherbourg en 1893, pour éclairer de 150 lampes les établissements Simon Frères[3].

Le maire de Cherbourg, Emmanuel Liais signe un accord pour l'électricité à Cherbourg le 12 mars 1896 avec la société Gaz et Eaux dans le but d'installer une canalisation électrique.

La société Gaz et Eaux, par l'intermédiaire de l'Électrique de Normandie, est en liaison avec l'usine hydroélectrique des Forces motrices de la Sélune et la super-centrale que l'Union électrique de l'Ouest édifie à Caen.

En juillet 1897, une vingtaine de lampadaires électriques sont installés[3].

Progressivement, les campagnes alentour s'équipent aussi : Bricquebec et Saint-Sauveur-le-Vicomte sont raccordés à l'automne 1898, Anneville-en-Saire l'année suivante[3].

Arrivée du téléphone

Le raccordement de Cherbourg au réseau téléphonique est effectif le 20 février 1901, limité à quelques rares clients privilégiés : l’entreprise Simon Frères, la Société des carrières de l'Ouest, l'usine Du Temple, le Réveil, la scierie Grouard, le député Albert Le Moigne... Un Cherbourgeois débourse alors 15 centimes pour téléphoner 3 minutes à Cherbourg, 40 centimes pour joindre Valognes, et 1 franc pour Paris. Une cabine publique ouverte entre 8 heures et 20 heures, est également installée[4].

Notes et références

  1. « 1893 - Des fontaines avec de l'amiante », 120 ans en Cotentin, La Presse de la Manche, 2009
  2. « 1903 - Le conseil municipal boit de travers ! », 120 ans en Cotentin, La Presse de la Manche, 2009
  3. 3,0 3,1 et 3,2 « 1897 - Électricité : Cherbourg se branche », 120 ans en Cotentin, La Presse de la Manche, 2009
  4. « 1901 - Allô Cherbourg ? », 120 ans en Cotentin, La Presse de la Manche, 2009.

Sources