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Charte de Louis XV confirmant les privilèges de Cherbourg (1718)

De Wikimanche

Texte

Louis XV.
« La ville étant frontière maritime, située sur une grève forine unie et sans rocher et tellement penchante sur la mer qu’en plusieurs endroits les vaisseaux de ligne peuvent approcher à portée de fusil et les chaloupes débarquer des troupes à pied sec.
A quatre et cinq lieues des deux côtés sont les deux fameux caps de la Hague et de Barfleur qui forment à leur pointe deux grands ras ou tourbillons d’eau, forts dangereux, Cherbourg et ces deux caps sont à la tête de la Manche, dans le voisinage et vis-à-vis du principal port des Anglais.
C’est cette situation qui met les habitants de notre dite ville d’être tous les jours aux mains avec nos ennemis en temps de guerre pour empêcher leur descente et protéger nos vaisseaux.
C’est par les considérations de cette importance que les roys, nos prédécesseurs, ont accordé plusieurs privilèges et immunités aux habitants de Cherbourg, par les chartes de Louis XI en 1464, treize ans après la sortie des Anglais ; Charles VIII en 1483 ; Louis XII en 1698 ; François Ier en 1520 et 1532 ; Henri II en 1547 ; Charles IX en 1562 ; Henri IV en 1594 ; Louis XIII en 1613 ; Louis XIV en 1653 et 1674.
La concession de tous lesdits privilèges a été accordée à ladite ville à bon et à juste titre comme prix d’une fidélité dont ils nous ont donné es preuves éclatantes pendant les guerres civiles ou étrangères.
En 1293 et 1349 les Anglais ayant paru inopinément, en pleine paix, devant Cherbourg, ils mirent le siège devant le château - la seule fortification qu’il y eut en ce temps-là - dont ils furent si vigoureusement repoussés par les habitants qu’ils furent obligés de le lever après avoir, pour se venger, pillé et brûlé leurs maisons.
En 1418, ayant été assiégés par le duc de Gloucester avec les forces d’Angleterre, il perdit le tiers de son armée et il aurait eu la même destinée de le lever lorsque le traitre Jean d'Angennes, qui en était le gouverneur, lui vendit la place [1].
En 1450, l’armée du roi Charles VII, de glorieuse mémoire, l’ayant assiégée, les habitants qui avaient conservé, pendant trente-deux ans que Cherbourg fut sous la domination des Anglais, leur affection pour leur légitime souverain, refusèrent tout secours aux Anglais et firent le vœu, pendant le siège, de bâtir, dans leur église, un monument pour être délivré des Anglais, lequel monument y est conservé encore aujourd’hui pas les soins d’une confrérie composée de douze des principaux bourgeois.
Et sous le règne de Henry le Grand, les rebelles de la Basse-Normandie ayant tenté de prendre Cherbourg pendant l’office divin, le dimanche des Rameaux, furent obligés de se retirer. Du Tourp, leur chef, y fut tué et sa tête plantée sur une porte de la ville. En mémoire de cette victoire les habitants continuent à faire une procession la veille des Rameaux.
En conséquence, voulons et nous plaît de confirmer lesdits privilèges.
Donné à Paris au mois de mi de l’an de grâce 1718 et de notre règne le troisième. »
Signé : Louis

Louis XV attribuera également dans une autre charte le privilège aux habitants de la ville « de servir du sel blanc du Croisic et de l’employer aux salaisons ordinaires ou extraordinaires ».

Notes et références

  1. Jean d'Angennes n'aurait, en fait, jamais existé : « Jean d'Angennes est un personnage imaginaire. » (Léon Favier, préface à Cherbourg pendant la guerre de Cent Ans, de 1354 à 1450, de Madeleine de Masson d'Autume, Société nationale académique de Cherbourg, sd [1948]).

Source

  • Contre-amiral Adolphe Lepotier, Cherbourg, port de la Libération, France-Empire, 1972