Charlotte Le Vavasseur
De Wikimanche
Charlotte Le Vavasseur est une personnalité de la Manche.
La diablesse de Coigny
Ce triste personnage a-t-il vraiment existé ? Est-il le fruit de l’imagination de l’abbé Louis Costel auteur de l’ouvrage qui relate les fameux procès de sorcellerie qui se déroulèrent à La Haye-du-Puits, dans les années 1669-1670 et qui s’intitule Car ils croyaient brûler le diable en Normande ? Sans doute les deux, car il est vraisemblable qu’il s’agit d’un personnage très proche qui vécut à Coigny, à cette même époque.
Charlotte Le Vavasseur, de son nom de jeune fille, est précisément la servante du curé de Coigny, Messire Antoine Questier, et, de plus, sa belle-sœur, puisque mariée à son frère ; il la recueille à la mort de celui-ci et elle vit au presbytère avec lui [1].
De nature acariâtre, toujours de mauvaise humeur, elle n’aime personne et passe son temps à bavarder de maison en maison, colportant les mauvaises nouvelles, alimentant la rumeur, déformant les bruits qui couraient [1]. Elle n’aime pas le curé, son beau-frère, avec lequel elle cohabite, car contrairement à elle, il met en pratique la parole de Dieu, porte secours aux pauvres et aux déshérités même s’ils ne fréquentent pas l’église, hors de laquelle ils sont le plus souvent rejetés [1].
De plus, il a appris avec sa grand-mère, à reconnaître les plantes qui guérissent, qu’il va récolter dans les marais ou la lande et fabrique toutes sortes de remèdes qu’il distribue à ceux qui souffrent et ne pouvent se soigner [1]. Il est un peu guérisseur – on dit alors sorcier – et reçoit aussi toutes sortes de pauvres bougres que la servante ne supporte pas d’autant plus qu’il garde toutes ses « drogues », onguents et potions dans une réserve où elle n’a pas accès [1]. On donne d’ailleurs à ces herbes médicinales des noms évocateurs : l’herbe du diable pour la belladone, l’herbe aux sorciers pour la marelle noire et la main au diable pour la jusquiame noire.
Il fréquente aussi un singulier personnage très connu dans la région, bien qu’horsain, un certain Richard Baude, arrivé dans le pays au moment de la révolte des va-nus-pieds à Avranches, en 1631 [1]. De nombreux sauniers (ouvriers qui extraient le sel de l’eau de mer) sont tués. Baude échappe au massacre et se retire dans un coin isolé du Cotentin, entre bois et marais où il ne fréquente personne [1]. Sans foi, ni loi, il joue de la vielle, le dimanche à la sortie des vêpres, faisant danser filles et garçons du village qui n’ont aucune distraction. Les vieux voient cela d’un mauvais œil. Le curé le rencontre quelquefois et lorsqu’il est longtemps sans travail, l’aide quelque peu. Les « gens bien » ne comprennent pas son attitude envers ce renégat, à moitié « sorcier » aussi car il lui arrive de soigner les bêtes.
Tout commence le troisième dimanche de Carême de l’année 1669, quand l’archidiacre vient faire sa visite annuelle à l’église de Coigny et à cette occasion lire un monitoire qui invite les gens à dire ce qu’ils savaient sur les histoires de sorcellerie dans la région.
« Petite et torse, bossue, recroquevillée sur la mauvaise planche clouée à chaque extrémité sur un billot, fiché dans le sol de terre battue de l’église, Charlotte Le Vavasseur prend place au premier rang de la nef, afin de mieux suivre les questions posées au prêtre et entendre les reproches que ne manquerait pas de faire au curé, l’archidiacre, sur la manière de gérer sa paroisse. « Ainsi est-elle décrite par le père Costel. Dès la sortie de l’église, les langues se délient et chacun se met à raconter ce qu’il a vu ou cru voir et à accuser le voisin qu’il n’aime pas beaucoup de tous les maux. Le Vavasseur n'est pas la dernière à battre la campagne et à récolter tous les bruits qui courent y mêlant ses propres reproches au curé et évoquant ses fréquentations…
Bientôt les premières arrestations ont lieu et les premiers interrogatoires révèlent les noms de Richard Baude et de la diablesse qui sont arrêtées à leur tour. Si Richard n’avoue rien, Charlotte Le Vavasseur avoue tout ce qu’on veut lui faire dire et elle en rajoute, décrivant le sabbat comme si elle y avait assisté et donnant les noms de toutes les personnes qu’elle n’aime pas [1].
Le prêtre, s’attendant au pire, se rend lui-même au château de La Haye-du-Puits pour disculper sa servante d’abord et Richard Baude mais il comprend rapidement qu’il est trop tard et qu’ils ne peuvent échapper ni les uns, ni les autres, au bûcher. Dix des accusés sont bientôt transportés à Carentan où leur condamnation à mort est confirmée [1].
Les cinq principaux accusés sont emmenés au parlement de Rouen, où la sentence de pendaison et de condamnation au bûcher sont confirmées mais le roi Louis XIV et son ministre Colbert suspendent l’exécution de peine [1]. On ramène les cinq condamnés à Carentan où ils doivent être exécutés [1]. C’est en attendant cette exécution que le curé Questier, épuisé par les privations, par les tortures, la fatigue et le manque de nourriture, s’éteint non sans avoir donné sa bénédiction à ses compagnons d’infortune [1].
Alors que l’on se prépare à l’exécution, sous la pression du peuple, toujours avide de ces spectacles morbides, un cavalier venu d’une seule traite de Rouen annonce « que la sentence de mort est commuée en bannissement à vie de la province de Normandie ».
Ainsi se termine cette lamentable histoire de la diablesse de Coigny, dont la haine et la méchanceté sont à la source de ce procès en sorcellerie resté dans l’histoire car c’est à partir de ce procès, qu’on ne brûla plus, en France, les personnes accusées de sorcellerie.
Bibliographie
- Louis Costel, Car ils croyaient brûler le diable en Normandie, Sodirel, 1978
Notes et références
Article connexe
Lien externe
- [vidéo] Sylvaine Piette, « Le dernier procès en sorcellerie du Cotentin à la Haye-du-Puits en 1669 », Société d'archéologie et d'histoire de la Manche, conférence en ligne, 27 janvier 2024 (voir en ligne).