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Jules Renard et Barfleur

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Jules Renard.

Jules Renard, né à Châlons-du-Maine (Mayenne) le 22 février 1864, mort à Paris le 22 mai 1910, est un écrivain lié au département de la Manche.

L'Écornifleur

En 1887, son employeur Galbrun invite le jeune écrivain de vingt-trois ans à passer le mois d'août à Barfleur. Il y commence le roman Les Cloportes.

Il revient à Barfleur d'avril à août 1890 afin de retrouver l'ambiance et le décor qui imprègnent son roman L'Écornifleur, qui est publié en février 1892 chez Ollendorf, dans lequel le couple Galbrun apparaît sous les traits des Vernet. Jules Renard, sa femme et leur fils, habitent sur le port, dans une maison propriété de Jules Alix, un pêcheur, près aujourd'hui du Syndicat d'initiative. L'auteur écrit trois pages par jour [1]. Dans L'Écornifleur, Barfleur apparaît sous le nom de « Talléhou ».

L'Écornifleur est « un véritable “roman de plage” qui fit un tabac en 1892 » [2].

« C'est un texte drôle, rapide, sec, une critique spirituelle de société, comme il s'en écrivait pas mal avant et après 1900 (Henri Lavedan, Octave Mirbeau, Tristan Bernard, Gyp), mais Jules Renard, avec son Ecornifleur, se démarque du lot par une méchanceté de regard, et même une muflerie, rares. Sous sa plume, M. et Mme Vernet sont deux imbéciles ignorants, satisfaits. Il ne décrit que des médiocrités, des petitesses. Il s'acharne contre des détails de comportement. À la longue, c'est un peu pauvre, et Alain-Fournier, lorsqu'il a lu L'Écornifleur, a eu raison de remarquer que “tout ça, c'est l'apparence, le superficiel”, et que Jules Renard pas une seconde ne songe à exprimer "quelque chose que l'on sent, qui est vivant, qui est beau et qui passe "... » [3]

Jules Renard adapte son roman pour le théâtre, sous le titre de Monsieur Vernet. « C'est un texte beaucoup moins goujat, plus subtil, mais, hélas ! le récit des choses, les portraits, le ton, ont perdu de l'accent, de la franchise. Les dialogues, l'arrangement des scènes, sentent l'habileté du fabricant. Il y a une manière de jouer sur le velours du sentiment qui est un peu glauque. » [3].

Une nouvelle adaptation théâtrale du roman par Dominique Delayre, est créée au Théâtre Poche-Montparnasse à Paris par le metteur en scène Étienne Bierry en 1985 [3]. Cette version est reprise en 1997 dans le même théâtre par la metteuse en scène Marion Bierry, avec les comédiens Mathieu Rozé et Raphaëline Goupilleau [4].

Barfleur dans sa correspondance

1887
  • À son père : « Voici mon affaire. Le 3 août, je vais aux bains de mer, à Barfleur, passer une vingtaine de jours, voyage complet payé, et je fais un petit travail pour ce monsieur. »
  • À sa sœur : « Le 3 août, je pars pour Barfleur, aux bains de mer. Oui, rien que ça : aux bains de mer ! Et encore, je me fais payer mon voyage, entier ! « (...) « Barfleur étant une plage assez coquette, crois-tu qu’une ou deux petites cravates molles, petites lavallières aux fines teintes, et une paire de gants ? ... Est-ce que j’abuse ? »
  • À son père : « Je suis comme tu le penses au bord de la mer où je travaille un peu et m'amuse beaucoup. »
  • À sa sœur : « Je suis au bord de la mer, où tout est nouveau pour moi et où, vraiment, je chercherais en vain un motif d'ennui. Je rentrerai le 28 ou le 29. La plage esr resque déserte. Tout se passe à peu près en famille, et c'est une chose reposante que cet abandon et ce laisset-aller. »
  • À son frère :«  Mon cher Maurice, Je t'écris d'une fenêtre d'où je domine la mer. Je ne perds pas un instant, et, vraiment, c'est un bon voyage que j'ai fait là. Je mange comme quatre et, quand j'ai trop mangé, je vais faire un petit tour en pleine mer, et je vomis consciencieusement, sans trop de souffrance, d'ailleurs. »

Barfleur dans le Journal

Jules Renard évoque Barfleur plusieurs fois dans son Journal.

Juin 1888

- « Oh ! ce Barfleur ! Y vivre et y mûrir ! »

29 avril 1890

- « En ce moment, le port de Barfleur est bleu d'eau de Javel, comme si un peuple de blanchisseuses venaient d'y laver leur linge. »

15 mai 1890

- « On voit ici des vieux marins qui ont une veste courte et un chapeau haut-de-forme. »

16 avril 1908

- « J'ai une envie de partir, par ce soleil, d'aller n'importe où, tiens, à Barfleur. Demain matin, je file. Fais-moi mon baluchon, hein? dis! Marinette, fais-moi mon baluchon. »

26 avril 1909

- « Barfleur. Une femme décoiffée par la mer.
Une alouette chante sur l'immense mer.
La première chose que j'apprends, c'est que L’Écornifleur a été apporté ici par un voyageur qui l'avait lu en Chine.
Désillusion. Mme Alix, une vieille sans intérêt, me regarde avec des petits yeux de défiance. Elle tient à nous montrer la maison que nous habitions voilà vingt ans. elle était mieux. Elle sentait le sapin: aujourd'hui, elle sent le tapis. Elle s'est embourgeoisée. Album de cartes postales, portraits du pape, un dessin à la plume: "Dieu protège mon fiancé."
De la jeune fille, on a voulu faire une dame: piano, violon, mandoline du mari, et des tapis et des tentures!... Tout ça dans l'obscurité. Mme Alix cherche qu'on lui dise qu'elle n'a pas vieilli.
Ils continuent le commerce de poisson comme en cachette. Ils voudraient bien dire qu'ils ont fait fortune, et pas trop qu'on le croie: c'est mauvais pour ce qu'il reste de commerce. Christs partout. Rien pour moi. J'entends seulement: "Vous avez monté en grade", quand je dis que je suis maire. »

27 avril 1909

- « Quand Mme Alix, marchande de poisson, a marié sa fille, une tempête s'est déchaînée, qui a duré quinze jours. Elle a du faire venir ses homards de Paris, son turbot de Rouen, ses crevettes du Havre, etc. »

Bibliographie

  • Martine Baslé, Lettres à Jules (correspondance barfleuraise imaginaire avec Jules Renard), éd. Isoète, 2008

Notes et références

  1. « Je m'applique à faire par jour trois pages de mon roman. » (Journal, 8 mai 1890).
  2. Delphine Peras, « La plage, c'est “chouette” », L'Express, n° 3187, 1-7 août 2012.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 Michel Cournot, « Les risques de l'hospitalité », Le Monde, 22 octobre 1985.
  4. Michel Cournot, « Une partie de plage 1900 en compagnie de Jules Renard », Le Monde, 25 septembre 1997.

Lien externe