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Fusillés de Souain (1915)

De Wikimanche

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Les fusillés de Souain sont quatre militaires exécutés « pour l'exemple » par l’armée française pendant la Première Guerre mondiale à Suippes (Marne) le 17 mars 1915.

Trois sont manchois, Théophile Maupas, 40 ans, marié, deux enfants, Louis Lefoulon, 30 ans, vivant en concubinage, un enfant, Louis Girard, 28 ans, marié, un enfant ; le quatrième, Lucien Lechat, 23 ans, célibataire, est breton, né à Le Ferré (Ille-et-Vilaine).

Les faits

La Première Guerre mondiale est engagée depuis maintenant sept mois. En Champagne, la bataille fait rage. Au nord de Souain (Marne) [1], la 21e compagnie du 336e régiment d’infanterie est engagée depuis deux mois contre les positions allemandes. Ses attaques sont infructueuses. Elle compte déjà de nombreux morts dans ses rangs.

Le 10 mars, elle reçoit de nouveau du général Géraud Réveilhac l’ordre d’attaquer l’ennemi dans ses tranchées. Convaincus qu’ils sont condamnés à une mort certaine, les soldats refusent d’obéir.

Le général Réveilhac exige des sanctions. Le capitaine Équilbey, commandant de la compagnie, est chargé de dresser une liste de six hommes par section « choisis parmi les plus jeunes » (18 en tout) et de six caporaux [2].

Le procès

Le 16 mars, le conseil de guerre spécial de la 60e division est réuni pour juger les vingt-quatre inculpés pour « refus de bondir hors les tranchées ».

Le tribunal militaire acquitte les dix-huit hommes de troupe au motif qu’ils ont été choisis au hasard et deux caporaux au motif que, postés en bout de ligne, ils n’ont pu ne pas entendre l’ordre. Les quatre autres caporaux sont condamnés à mort. Ils sont exécutés à Suippes (Marne) le lendemain 17 mars par leurs camarades devant le 336e régiment d’infanterie réuni au grand complet.

La réhabilitation

Drapeau (1918).

Dès la fin de la guerre, Blanche Maupas, institutrice au Chefresne, veuve de Théophile Maupas, engage le combat pour la réhabilitation des fusillés de Souain. Eulalie Lechat, sœur du caporal Lechat, fait de même. La Ligue des droits de l’homme est à leurs côtés.

Le 11 avril 1920, le ministère de la Justice refuse d’examiner le dossier. La Cour de cassation, saisie sur la forme, rejette la révision du procès le 26 mars 1922, ainsi que le 21 avril 1926. Le Syndicat des instituteurs de la Manche forme en décembre 1922 le « Comité Maupas », transformé en 1926 en Comité national pour la réhabilitation des victimes des conseils de guerre [2].

Le combat pour la réhabilitation s’amplifie. Des meetings de soutien sont organisés. En juin 1921, La Ligue des droits de l’homme tient une série de conférences à Cherbourg, Équeurdreville, Carentan, Saint-Lô, Coutances, Avranches et Granville [2]. D’autres ont lieu en décembre 1922 à Avranches, Pontorson et Coutances [2].

Le 3 mars 1934, la Cour spéciale de justice, réunie à Paris, saisie sur le fond, donne un avis favorable à la réhabilitation des quatre caporaux. Elle estime que l'ordre qui leur a été donné était « irréalisable », que le « sacrifice » ainsi demandé dépassait « les limites des forces humaines » et donc qu'« un doute subsiste sur la volonté qu'ils ont eue de commettre le refus d'obéissance pour lequel ils ont été condamnés et dont ils ne seraient être tenus pour pénalement responsables »[2]. Les veuves des « fusillés pour l'exemple » obtiennent le franc symbolique au titre de dommages-intérêts et le droit de percevoir leurs pensions.

Cinq autres soldats fusillés pour l'exemple, natifs de la Manche, n'ont toujours pas été réhabilités réf. souhaitée]. C'est le cas de Marcel Alexandre Barthélémy Paisant, né le 9 août 1895 à Cherbourg et fusillé le 21 décembre 1915 à Florent-en-Argonne (Marne).

Lieux de mémoire

Stèle de Sartilly.
  • À Sartilly, une stèle, inaugurée en 1925, rappelle la mémoire des caporaux de Souain.
  • À Suippes (Marne), un monument, inauguré le 1er décembre 2007, honore la mémoire de quatre « fusillés pour l’exemple ».
  • Théophile Maupas est honoré par plusieurs rues ou places portant son nom, à Bréhal, Le Chefresne (2003), Cherbourg-Octeville et Sartilly (1995), ainsi qu’à Villeurbanne (Rhône) (1933). L’école de Percy prend en 1998 le nom de « Blanche et Théophile Maupas ».

Hommage

Le 2 mars 2019, à Sartilly-Baie-Bocage (Sartilly), un spectacle est organisé en souvenir des quatre caporaux de Souain et de tous les fusillés pour l'exemple de la Première Guerre mondiale.

Créations artistiques

  • Les Sentiers de la gloire (1957), film de Stanley Kubrick, avec Kirk Douglas, inspiré en partie par les fusillés de Souain
  • Blanche Maupas, l'amour fusillé (1998), pièce de théâtre de Jean-Paul Alègre
  • Fusillés pour l'exemple (2003), documentaire d'Alain Moreau et Patrick Cabouat
  • Blanche Maupas (2009), téléfilm de Patrick Jamais, avec Romane Bohringer et Thierry Frémont

Bibliographie

  • Blanche Maupas, Le Fusillé, 1934, Maison coopérative du livre, réédité en 1994 par les éditions Isoète
  • Jacqueline Laisné, Pour l'honneur de Théo et des caporaux de Souain, éd. Isoète, 1994, réédité en 2005 aux éditions Alan Sutton sous le titre Fusillés pour l’exemple, Les caporaux de Souain, le 17 mars 1915
  • Jean-Paul Alègre, Blanche Maupas, l'amour fusillé, éd. de l'Avant-Scène Théâtre, 1998

Notes et références

  1. Aujourd'hui Souain-Perthes-les-Hurlus après la fusion avec la deuxième commune.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 et 2,4 « Obsèques du caporal Maupas, fusillé pour l’exemple en 1915 », Le Didac’doc, n° 42, octobre 2013 (voir en ligne).

Liens externes