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« Extermination des loups dans la Manche (1331) » : différence entre les versions

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L''''extermination des [[loup]]s''' et autres prédateurs au Moyen Âge fut systématique, et subventionnée par les pouvoirs locaux. Elle le fut dans la [[Manche]] par le [[bailliage du Cotentin]], les [[Vicomté de Coutances|vicomtés de Coutances]], de [[Vicomté de Carentan|Carentan]] et de [[Vicomté de Valognes|Valognes]]).
L''''extermination des [[loup]]s''' et autres prédateurs au Moyen Âge fut systématique, et subventionnée par les pouvoirs locaux. Elle le fut dans la [[Manche]] par le [[bailliage du Cotentin]], les [[Vicomté de Coutances|vicomtés de Coutances]], de [[Vicomté de Carentan|Carentan]] et de [[Vicomté de Valognes|Valognes]].


L'extrait de texte qui suit, daté de Pâques [[1331]], provient des ''Actes normands de la Chambre des Comptes'' <ref>Léopold Delisle, ''Les actes normands de la Chambre des Comptes sous Philippe de Valois (1328-1350)'', Rouen, Le Brument, 1871, p. 21, § 8 (« Parties de commune despense de la ballie de Costentin à compter au terme de Pasques l'an <small>M CCC XXXI</small> ».</ref>. Nous en avons supprimé les accents graves et aigus non nécessaires à la lecture, ajoutés dans l'édition du manuscrit par [[Léopold Delisle (historien)|Léopold Delisle]].
L'extrait de texte qui suit, daté de Pâques [[1331]], provient des ''Actes normands de la Chambre des Comptes'' <ref>Léopold Delisle, ''Les actes normands de la Chambre des Comptes sous Philippe de Valois (1328-1350)'', Rouen, Le Brument, 1871, p. 21, § 8 (« Parties de commune despense de la ballie de Costentin à compter au terme de Pasques l'an <small>M CCC XXXI</small> ».</ref>. Nous en avons supprimé les accents graves et aigus non nécessaires à la lecture, ajoutés dans l'édition du manuscrit par [[Léopold Delisle (historien)|Léopold Delisle]].

Version du 4 février 2019 à 00:43

L'extermination des loups et autres prédateurs au Moyen Âge fut systématique, et subventionnée par les pouvoirs locaux. Elle le fut dans la Manche par le bailliage du Cotentin, les vicomtés de Coutances, de Carentan et de Valognes.

L'extrait de texte qui suit, daté de Pâques 1331, provient des Actes normands de la Chambre des Comptes [1]. Nous en avons supprimé les accents graves et aigus non nécessaires à la lecture, ajoutés dans l'édition du manuscrit par Léopold Delisle.

Texte

[…] Partie de loux et aiglez pris.
Par le bailli [2], nichil [3].
Item [4] par le viconte de Coustancez. — Pour IIII loux pris a la Coulombe par Henri le Guelinel, XX s. — Item pour deux aigles pris a Pirou par Jehannet Aubin, X s.
Item par le viconte de Karenten, nichil.
Item par le viconte de Valongnes. — Pour une louve apportee par le vallet monseigneur Robert de l'Espesse, X s. — Pour une louve apportee par Boudet Erquembout, X s. — Pour deux louveteaux et une louve apportés par Jaquet Barbe, XX s. — Pour un louf apportey par Colin le Nourri, V s. — Pour III hurez par Guillot Bacon, XV s. — Item pour une hure de louve par icelli [5], X s. — Summa [6] : LXX s.
Summa totalis [7] de loux pris : C s.
[…]

Commentaire

Remarques générales

Ce texte est rédigé en ancien français tardif, proche du moyen français que certains font commencer vers 1350, et d'autres vers 1400. Il contient quelques mots et expressions techniques relatifs à la comptabilité, et issus du latin médiéval (item, nichil, summa, summa totalis).

Intérêt historique

Ce court fragment de texte permet d'une part de connaître la valeur accordée à cette époque à la destruction des prédateurs :

  • une louve tuée rapporte 10 sols, soit la moitié d'une livre.
  • un loup, un louveteau ou un aigle tués rapportent 5 sols.

Il rappelle également que la rétribution pour avoir tué un loup se faisait contre production de la tête ou hure (point n'était besoin d'apporter le corps entier). Celle-ci était ensuite broyée à coups de masse, afin que nul ne puisse s'en servir une seconde fois pour réclamer la prime. Le corps était assez souvent pendu, cloué ou accroché à un arbre, tant pour l'auto-glorification du chasseur et l'instruction des masses que pour celle des autres ressortissants de l'espèce Canis lupus.

Cette pratique est à l'origine de nombreux toponymes normands du type le Loup Pendu (47 attestations relevées à ce jour). Très fréquents dans le Calvados et en Seine-Maritime, on n'en relève que cinq dans la Manche, dont un disparu :

  • Le Loup Pendu, lieu-dit à Gerville-la-Forêt.
  • La Croix de Loup Pendu, ancien lieu-dit à Heussé. — Ce nom correspond au calvaire situé à l'intersection de la N 176 et de la D 18, près du hameau de Villiers. Il figure en 1720 sur la carte de Mariette de la Pagerie (Croix de Loup pendu) [8], mais a déjà disparu sur la carte de Cassini (1753/1785). On notera la relative proximité de cette croix et de l'ancienne frontière de la Normandie et du Maine.
  • Le Loup Pendu, lieu-dit à Montaigu-les-Bois. — Le Loup pendu 1954 [9], le Loup Pendu 1993 [10].
  • Le Loup Pendu, lieu-dit à Octeville.
  • Le Loup Pendu, lieu-dit à Quettehou et Saint-Vaast-la-Hougue. — Le Loup Pendu 1991, 2007 [11]. — Attestations anciennes inconnues.

Le type le Chêne au Loup (et variantes) est également bien attesté :

  • Le Chêne au Loup, ancien arbre à un carrefour, puis hameau à Hébécrevon. — Chesne à loups 1689 [12], le Chesne a Loup; le Chêne à Loup 1825 [13], le Chêne au loup 1825/1866 [14], Chene au loup 1954 [9], Chêne au Loup 1978 [10], le Chêne au Loup 1993 [10], 2007 [11].
    • La Ferme du Chêne au Loup, ferme à Hébécrevon. — Chesne à loups 1689 [12], Fme du Chêne à Loup; Fme [du Chêne a]u loup 1825 [13], le Chêne au loup 1825/1866 [14].
  • Le Chêne à Loups, ancien lieu-dit au Mesnil-au-Val : Je m’en allé au Chesne à Loupz, avoue le sieur de Gouberville en 1554 [15].
  • Le Chêne au Loup, hameau à Ponts : Chesne au loup 1689 [16], Chene au Loup 1753/1785 [17], le Chêne aux Loups; le Chêne au Loup 1993 [10], le Chêne au Loup 2007 [11]. — Ce nom est celui d’une auberge sur la route d’Avranches à Vire au 17e siècle.
  • Le Chêne au Loup, lieu-dit à Saint-André-de-l'Épine.
  • Le Chêne à Loup, lieu-dit à Saint-Jores.

Enfin, le type la Hure de Loup, faisant peut-être référence à l'exhibition vengeresse de la tête coupée de l'animal, n'est attestée qu'une seule fois en Normandie à notre connaissance :

Caractéristiques dialectales

Les quelques éléments dialectaux que ce texte manifeste sont uniquement contenus dans les anthroponymes (noms de personnes). Il s'agit en effet d'un document officiel, adoptant la norme écrite du temps (dont la graphie reste cependant fluctuante, comme il est habituel à cette époque).

Traits normano-picards
  • Conservation de [k] issu de c latin (ou germanique assimilé) devant a, là où le français a [ʃ], noté ch : Boudet Erquembout (français Archambault) [18].
  • Conservation de [g] issu de g latin devant a, là où le français a [ʒ], noté g(e)-, g(i)-, j- : Henri le Guelinel, dérivé de gueline, gline « poule, géline » [19].

Notes et références

  1. Léopold Delisle, Les actes normands de la Chambre des Comptes sous Philippe de Valois (1328-1350), Rouen, Le Brument, 1871, p. 21, § 8 (« Parties de commune despense de la ballie de Costentin à compter au terme de Pasques l'an M CCC XXXI ».
  2. Fauvel de Varecourt, grand bailli du Cotentin de 1327 à 1331.
  3. Latin nihil, « rien ».
  4. Latin item « de même, pareillement »; le mot est employé ici pour introduire une série d'entrées relatives au même sujet (loups et aigles pris) présentées sous forme de liste.
  5. Variante de l'ancien français icelui, « celui-ci ».
  6. Latin summa, « somme ».
  7. Latin summa totalis, « somme totale ».
  8. G. Mariette de la Pagerie, Carte topographique de la Normandie; feuille 3 : Fougères, Vire et Avranches, 1720 [BnF, fonds Cartes et Plans, cote Ge DD 2987 (1009, III) B].
  9. 9,0 et 9,1 Nomenclature des hameaux, écarts et lieux-dits de la Manche, INSEE, 1954.
  10. 10,0 10,1 10,2 10,3 et 10,4 Annuaire officiel des abonnés au téléphone.
  11. 11,0 11,1 11,2 et 11,3 Carte IGN au 1 : 25 000.
  12. 12,0 et 12,1 G. Mariette de La Pagerie, cartographe, Unelli, seu Veneli. Diocese de Coutances, divisé en ses quatre archidiaconés, et vint-deux doiennés ruraux avec les Isles de Iersay, Grenesey, Cers, Herms, Aurigny etc., chez N. Langlois, Paris, 1689 [BnF, collection d'Anville, cote 00261 I-IV].
  13. 13,0 et 13,1 Cadastre napoléonien, Archives départementales de la Manche.
  14. 14,0 14,1 et 14,2 Cartes d’État-Major (relevés de 1825 à 1866, mises à jour jusqu’à 1889).
  15. Eugène Robillard de Beaurepaire et le Comte Auguste de Blangy, Le Journal du Sire de Gouberville (t. II), Mémoires de la Société des Antiquaires de Normandie XXXII, Caen, 1895, p. 100.
  16. G. Mariette de La Pagerie, cartographe, Unelli, seu Veneli. Diocese de Coutances, divisé en ses quatre archidiaconés, et vint-deux doiennés ruraux avec les Isles de Iersay, Grenesey, Cers, Herms, Aurigny etc., chez N. Langlois, Paris, 1689 [BNF, collection d'Anville, cote 00261 I-IV].
  17. 17,0 et 17,1 Carte de Cassini.
  18. Nom de personne germanique Arkanbold, variante d'Erkanbald, combinaison des éléments erkan- « sincère, excellent » et -bald « audacieux ».
  19. Gallo-roman GALLINA.