Carre
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Dictionnaire manchois |
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Carre (fr. rég. et dial.), n. f., 1 : coin, angle. — 2 : morceau anguleux; bûche (équarrie).
Exemple : sens 1, la carre de la table, de la rue, de la maison, d'un champ…. — Sens 2, une carre de bois.
Répartition géographique
Le mot est connu dans toute la Basse-Normandie, et plus fréquemment employé dans la Manche, l'ouest du Calvados [1] et le nord de l'Orne. On le rencontre également dans l'ouest de l'Eure et l'est du Pays de Caux [2].
Attestations écrites
Dans la littérature dialectale
- CARRE : 1865 Nos pêqueurs occupaits, se touanne de carre en carre, / I dêhalle, i renvis, et change de mare en mare […], « nos pêcheurs occupés tournent de coin en coin, ils s'en vont, ils reviennent, passent de mare en mare » [3]. — 1927 Quĕand olle eut pòóso̩ chu pãin su la carre de l'autè, o fît devĕant que de se ratouorno̩ sa pu belle croupette, « quand elle eut posé ce pain sur le coin de l'autel, elle fit, avant de s'en retourner, sa plus belle révérence » [4].
Dans les glossaires et dictionnaires
- CARRE : vers 1840, Saint-Lois, sens 2 - CARRE : 1849, sens 1, non localisé [5]. — 1856, sens 1 et 2, non localisé [6]. — 1911, sens 1, canton de Percy [7]. — 1989, sens 1, Basse-Normandie [1]. — 1990, sens 1, Manche, Calvados ouest, Orne nord, Eure ouest, Pays de Caux est [2]. — 1993, sens 1, Normandie, particulièrement Manche, Calvados et Eure [8]. — 1993, sens 1 et 2, Manche, nord de la ligne Joret [9]. — 1997, sens 1 et 2, région de La Haye-Pesnel [10].
- CARE : 1911, sens 1, canton de Percy [7].
Attestations orales
Transcriptions : alphabet Rousselot-Gilliéron.
Toutes les attestations qui suivent ne concernent que le sens 1, « coin » :
- kår 1974/1976 (Îles Anglo-Normandes et Manche, à l'exception du sud-Mortainais et des quelques points cités ci-dessous [11].
- kåḥ 1974/1976 (Teurthéville-Hague) [11].
- kár 1974/1976 (Saint-Aubin-des-Préaux, Servon, Sacey) [11].
Étymologie
Le mot carre perpétue l'ancien français carre, quarre « côté, face; angle, coin », issu du latin quadra « carré, morceau carré, quartier », le sens de base étant ici celui d'angle droit. Le latin quadra est le féminin substantivé de l'adjectif quadrus « carré », et représente sans doute l'ellipse de quadra (petra), « (pierre) carrée ». Quant à quadrus, dont le sens initial est « à quatre côtés », c'est un dérivé adjectival de quattuor « quatre » [12]. Curieusement, René Lepelley dit : « du latin quadrare “donner une forme carrée” » [1], ce qui n'explique que le verbe carrer.
Emplois particuliers
Locutions
- eune carre dé boués 1998, région de La Haye-Pesnel : une bûche carrée, morceau équarri destiné au chauffage.
- la vive carre 1911, canton de Percy : l'arête d'un angle [7].
- faire les carres 1993, Manche, nord de la ligne Joret : faucher à la faux les angles des champs, là où la faucheuse ne peut pas passer [9].
- de couen en carre [13] 1993, Manche, nord de la ligne Joret : en diagonale [9].
Proverbes et dictons
- à la carre du quemin qui touorne, là que la vaque a écôné le cochoun, oûpraès du gros caillou de boués [13], « au coin du chemin qui tourne, là où la vache a écorné le cochon, près du gros caillou en bois » 1993, Manche, nord de la ligne Joret : réponse ironique faite à quelqu'un qui demande où trouver la chose qu'il cherche [9].
Mots apparentés
- écarrer, « faire les carres ».
Notes et références
- ↑ 1,0 1,1 et 1,2 René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Basse-Normandie, Paris, Bonneton, 1989, p. 43b.
- ↑ 2,0 et 2,1 Patrice Brasseur, Le parler normand, Paris / Marseille, Éditions Rivages, 1990, p. 46.
- ↑ A. Mourant, « Aventure carrièrétique », in Rimes et poësies jersiaises de divers auteurs réunies et mises en ordre par A. Mourant, Philippe Touzel Falle, Jersey, 1865, p. 17; patois de Jersey.
- ↑ Charles Birette, « Le vent mĕanquit », in Dialecte et légendes du Val de Saire (en Basse-Normandie), Picard, Paris, 1927, p. 119; patois du Val de Saire.
- ↑ Édelestand et A. Duméril, Dictionnaire du patois normand, Caen, 1849, p. 59a; le mot y est noté par erreur CARRÉ.
- ↑ Louis Du Bois et Julien Travers, Glossaire du patois normand, A. Hardel Éditeur, Caen, 1856, p. 67.
- ↑ 7,0 7,1 et 7,2 Raymond Ganne de Beaucoudrey, Le Langage normand au début du XXe siècle noté sur place dans le canton de Percy (Manche), Paris, Picard, 1911, p. 106.
- ↑ René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Normandie, Paris, Bonneton, 1993, p. 40b.
- ↑ 9,0 9,1 9,2 et 9,3 J.-P. Bourdon, A. Cournée, Y. Charpentier, Dictionnaire normand-français, Paris, Conseil international de la langue française, 1993, p. 68b-69a.
- ↑ M. Porée et B. Cléraux, « Glossaire du parler normand de la région de La Haye-Pesnel », Le Viquet n° 118, Noël 1997, p. 62c.
- ↑ 11,0 11,1 et 11,2 Patrice Brasseur, Atlas Linguistique et Ethnographique Normand, CNRS, Paris, vol. III, 1997, carte n° 951, « Coin (d'un mur) ».
- ↑ De l'indo-européen °kʷetwor-, degré en o de °kʷet-wer- « quatre », forme suffixée de °kʷet- < °əkʷet-, degré zéro de °əekʷet-, terme de mesure correspondant à la main moins le pouce (gardé libre pour compter les doigts de l’autre main), soit quatre doigts, ou encore aux quatre bosses des phalanges du poing fermé.
- ↑ 13,0 et 13,1 Graphie dite « normalisée », prônée par la mouvance de Fernand Lechanteur, Marcel Lelégard et al., mais ne reflétant qu'une prononciation minoritaire.