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Élément dick

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L'élément dick « fossé, talus; digue, barrage », variantes graphiques dic, dik, dike, dicke, dicq, dique, dyck, dich, dych, dy, di, die, est présent dans un certain nombre de toponymes de la Manche. Les spécialistes hésitent entre une origine scandinave, anglo-scandinave ou anglo-saxonne.

Étymologie

Ce terme procède vraisemblablement de l'ancien scandinave díki « marais; fossé; talus » ou de sa variante dík « barrage ». Le mot díki « fossé, talus » est aujourd'hui représenté par l'islandais díki « bourbier, marais; fossé, tranchée », le norvégien et le suédois dike « marécage; fossé; digue » et le danois dige « remblai, levée, digue » [1]. Il repose sur le radical germanique commun °dīk-, issu de la racine indo-européenne °dʰīgʷ- « fixer, planter, enfoncer ». On pourrait aussi avoir affaire dans certains cas à l'anglo-scandinave dik « fossé » [2], représentant l'ancien anglais dīc « fossé, tranchée » confondu avec l'ancien scandinave díki. Cette confusion est probable, de telle sorte qu'il est difficile (voire inutile) de tenter de distinguer ces différentes origines.

Rapidement passé dans le parler roman de Normandie, ce mot y est alors attesté au Moyen Âge sous la forme dic. Comme toutes les consonnes finales en français, celle du mot dic a commencé à s'amuïr dès le 13e siècle, d'où la prononciation [di]. Inversement, les mots monosyllabiques ayant eu tendance à favoriser le maintien des consonnes finales, la prononciation [dik] a souvent alterné avec la précédente, d'où la concurrence en toponymie entre les graphies avec (dic(k), di(c)ke, dique, dyck) ou sans (dy, di, die) consonne finale.

Histoire

L'emploi du mot dic correspond à une réalité historique importante, très bien évoquée par Léopold Delisle dans son célèbre ouvrage sur l’agriculture en Normandie au Moyen Âge [3].

En effet, les travaux exécutés par l'homme pour protéger le rivage contre l'action dévastatrice des flots, ou pour conquérir sur la mer de nouveaux territoires, sont connus en Normandie sous le nom de dics depuis au moins le 12e siècle. À Carentan, les coutumes relatives aux marais favorisaient les entrepreneurs d'endiguements. Lorsque la mer envahissait un terrain, le propriétaire pouvait appuyer son dic des bouts et des côtés sur les terres voisines, sans que les propriétaires de ces dernières ne puissent réclamer la moindre indemnité. Les propriétaires des terrains envahis conservaient toujours le droit de les reprendre sur la mer, et même, si leurs terres étaient situées sur le rivage, d'en conquérir davantage et autant qu'ils pouvaient, dans l'axe de leur propriété.

Emplois en toponymie

Répartition de l'élément toponymique dick / -dy dans la Manche.

Les premiers emplois de cet élément, tels qu'ils semblent attestés par le nom du Hague Dick (voir l'article correspondant pour l'étymologie de ce nom), pourraient remonter au début du 10e siècle, voire un peu plus tôt, s'ils sont effectivement attribuables aux populations scandinaves ou anglo-scandinaves elles-mêmes. Il doivent correspondre entre autres aux formations toponymiques composées dont le second élément est -di, -dy, -die, telles que Holdy, les Houguedies, etc.

Le mot dic une fois devenu un appellatif roman (sans doute à partir du 11e siècle), il apparaît de manière autonome dans diverses formations telles que le Dick, le Haut Dy, le Vieux Dy, etc.

La répartition géographique de ces toponymes en Normandie semble se limiter au département de la Manche.

Toponymes précoces (scandinaves ou anglo-scandinaves)

  • Le Hague Dick, lieu-dit à Beaumont-Hague et Digulleville. — fossatum de Haguedith [lire Haguedich] 1232 [2], Haguedic 1574 [2], Fosses de Haguedick 1689 [4], Fosse de Haguedick 1757 [5], Ligne du fossé de Haguedick 1753/1785 [6], le […] retranchement appelé Hague-Dick 1839 [7], le Hague-dick Fossé retranché 1835/1845 [8], le Hague-Dick 1865 [9], Hague Dicke 1978 [10], Hague Dick 1990 [11], Hague Dike 2007 [11].
    • Le Hague Dick, bâtiment de la résidence Coriallo à Beaumont-Hague. — Hague Dyck 1978 [12], Hague Dick 1993 [12].
    • Rue du Hague Dick, voie à Beaumont-Hague. — r[ue du] Hague Dike 1993, 1998 [12], r[ue du] Hague Drick 1993 [12].
  • Les Houguedies, lieu à Denneville. — Les Houguedies 1978, 1993 [12]. — Sans doute composé avec l'ancien scandinave haugr « hauteur »; mais ce nom est sans formes anciennes.

Toponymes tardifs (romans)

Emploi non déterminé
  • Le Dick, hameau à Portbail. — le Dicq 1689 [4], [hameau] de Dicq 1753/1785 [6], le Digt 1825/1866 [8], le Dick 1993 [12], 2007 [11].
  • Le Dyke, lieu à Réville. — le Dyke 1993 [12]. — Pas de formes anciennes.
Emploi avec un adjectif
  • Le Haut Dy, hameau à Créances. — les H[au]ts d’Y 1825/1866 [8], le Haut Dy 1978, 1993 [12], le Haut d’Y 1993 [12], le Haut Dy 2007 [11].
    • Le Grand Haut Dy, hameau à Créances. — Le Grand Haut Dy; le Grand Haut d’Y; le Grand Hautdic 1993 [12]. — Sans doute identique au Haut Dy.
    • Le Petit Haut Dy, hameau à Créances. — P[eti]t H[au]ts d’Y 1825/1866 [8], Petit Haut Dy 1978 [12], le Petit Haut Dy; le Petit Haut d’Y 1993 PTT [12].
    • Rue du Haut Dy, voie à Créances. — r[ue du] Haut Dy 1998 [12].
    • Impasse du Haut Dy, voie à Créances. — imp[asse du] Haut Dy 1998 [12].
    • Les Caves du Haut Dy, lieu-dit à Créances. — les Caves du Haut Dy 2007 [11].
  • Le Vieux Dy, hameau à Audouville-la-Hubert. — le Vieux Dicq 1825/1866 [8], le Vieux d’Y 1954 [13], Vieux Dy 1993 [12].
  • Le Neudy, lieu-dit à Audouville-la-Hubert. — le Neudy 2007 [11].


Notes et références

  1. Elisabeth Ridel, Les Vikings et les mots / L'apport de l'ancien scandinave à la langue française, Errance, Paris, 2009, p. 193.
  2. 2,0 2,1 et 2,2 François de Beaurepaire, Les noms de communes et anciennes paroisses de la Manche, Picard, Paris, 1986, p. 130.
  3. Léopold Delisle, Études sur la condition de la classe agricole et l’état de l’agriculture en Normandie au Moyen-Age, éd. A. Hérissey, Évreux, 1851, p. 293-295, n. 87.
  4. 4,0 et 4,1 G. Mariette de La Pagerie, cartographe, Unelli, seu Veneli. Diocese de Coutances, divisé en ses quatre archidiaconés, et vint-deux doiennés ruraux avec les Isles de Iersay, Grenesey, Cers, Herms, Aurigny etc., chez N. Langlois, Paris, 1689 [BnF, collection d'Anville, cote 00261 I-IV].
  5. L. Brion de la Tour, Recueil des Côtes Maritimes de France, Desnos, Paris, 1757, carte n° 11.
  6. 6,0 6,1 et 6,2 Carte de Cassini.
  7. Panorama pittoresque de la France […], par une société de gens de lettres, de géographes et d’artistes, Firmin Didot, Paris, t. V (section Manche), 1839, p. 22.
  8. 8,0 8,1 8,2 8,3 8,4 8,5 et 8,6 cartes d’État-Major (relevés de 1820 à 1866, mises à jour jusqu’à 1889; Basse-Normandie cartographiée entre 1835 et 1845).
  9. Dudon de Saint-Quentin, De moribus et actis primorum Normanniæ ducum, édité par Jules Lair, impr. F. Le Blanc-Hardel, Caen, 1865 [initialement publié dans les Mémoires des Antiquaires de Normandie XXIII]; introduction, p. 66.
  10. Carte IGN au 1 : 100.000.
  11. 11,0 11,1 11,2 11,3 11,4 11,5 11,6 11,7 et 11,8 Carte IGN au 1 : 25 000.
  12. 12,00 12,01 12,02 12,03 12,04 12,05 12,06 12,07 12,08 12,09 12,10 12,11 12,12 12,13 12,14 12,15 12,16 12,17 12,18 12,19 12,20 et 12,21 Annuaire officiel des abonnés au téléphone.
  13. 13,0 13,1 et 13,2 Nomenclature des hameaux, écarts et lieux-dits de la Manche, INSEE, 1954.

Articles connexes