Égaluer
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Dictionnaire manchois |
Égaluer |
Le soleil m'égalue. |
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Égaluer (fr. rég. et dial.), v. tr., éblouir.
Exemple : le soleil m'égalue.
Répartition géographique
Mot employé de manière générale dans la Manche; localisé plus particulièrement dans l'arrondissement de Valognes au 19e siècle. Son usage dialectal s'étend aux îles Anglo-Normandes.
Attestations écrites
Dans la littérature dialectale
- ÉGALUAÏR : 1849 Pour égaluaïr nos jânes dadais, « pour éblouir nos jeunes dadais » [2]; D'vant que l'soleil nou-z égalue, « avant que le soleil ne nous éblouisse » [3].
- ÉGALUER : 1865 […] un spectre ou unne ombre / Qui vint se plianter sus les d'grés d'la Cohue, / Nos égaluer tous, et nos bailli la brélue, « un spectre ou une ombre qui vint se planter sur les marches de la Cohue, nous éblouir tous et nous donner la berlue » [4].
Dans les recueils, glossaires et dictionnaires
- ÉGALUAÏR : 1849 [5], 1870, Guernesey [6].
- ÉGALUER : 1849, arrondissement de Valognes [7]. — 1856, Valognes [8]. — 1887, non localisé [9]. — 1911, canton de Percy [10]. — 1923, Hauteville-sur-Mer [11]. — 1993, Manche [12]. — 1998, région de La Haye-Pesnel [13].
- Égalué [14] : 1881 (Val de Saire).
- ÉGALUAER [15] : 1974, région de Cherbourg [16]. — 1993, Manche, nord de la ligne Joret [17].
Attestations orales
Transcriptions : alphabet Rousselot-Gilliéron.
Étymologie
Le mot égaluer est formé sur le terme dialectal normand galu, variante sonorisée de calu « louche », de même qu’éberluer est formé sur berlue [19]. Quant au mot calu lui-même, il est constitué du préfixe péjoratif ca- et d'un radical -lu qui semble représenter le réflexe du latin luscus « borgne ». Le correspondant exact de ce terme existe en provençal, où calucs signifie « myope » [9]. On retrouve par ailleurs le préfixe péjoratif ca- dans toutes sortes de mots tels que calorgne « louche », formé sur l’ancien français lorgne « louche, myope »; cahute formé sur hutte; caloge formé sur loge; cabosser formé sur bosse, etc.
☞ Curieusement, René Lepelley invoque pour ce mot une « origine incertaine », et effectue sans assurance un rapprochement avec le latin caligo « obscurité » [12] qui pose de très gros problèmes, tant phonétiques que sémantiques.
Emplois particuliers
Locutions
- c'est égalué : 1911, canton de Percy. — Se dit des jeunes veaux sortis pour la première fois de l'étable, et éblouis par le soleil ; ils gambadent et courent comment des fous, sans savoir où ils vont [10].
Notes et références
- ↑ [1886 Legrin] M. Legrin, « Lettre de M. Legrin à M. Le Héricher », Revue de l'Avranchin, , pp. 381-382 (lire en ligne).
- ↑ [Georges Métivier], « L'Apoticaire », in Rimes guernesiaises. Par un câtelain, Simpkin, Marshall et Cie, Londres, [1849], p. 4; patois de Guernesey.
- ↑ Ibid., p. 123.
- ↑ A. Mourant, Rimes et poësies jersiaises de divers auteurs réunies et mises en ordre par A. Mourant, Philippe Touzel Falle, Jersey, 1865, p. 23; patois de Jersey.
- ↑ [Georges Métivier], Rimes guernesiaises. Par un câtelain, Simpkin, Marshall et Cie, Londres, [1849], Glossaire, p. 194.
- ↑ Georges Métivier, Dictionnaire franco-normand ou recueil des mots particuliers au dialecte de Guernesey […], Williams and Norgate, Londres / Édimbourg, 1870, p. 194.
- ↑ Édelestand et A. Duméril, Dictionnaire du patois normand, Caen, 1849, p. 89a.
- ↑ Louis Du Bois et Julien Travers, Glossaire du patois normand, A. Hardel Éditeur, Caen, 1856, p. 121.
- ↑ 9,0 et 9,1 Henri Moisy, Dictionnaire de patois normand, Indiquant particulièrement tous les termes de ce patois en usage dans la région centrale de la Normandie, pour servir à l’histoire de la langue française, Caen, Henri Delesques éd., 1887, p. 227b.
- ↑ 10,0 et 10,1 Raymond Ganne de Beaucoudrey, Le Langage normand au début du XXe siècle noté sur place dans le canton de Percy (Manche), Paris, Picard, 1911, p. 183.
- ↑ [1923 Lemesle] Gabriel Lemesle, Le passé d'une commune française : Notes recueillies et classées jusqu'en 1914 sur Hauteville-sur-Mer (Manche), (lire en ligne), p. 317.
- ↑ 12,0 et 12,1 René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Normandie, Paris, Bonneton, 1993, p. 64a.
- ↑ M. Porée et B. Cléraux, « Glossaire du parler normand de la région de La Haye-Pesnel », Le Viquet n° 119, Pâques 1998, p. 97c.
- ↑ Axel Romdahl, Glossaire du patois du Val de Saire (Manche) suivi de remarques grammaticales, Linköping, 1881.
- ↑ Graphie dite « normalisée », prônée par la mouvance de Fernand Lechanteur, Marcel Lelégard et al., mais ne reflétant qu'une prononciation minoritaire.
- ↑ André Dupont, « Glossaire » dans Alfred Rossel, Chansons normandes, OCEP, 1974, p. 251 [édition en graphie normalisée].
- ↑ J.-P. Bourdon, A. Cournée, Y. Charpentier, Dictionnaire normand-français, Paris, Conseil international de la langue française, 1993, p. 122a.
- ↑ Albert Sjögren, Les parlers bas-normands de l'île de Guernesey, Klincksieck, Paris, 1964, p. 2b.
- ↑ On appelle ce type de formation une dérivation parasynthétique.