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Tempête dans le Cotentin (1866)

De Wikimanche

Un spectacle apocalyptique.

Tempête dans le Cotentin

Les 10 et 11 janvier 1866, une tempête s'abat sur la France. Elle est particulièrement ressentie le 11 dans le Cotentin, notamment à Cherbourg.

À Cherbourg, l'ouragan sévit entre 11 h et 15 h [1]. Il est d'une violence « épouvantable » assure L'Illustration, jamais vue « de mémoire d'homme » [2].

Le vent venant nord-ouest - nord-est frappe « par coups de fouet » et jette vingt-deux navires de commerce à terre [2] : dix-sept sur le quai Napoléon et cinq autres sur la plage des Mielles, devant le nouvel établissement des bains de mer [1]. Les dégâts sont si importants que presque tous devront être démolis sur place [2]. Une citerne de la Marine nationale est également jetée sur le quai Napoléon [3]. De nombreuses maisons voient leurs toitures s'envoler ou être endommagées [3]. On ne compte plus les arbres déracinés [3].

La division cuirassée de la Manche mouille en grande rade, ainsi que la frégate La Forte, les avisos Dauphin et Faon et un grand nombre de navires de commerce venus en petite rade chercher refuge pendant la tempête qui a éclaté la nuit précédente [2]. Les bâtiments de guerre ont pris leurs précautions : dans la matinée, ils ont calé leurs mâtures, allumé les feux et mouillé des ancres alors même qu'ils sont déjà maintenus par des chaînes de corps-mort [4]. De fait, ils résistent mieux que les bateaux de commerce aux assauts de la tempête. Toutefois, vers 11 h 30, une des chaînes du Magenta, navire amiral de la division cuirassée, casse. Le vaisseau s'incline dangereusement, puis se redresse après quelques secondes d'une terrible anxiété [4]. Quelques instants plus tard, c'est autour de la frégate La Forte de subir la même avarie, là encore sans dommage [4].

Les dégâts matériels sont impressionnants. La mer, qui présentait « un spectacle effrayant », a agi « avec une force dont il est difficile de se rendre compte » [2]. La digue du large a subi les plus graves assauts. Le bilan atteste de la violence de la tempête : 220 blocs énormes, qui lui servaient de contreforts, certains pesant quatre tonnes, ont été enlevés par les vagues et passés par-dessus la digue [2], 38 canons couronnant la digue ont été arrachés et 14 de ces pièces d'artillerie, pesant chacune une tonne, ont été emportés et précipités à la mer. » [2].

Le contre-amiral baron Clément de la Roncière-Le Noury, commandant en chef de la division cuirassée de l'Océan, à bord du Magenta, note dans son rapport : « [...] De 11 h 30 à 15 h 30, le vent a soufflé avec la même violence. À 11 h 30, le baromètres était à 727 millimètres ; à 3 h 30 à 736 millimètres. Le vent était tellement puissant qu'à bord il était impossible de s'y exposer sans se tenir solidement à un point fixe. [...] Sur 32 bâtiments de commerce qui étaient en petite rade le 12 [5], 9 ont pu entrer dans le port de commerce au commencement du coup de vent en faisant quelques avaries, 22 ont été s'échouer sur la côte devant la ville, les uns à droite, les autres à gauche. [...] La digue qui n'avait jamais passé par une telle épreuve, n'a subi aucune avarie sensible. L'œuvre de M. Reibell est définitivement jugée [...] Des pierres de poids de 2 000 à 3 000 kilogrammes, qui forment l'extérieur de l'enrochement [...] ont été projetées par les lames de l'extérieur de la digue par-dessus le parapet, et sont tombées à l'intérieur ; quelques-unes sont restées sur le parapet même ; elles ont, par conséquent, été soulevées à une hauteur verticale de 8 mètres environ. On ne peut se faire une idée de la puissance qu'avaient acquise les lames sous la pression du vent. En frappant la digue, elle s'élevaient à une hauteur égale à trois fois la hauteur du fort central, qui a vingt mètres de haut, puis, entraînées presque horizontalement par le vent, elles venaient tomber en poussière à une grande distance en dedans » [6].

Une foule se presse sur la place d'Armes et les quais pour suivre le formidable et terrifiant spectacle. « Des corvées de marins, des détachements de troupes, le personnel des douanes et de la police, sous la direction des autorités, s'efforcent d'organiser les secours pour arracher à la mort les malheureux naufragés qu'on aperçoit cramponnés désespérément dans les cordages et dont on perçoit distinctement du rivage les appels. » [4]. Certains n'hésitent pas à prendre les risques les plus périlleux. L'enseigne de vaisseau Chaplin va à la nage porter des grelins aux navires en détresse [4]. D'autres réussissent à établir un va-et-vient entre la terre et les bateaux ballotés comme des coquilles de noix [4].

Au final, l'ouragan ne cause aucune perte humaine et l'on ne déplore même aucun blessé sérieux, même si quelques marins sont « dans le plus piteux état » [2].

À Saint-Vaast-la-Hougue, douze navires s'échouent sur la côte, dont L'Achille [1].

À Barfleur, les barques ne peuvent tenir leur mouillage [1].

Quelques années après, le capitaine de frégate F.-R. Roux analyse le phénomène : il estime que Cherbourg a essuyé « un cyclone animé d'une grande vitesse de translation, se dirigeant de l'ouest vers l'est, dont le centre a passé au-dessus de la rade et qui n'a agi que par une partie de son circuit » [7].

Naufrages

Liste des naufrages du 10 et 11 janvier 1866.
Bateau Date naufrage Type Lieu du naufrage Pavillon
Alfred lougre à Cherbourg français
Clémence lougre à Cherbourg français
Marie Fanny goélette à Cherbourg français
Reine Blanche goélette à Cherbourg français
Saint Julien lougre à Cherbourg français
Tourville lougre à Cherbourg français
Victoire Eugène goélette à Cherbourg français
Alcyon cotre s'échoue à Cherbourg français
Confiance bisquine s'échoue à Cherbourg français
Duquesne lougre s'échoue à Cherbourg français
Gaspard goélette s'échoue à Cherbourg français
Gustave goélette s'échoue à Cherbourg français
Jeune Alphonse sloop s'échoue à Cherbourg français
Jeune Henry goélette s'échoue à Cherbourg français
Joséphine goélette s'échoue à Cherbourg français
Liberté lougre s'échoue à Cherbourg français
Louis et Fanny goélette s'échoue à Cherbourg français
Adèle lougre à Cherbourg français
Citerne bateau de l'État à Cherbourg français
Eugène goélette à Cherbourg français
Alerte bisquine à Cherbourg suite à un abordage français
Achille sloop à Saint-Vaast-la-Hougue français
Marie Adeline bisquine à Saint-Vaast-la-Hougue français
Saint Louis bateau de pêche à Saint-Vaast-la-Hougue français
Jeune Hermine goélette s'échoue à Cherbourg français
Jeune Louise goélette s'échoue à Cherbourg français
Edme bisquine s'échoue à Saint-Vaast-la-Hougue français
Jacques bisquine s'échoue à Saint-Vaast-la-Hougue français
Jeune Bernardin bisquine s'échoue à Saint-Vaast-la-Hougue français
Jules bisquine s'échoue à Saint-Vaast-la-Hougue français

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 « Ouragan du 11 janvier », La Vigie de Cherbourg, janvier 1866.
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 et 2,7 Émile Glorieux, « L'ouragan du 11 janvier 1866 à Cherbourg », L'Illustration, n° 1196, 27 janvier 1866.
  3. 3,0 3,1 et 3,2 « Tempête du 10 au 11 janvier 1866 », Météo France, site internet, consulté le 23 février 2019 (lire en ligne).
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 et 4,5 « La tempête du 11 janvier 1866 », La Vigie de Cherbourg, janvier 1866.
  5. En fait le 11.
  6. Revue maritime et coloniale, n° 63, mars 1866, p. 669-672.
  7. Revue maritime et coloniale, vol. 31, 1871, p. 752.

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