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Saline

De Wikimanche

Planche de l'Encyclopédie montrant le travail des sels dans une saunerie : une saline avec son tas de fagots. À proximité, les plombs sur le feu, une ruche et divers instruments, dont un racloir pouvant être tiré par un cheval placé entre deux brancards.

La fabrication du sel dans la Manche est probablement très ancienne.

Au Moyen Âge, les salines[1] des côtes normandes formaient une importante branche commerciale. Au XVIIIe siècle, cette industrie florissante utilisait une main-d'œuvre nombreuse.

Technique

Chaque exploitant, le saunier, possède une portion de grève dans la zone de balancement des marées.

En été, en mortes-eaux, une fine couche de sel remonte à la surface du « sablon ». Les sauniers recueillent le sablon à l'aide d'un racloir, le « haveau » tiré par un cheval. Les monceaux de sablon obtenus portent le nom de « mondrin ». Chargé dans des tombereaux tirés par des chevaux, le sablon est ensuite stocké près de la cabane appelée saline et entassé en « mouée » que l'on recouvre d'argile.

À l'intérieur de la saline, le sablon est lessivé dans une caisse au fond ajouré et recouvert d'un lit de paille, le liquide obtenu s'appelle la « brune » .

Le boidrot et la boidrote font bouillir la brune dans des cuves de plomb, pour obtenir la cristallisation du sel dit ignigène produit par évaporation.

Après égouttage dans des paniers en osier coniques, les ruches, le sel est ensuite mis à sécher, entreposé dans des greniers et revendu à des particuliers.

Histoire

En 1768, 380 propriétaires de salines sont répertoriés par l'administration dans le Grand Bailliage de Cotentin[2]. Les salines sont situées dans les havres de Bouillet, de la Marécherie (au Val-Saint-Père), de Céaux, de Gisors (à Vains), de Saint-Léonard, de Genest et de Courty (juridiction d'Avranches), de Bricqueville (juridiction de Granville), de Lessay (juridiction de Coutances), d'Isigny (juridiction de Saint-Lô), de Portbail, de La Hougue et de Quinéville (juridiction de Valognes).

On trouvait des salines sur tout le littoral de la Manche, mais les plus nombreuses et les plus productives se situaient dans l'Avranchin, sur les paroisses de Genêts et Vains[3]. Dans la baie du Mont-Saint-Michel, entre Genêts et Courtils on dénombrait plus de 200 salines artisanales. À partir de 1776, le nombre de salines est limité et un numéro est attribué à chaque exploitation; on sait donc qu'il y avait 111 salines à Vains, 36 à Courtils, 31 au Val-Saint-Père, 24 à Genêts, 14 à Céaux et 9 à Marcey.[4]

Sous l'Ancien régime, existait l'impôt sur le sel, la gabelle, qui était un monopole d'État.

Chaque sujet du Roi était tenu d'acheter une certaine quantité de sel soit 25 livres par personne ayant atteint l'âge de huit ans. Il faut savoir aussi que les commis de gabelles mettaient tout en œuvre pour limiter la production de sel afin d'en augmenter le prix. La gabelle fut supprimée à la Révolution. Ce procédé d'extraction du sel était plus coûteux que celui des marais salants, aussi, le Cotentin et l'Avranchin n'étaient pas soumis à la « grande gabelle », qui imposait un monopole strict, avec des prix fixés et élevés mais un pays de Quart Bouillon.

Les règlements étaient draconiens et les droits à payer fort lourds sur la production, il fallait déduire :

  • la part du Roi, appelée quart-bouillon, c'est-à-dire le prix de quatre boisseaux de sel fourni, puis le Parisis équivalent au quart du quart et encore le quart de Parisis, enfin une taxe finale.
  • le prix du bois selon les degrés de feu : quarante fagots pour bouillir trois plombs pendant 24 heures.
  • le matériel et la main d'œuvre.

Les sauniers avaient pour salaire le septième boisseau de sel qu'ils fabriquaient.

Les sauniers (ou saulniers) obtinrent de Louis XVIII le rétablissement de privilèges fiscaux et continuèrent leur exploitation. L'extraction du sel continua encore jusqu'à la fin du XIXe siècle.

Mais l'amélioration des moyens de communication, notamment l'arrivée du chemin de fer, favorisa la concurrence du sel produit dans d'autres régions, plus blanc et moins coûteux.

Les salines disparaissent vers 1865. Il reste des traces de cette industrie dans la toponymie du département, comme Bricqueville-les-Salines, ancien nom de Bricqueville-sur-Mer, ou La Saline, à Équeurdreville-Hainneville.

On peut, de nos jours, observer une saline grandeur nature à Vains - Saint Léonard à l'écomusée de la baie du Mont-saint-Michel. Des démonstrations de fabrication de sel comme le faisaient les « boidrots » sont organisées toute l'année.

Bibliographie

  • Édouard Le Héricher, « Commune de Céaux », Avranchin monumental et historique, vol.2, imprim. Tostain, Avranches,1845, p.341-343 (lire en ligne)
  • Eric Barré, « Salines et tanguières de Normandie au Moyen-Age - Notes sur leur aspect juridique », Chronique d'histoire maritime, 1996-I, p. 43-47.
  • Alain Lhomer et Charles Piquois, Baie du Mont-Saint-Michel. Les anciennes salines, éd. Siloé, 2002

Voir aussi

Notes et références

  1. La géographie de la généralité de Caen, 1765 - Annuaire de l'Ancienne Normandie, Caen, 1840 - Bulletin de la société des Antiquaires, Caen, 1939, et Le Petit Montmartinais, n° 8.
  2. Document cité par Maurice Lantier dans Le dernier siècle de l'Ancien Régime dans le futur département de la Manche, CRDP, Caen, 1986, p. 36.
  3. Rémy Desquesnes, « Le sel de saint Michel », Basse Normandie, magazine du conseil régional, n° 30, 1998, p.17
  4. Conseil régional de Basse-Normandie.Le Mont-Saint-Michel rendu à la mer,1998