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Pierre-Daniel Huet

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Pierre-Daniel Huet.

Pierre-Daniel Huet, né à Caen (Calvados) le 8 février 1630 et mort à Paris le 25 janvier 1721, est une personnalité religieuse et un écrivain de la Manche.

Il est évêque d'Avranches de 1692 à 1699.

Biographie

Un orphelin érudit

Né dans la paroisse Saint-Jean de Caen, Pierre-Daniel Huet perd dès son plus jeune âge son père, conseiller du roi, secrétaire ordinaire en la cour et échevin de la ville, calviniste converti au catholicisme. Sa mère, Isabelle Pillon de Bertouville, originaire de Rouen, meurt également alors que Pierre-Daniel Huet a six ans, laissant orphelin un fils et trois filles, qui sont élevées par leurs tantes, religieuse de l'ordre de Saint-Dominique à Rouen. Lui est élevé par une autre tante, Catherine Pillon de Berthouville, mariée au mathématicien et astronome caennais Gilles Macé [1]. Après le décès de ses parent, leur fils, Daniel Macé, devient le tuteur de Pierre-Daniel Huet [2].

Il entre au collège des Jésuites de Caen à huit ans, et montre de grandes capacités intellectuelles. En rhétorique à douze ans, il termine ses études à seize. Il excelle également dans l'escrime, l'équitation, la natation et la course [2].

À l'âge de vingt ans, il a déjà pris rang parmi les savants les plus distingués de l'époque [3], comme Julien Le Paulmier de Grentemesnil ou l'archéologue Jacques Graindorge [4]. Il apprend par lui-même plusieurs langues [2].

Esprit mondain

Homme de sciences et bel esprit mondain, il mêle les études les plus arides : philologie, mathématiques, astronomie, anatomie, etc., aux passe-temps les plus frivoles : hôte assidu de l'hôtel de la marquise de Rambouillet, admirateur et courtisan de Julie et de Mme de Scudéry [3]. Il rencontre les plumes de l'époque, dont le moraliste La Rochefoucauld ou les académiciens Charles Perrault et Jean Regnault de Segrais [2]. Il compose des vers grec ou latins, des dissertations théologiques ou philosophiques, des madrigaux et des romans dans le jargon en vogue, des morceaux d'histoire et d'archéologie, etc. [3].

En 1652, il fait un voyage en Suède avec le pasteur Samuel Bochart, à la cour de Christine, se lie avec les érudits et les littérateurs de l'Europe et entre à l'Académie littéraire de Caen. Il prend parti pour l'antiquité dans la fameuse querelle des anciens et des modernes. En 1662, il fonde l'académie de physique de Caen avec André Graindorge [3], refuse la même année une place de conseiller au Parlement de Rouen, et reçoit une pension de quinze cents livres de Louis XIV : « A Huet, de Caen, grand personnage qui a traduit Origène » [2]. Sur les recommandations du duc de Montausier, il devient en 1670 sous-précepteur du Dauphin, fils de Louis XIV, restant à la cour jusqu'au mariage de celui-ci en 1680. Le 13 août 1674, il entre à l'Académie française sur la présentation de Bossuet, Pellisson, Fléchier, Eudes de Mézeray, du duc de Montausier et du marquis de Dangeau [2].

Il se fait ordonner prêtre en 1676 par Claude Auvry dans la crypte de Sainte-Geneviève à Paris[2]. Son existence est dès lors plus grave et plus conforme à sa nouvelle profession. En 1678, il reçoit du roi l'abbaye cistercienne d'Aunay-sur-Odon (Calvados), puis est nommé en 1685 au siège épiscopal de Soissons sans recevoir l'approbation papale [2].

Évêque d'Avranches

Il échange son siège avec l'abbé de Sillery pour l'évêché d'Avranches en 1689. Il est officiellement nommé évêque d'Avranches par le pape le 5 mai 1692, sacré le 24 août et fait son entrée dans la ville le 17 octobre [2].

Aussitôt, le 29, il autorise la fondation de l'hôpital de Barenton par Pierre Crestey, ancien condisciple et ami qu'il fait en même temps inspecteur et directeur du l'prieuré de Moutons. Il forme son administration début novembre en nommant official Bertrand de la Piganière, chanoine scolastique de Saint-André et curé de Bacilly ; vicaires généraux Julien Nicolle, curé de Carnet, et Jacques de Carbonnel, doyen de la cathédrale ; secrétaire de l'officialité, Julien Macey, chapelain de la cathédrale ; vice-official, Jacques de Guillebert, chanoine ; promoteur et sous-promoteur, Jean Cosson, curé de Saint-Senier-sous-Avranches et Pierre Denault, curé de Saint-Quentin ; doyens ruraux de Tirepied et du Teilleul, Jean Letellier, curé de Notre-Dame-de-Livoye et Robert Benoist, curé de Moulines. Il quitte Avranches le 13 novembre pour passer son premier hiver à Paris, jusqu'au 16 mars 1693. Il confirme le 27 mars l'établissement du Séminaire d'Avranches qu'il confie, avec le collège, aux Eudistes. Il fusionne également le prieuré royal des Bénédictines de Moutons et le couvent Sainte-Anne d'Avranches, pour créer l'abbaye de Moutons [2].

Mais ses goûts de penseur et d'érudit s'accordent mal avec des fonctions actives. Il passe dans sa bibliothèque le temps qu'il devrait consacrer à l'administration de son diocèse[3] et séjourne souvent à Paris et dans son abbaye d'Aunay [2].

Ses visiteurs s'en plaignent. On leur dit toujours que monseigneur est invisible, qu'il étudie. « Pourquoi donc le roi ne nous envoie pas un évêque qui ait fait toutes ses études ? » répond un jour l'un d'entre eux. Il démissionne de son évêché en avril 1699 [3]. Il reçoit en échange l'abbaye de Fontenay près de Caen [2].

Fin de vie

Il finit ses jours dans la maison professe des jésuites à Paris. Depuis l'enfance jusqu'à l'extrême vieillesse, il n'a cessé d'étudier. Il doit à sa prodigieuse mémoire de conserver tout ce qu'il a appris : ce n'est pas un créateur dans le sens rigoureux du mot, mais l'un des érudits les plus étonnants de l'histoire des lettres [3].

Œuvres

Les idées philosophiques de Huet sont contenues dans quatre ouvrages :

  • Demostratio evangelica [Démonstration évangélique], Paris, 1679, in-fol.
  • Censura Philosophiæ cartesianæ [Censure de la Philosophie cartésienne], Paris 1680, in-12.
  • Quæstiones Alnetanæ de concordia rationis et fidei [Questions d'Aulnay su l'accord de la foi et de la raison],Caen, 1690, in 4°.
  • Nouveaux mémoires pour servir à l'histoire du cartésianisme, Paris, 1692, 1 vol. in-12.
  • Dissertations sur diverses matières de religion et de philosophie, Paris, 1712, in-12.

Le fond de la doctrine de l'éveque d'Avranches est la négation, au profit de la foi religieuse, de la certitude rationnelle, sous quelque mode qu'on l'envisage.

  • De l'interprétation des auteurs (en latin), Paris,1661, 2 vol. in-4°.

Dans la première partie, l'auteur traite de la meilleure manière de traduire, et, dans la seconde, des traducteurs célèbres.

  • Commentaires d'Origène sur l'Écriture sainte, [grec-latin], Rouen, 1668, 2 vol. in-fol.
  • Lettre sur l'origine des romans, (1670) à la tête du roman intitulé :Zaïde par Mme de la Fayette . Une huitième édition avec une Lettre de Huet sur l'auteur de l'Astrée date 1714. La première édition à part est de 1678 chez Cramoisy (1 vol. in-12) avec le titre :Lettre de M. Huet à M. de Segrais sur l'origine des romans ; De la situation du paradis terrestre [en français], Paris, 1691, 1 vol. in-12 ; puis en latin, Amsterdam, 1698-1701, in-8°. Le paradis terrestre est placé par l'auteur sur le bord du fleuve formé par la réunion du Tigre et de l'Euphrate (fleuve des Arabes, Kat-el-Arab). L'édition de 1698 est enrichie d'une Dissertation sur la navigation de Salomon; Nouveaux mémoires pour servir à l'histoire du cartésianism, Paris, 1692, in-16.
  • Statuts synodaux pour le diocèse d'Avranches (Caen, 693, 1 vol. in-8°.
  • Huetii Carmina, poésies grecques et latines fort estimées pour leur élégance et leur correction de style, (Utrecht, 1700, 1 vol. in-12.)
  • Histoire du commerce et de la navigation des anciens (1716-1727), 1 vol. in-12.
  • P.-D. Huetii Commentarius de rebus ad eum pertinentibus, sorte de mémoires autobiographiques.
  • Histoire des origines de la ville de Caen (Rouen, 1706, 1 vol. in-8°.
  • Diane de Castro ou le Faux Incas (Paris, 1728, 1 vol. in-12. C'est un essai de roman écrit à l'âge de vingt-cinq ans.
  • Dissertations sur diverses matières de religion et de philosophie ( La Haye, 1714, 2 vol. in-12. )
  • Opuscules sur la langue française, recueillis par l'abbé d'Olivet.
  • Lettres inédites de Huet (Journal des savants, 1797)
  • Discours de réception à l'Académie française , (Paris, 1674, in-4°)
  • Huetiana, (Paris, 1722, 1 vol. in-12°) recueil d'anecdotes, quelques-unes apocryphes.

Hommages

Le 10 mai 1839, le conseil municipal d'Avranches décide de perpétuer sa mémoire en donnant son nom à la place de la cathédrale.

En septembre 1912, le conseil municipal d'Avranches se réunit pour décider de la construction d'une statue en l'honneur du prélat, dont un mystérieux « Mgr Georges » se trouve à l'origine [5]. Le sculpteur Charles Lebreton donne son accord pour créer une statue en marbre blanc de trois mètres de haut [6]. Une souscription est lancée, qui recueille un joli succès, y compris auprès des cardinaux du Vatican [5]. L'évêque de Coutances, Mgr Joseph Guérard finit par trouver l'affaire un peu louche et soupçonne un abus de confiance, tandis que le maire Maurice Chevrel dépose enfin une plainte pour l'utilisation de son nom et celui de sa femme sans leur accord [7]. Une enquête confirme bientôt qu'il s'agit d'une escroquerie [7]. « Mgr Georges », qui est connu à Saint-Malo comme le Dr Génouin, n'est autre qu'un prêtre interdit [8]. Chaque jour qui passe révèle de nouvelles victimes de l'ex-abbé Georges [9]. Ce dernier promet d'ériger la statue sur ses propres deniers mais meurt avant même d'être jugé. Le monument ne verra jamais le jour.

Bibliographie

  • Charles Nisard, Mémoires de Daniel Huet, évêque d’Avranches, traduites pour la première fois du latin en français, lib. Hachette, Paris, 1853
  • Abbé Flottes, Étude sur Daniel Huet, évêque d’Avranches, éd, Séguin, Montpellier, 1857 (lire en ligne)
  • Communiqué par Armand Gasté, « Testament de Daniel Huet », Mémoires de la Société d'archéologie, de littérature, sciences et arts d'Avranches, 1886 (T8),p. 231- 233 (lire en ligne)
  • Désiré Aubry, Daniel Huet, évêque d’Avranches, éd, La Bonne Presse, Paris, 1943
  • F. Le Pelletier, « Les dernières années de Daniel Huet », Les Normands de Paris, n° 258, avril 1958, p. 10-14
  • Joseph Toussaint, Daniel Huet, évêque d'Avranches (1689-1699), imprimerie de l'Avranchin, 1976
  • Guillaume Ducœur, « Pierre-Daniel Huet et l'astronomie, sur les pas de Tycho Brahé », Revue de l'Avranchin et du Pays de Granville, recueil d'études offert en hommage à Emmanuel Poulle , t. 87, fasc. 425, 2010, p. 647-670

Notes et références

  1. Voir  Gilles Macé.
  2. 2,00 2,01 2,02 2,03 2,04 2,05 2,06 2,07 2,08 2,09 2,10 et 2,11 Édouard Le Héricher, Keepsake avranchinais, 1863.
  3. 3,0 3,1 3,2 3,3 3,4 3,5 et 3,6 Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Paris, 1875.
  4. Voir  Jacques Graindorge.
  5. 5,0 et 5,1 « Le “faux Monsignor” avait trop d'audace », L'Ouest-Éclair, 3 juillet 1913 (lire en ligne).
  6. « Une statue à Daniel Huet », L'Ouest-Éclair, 4 janvier 1913.
  7. 7,0 et 7,1 « Un château qui n'est qu'une gare », L'Ouest-Éclair, 4 juillet 1913.
  8. « L'histoire du faux Monsignor », L'Ouest-Éclair, 5 juillet 1913.
  9. « Des dupes ! Encore des dupes ! », L'Ouest-Éclair, 6 juillet 1913.

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