Actions

Nicolas II à Cherbourg (1896)

De Wikimanche

Nicolas II et Alexandra.
Félix Faure accueille le tsar.

Nicolas II à Cherbourg (1896)

Nicolas II (1894-1918), empereur de Russie, séjourne à Cherbourg le 5 octobre 1896.

Contexte

L’empereur de Russie Nicolas II effectue un grand voyage en Europe occidentale, qui le mène en Autriche, puis en Angleterre, en France et en Allemagne.

En France, il arrive le 5 octobre après-midi à Cherbourg, part pour Paris le soir même, où il séjourne jusqu’au 9 octobre. Il est accompagné de son épouse, la tsarine Alexandra, 24 ans, et de sa fille, la grande duchesse Olga Romanova, âgée de 10 mois. Son voyage en France veut consolider l’alliance franco-russe scellée en janvier 1892.

Le tsar a alors 28 ans. Il règne depuis bientôt deux ans.

À Cherbourg

La tsarine descendue de l'Étoile polaire.

Nicolas II, sa femme et sa fille arrivent à Cherbourg le lundi 5 octobre 1896, vers 15 h, à bord du yacht impérial l'Étoile polaire, flanqué du Standard et escorté par l’Escadre du Nord emmenée par le Hoche. L'accostage est un peu brutal. Le palier du débarcadère en fait les frais, mais il est promptement remplacé [1]. Tandis qu'on joue La Marseillaise, le tsar et son épouse sont accueillis à leur débarquement par Félix Faure, président de la République, entouré des présidents de la Chambre des députés Henri Brisson et du Sénat Émile Loubet, du président du Conseil des ministres Jules Méline, et des ministres des Affaires étrangères Gabriel Hanotaux, de la Guerre Jean-Baptiste Billot et de la Marine Henri Rieunier [2]. Le tsar porte l’uniforme de capitaine de vaisseau avec bicorne qu’il aime tant ; la tsarine a revêtu « une robe gris tourterelle sur laquelle est posée une pèlerine du même ton ornée d’un col de dentelle », un chapeau garni de roses la coiffe [3]. Alexandra est enceinte « mais la nouvelle n’est pas officielle et donc personne n’en parle » [3]. Le président de la République donne le bras à l’impératrice [4]. Les ouvriers de l’arsenal et des marins crient « Vive le tsar », « Vie la Russie », mais, plus nombreux, encore, « Vive l’Impératrice ».

Le tsar et sa suite se rendent à l’hôtel de la préfecture maritime, où ils déjeunent. Accompagné de Félix Faure, Nicolas II embarque sur l’aviso Élan à 16 h pour passer en revue l’Escadre du Nord [5]. La pluie tombe en averses, mais on distingue à l’avant-garde le Charles-Martel et le Dupuy-de-Lôme, suivis de plusieurs torpilleurs et escorteurs [6]. De chaque navire partent les « sept hourras réglementaires » [5]. Le bateau présidentiel est suivi par deux canots de parade armés de trente-deux rameurs, qui sont du meilleur effet [7]. Trois paquebots, le Normandie, le Canada et le Navarre, mouillent sur rade remplis de touristes, des Parisiens pour la plupart, venus assister à la parade [5], dont l’écrivain Octave Mirbeau [8]. De nombreux yachts ont également rejoint la rade pour jouir du spectacle [9]. [9]. À terre, « la place Napoléon, les rochers du sémaphore et toutes les maisons qui ont vue sur la rade sont noirs de monde » [9]. À 16 h 20, les deux chefs d’État embarquent sur le cuirassé Hoche. Ils sont accueillis par le vice-amiral Charles Regnault de Prémesnil, commandant de l’escadre, et le capitaine de vaisseau Moré, commandant du bâtiment. Ils passent l’équipage en revue et quittent le navire, salués par vingt-et-un coups de canon.

À 19 h, un dîner de 73 couverts est offert dans l’arsenal par le président de la République. Trois tables rassemblent les invités. Félix Faure et Nicolas II président celle du milieu, qui a été rehaussée du vingt centimètres [10]. Un échange de toasts célèbre l’amitié franco-russe. Dans un excellent français, Nicolas II se dit « touché » par l’accueil « sympathique et cordial » qui vient de lui être fait à Cherbourg [4]. L’Impératrice, un peu fatiguée, est restée à bord de l' Étoile polaire’’ [4]. « Pendant le repas, les bâtiments de guerre placés dans la rade sur trois lignes parallèles sont illuminés avec des motifs de circonstance préparés à bord de chaque navire [9].

À 20 h 30, le tsar et sa suite quittent Cherbourg en train pour Paris, amené directement dans l’arsenal. Une nouvelle bordée de coups de canon salue leur départ. Des soldats français, impeccablement rangés de chaque côté de la voie, leur rendent les honneurs sur plusieurs centaines de mètres [4]. Le train présidentiel suit à 20 h 45 [9].

Les Cherbourgeois s’affichent un peu déçus que l’Empereur n’ait pas fait dans leur ville « le tour de promenade qu’ils souhaitaient ardemment » [5] : hormis, la revue navale, tout s’est passé derrière les murs de l’arsenal. Le quotidien parisien L'Intransigeant souligne encore plus nettement le « mécontentement de la population », qui se dit frustrée de ne pas pouvoir voir le tsar ni le président de la République [11]. Il en résulte, dit-il, que l'ornementation de la ville pour cette double visite est « assez piètre » : « deux arcs de triomphe, des sapins minuscules le long des voies principales, de distance en distance des entrecroisements de feuillages, des mâts surmontés d'oriflammes aux couleurs française et russes, et voilà tout [11] ». L'Intransigeant corrige le tir le lendemain, quand il rend compte de l'événement. Cette fois, avec le soleil revenu, les Cherbourgeois sont devenus enthousiastes [12].

Un an après, le ministre de la Marine fait frapper un médaillon pour commémorer le passage du tsar à Cherbourg, œuvre du graveur Frédéric de Vernon.

Notes et références

  1. « Leurs majestés à Cherbourg », Le Matin, 6 octobre 1896.
  2. A. Rambaud, L’Ouest-Éclair.
  3. 3,0 et 3,1 Jean des Cars, Nicolas II et Alexandre de Russie : une tragédie impériale, éd. Perrin, 2015.
  4. 4,0 4,1 4,2 et 4,3 Hugues Le Roux, «  L’arrivée du tsar à Cherbourg », Le Figaro, 6 octobre 1896.
  5. 5,0 5,1 5,2 et 5,3 Marc Landry, « La revue navale », Le Figaro, 6 octobre 1896.
  6. , Grégoire, « À bord de la Normandie », Le Gaulois, 6 octobre 1896.
  7. Paul Baleu, « Les souverains russes en France », Le Petit Journal, 6 octobre 1896.
  8. « La revue navale », Le Gaulois, 5 octobre 1896.
  9. 9,0 9,1 9,2 9,3 et 9,4 Henry Jarzual, « « La journée à Cherbourg », Le Gaulois, 6 octobre 1896.
  10. « Le tsar à Cherbourg », Le Petit Parisien, 6 octobre 1896.
  11. 11,0 et 11,1 Ph. Dubois, « Le voyage du czar à Cherbourg : mécontentement de la population », L'Intransigeant, 6 octobre 1896.
  12. Ph. Dubois, « Le czar à Cherbourg », L'Intransigeant, 7 octobre 1896.

Liens internes