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Naufrage du Bolivia

De Wikimanche

Le Bolivia est un trois-mâts jaugeant 925 tonneaux battant pavillon britannique.

Le 29  janvier 1881, le Bolivia parti sur lest de Rouen (Seine-Inférieure, aujourd'hui Seine-Maritime) à destination d'Amérique, a été assailli, dans les parages de Barfleur, par un ouragan terrible du N-E, soufflant du large, et une tourmente de neige, est venu se briser, à 11 heures du soir, sur la côte de Réville, sous le Moulard.

L’équipage, constitué de dix-huit hommes, regagne la terre à marée basse.

Récit du capitaine des douanes Lépine

Dans les « Annales du sauvetage maritime » de l'année 1882 [1], voici comment M. le capitaine des Douanes Lépine, président du Comité de sauvetage de Barfleur, rend compte des circonstances de ce naufrage et de l'assistance prêtée à l'équipage du Bolivia par le canot de sauvetage de Barfleur :

« A minuit, nous sommes prévenus par la douane qu'un fort bâtiment vient de faire côte, sous « le Moulard »
« En ce moment, il régnait le plus terrible ouragan que nous ayons vu sur nos côtes. La tourmente soufflait du N-E, c'est à-dire du large ; par conséquent, mer affreuse ; la neige tombait épaisse et cinglait tout ce qui lui faisait obstacle ; par conséquent, pas de vue à la mer. Pour nous, que faire ? Devions-nous risquer de perdre notre bateau et notre équipage de douze hommes pour essayer de sauver l'équipage naufragé ?
« Nous, membres du Comité, n'étions pas de cet avis. Nos hommes furent consultés et, stimulés par notre valeureux patron Baude, tous déclarèrent que le bâtiment naufragé sur la pointe du Moulard se trouvait dans la pire position de la côte , par ce temps terrible, et qu'il fallait, à tout prix, entreprendre d'en sauver l'équipage.
« Donc tous nos canotiers, aidés par de nombreux habitants de Barfleur accourus, s'attellent sur le chariot qui, roulant dans un pied de neige glacée, obéissait, difficilement. Il ne fallait pas penser à l'emploi de chevaux. Le temps pressait. Un grand malheur survient au début ; on ne songe pas, dans l'empressement à amener le gouvernail qui était hissé sur ses ferrures, et, en sortant le canot, cette pièce, l'une des principales du bateau, s'est brisée, heurtant le sommet de la porte. N'importe ! disent les patrons ; nous avons des avirons de queue pour gouverner.
« Le canot est lancé à minuit 20 ; il est une grande heure, sous les effroyables coups de mer, à franchir la passe ; le patron et le sous-patron manœuvrent chacun un aviron de queue; enfin, le voilà dehors ! Que la Providence soit avec lui !...
« De notre côté, huit, des canotiers, qui n'étaient pas embarqués, et moi, nous nous dirigeons rapidement en suivant la grève à travers la neige, vers le lieu du sinistre ; nous apercevons le navire naufragé qui brûlait des torches ; à 9 heures 30, nous sommes devant lui. Par bonheur, il avait été drossé tout fait à la côte par des coups de mer qui, déferlant sur lui, avaient déjà brisé son grand mât et son mât d'artimon jetés en plusieurs tronçons sur la plage.
« Une dernière fusée est lancée du bord. Merci, mon Dieu ? L'entreprise hardie de notre canot est couronnée de succès !
« Pour répondre à cette fusée, une torche est brûlée au large en mer, non loin du bâtiment. Nul doute, elle provient de notre vaillant bateau. Donc, l'équipage naufragé obtiendra le salut!
« De son côté, l'administration de la marine, sous les ordres de M. Lepart, syndic et membre de votre comité, avait pu parvenir à établir, un va-et-vient, et déjà un matelot naufragé avait été halé à terre ; nos huit canotiers sont restés présents au sauvetage. A 3 heures, la mer retirante laisse le navire immobile. M. Lepart se fait hisser à bord ; le salut des naufragés est, cette fois, assuré.
« A 3 heures 30, le concours de notre canot n'étant plus utile, le patron Baude s'est réfugié dans la baie de la Marre-Barrée ; nulle force humaine n'aurait pu vaincre la tempête pour regagner Barfleur.
« Je me trouvais précisément sur ce point, demandant, pour ainsi dire, à tous les coups de mer, s'ils ne me ramenaient pas notre brave équipage. Enfin, le voilà ! Vous dire dans quel état, cela est impossible ; mouillés à la peau depuis leur départ, le canot n'ayant jamais vidé, malgré le parfait fonctionnement des soupapes, tant les coups de mer à bord tombaient successifs, ces braves gens étaient littéralement gelés ; toutes les barbes portaient des glaçons et quand ils faisaient un mouvement, leurs vêtements gelés craquaient comme s'ils eussent été de verre.
« On pouvait se demander qui des naufragés ou d'eux avait le plus souffert!
« Je me suis emparé d'eux, après avoir mis le canot en sûreté, et je les ai conduits à une auberge voisine, où je leur ai fait servir promptement un breuvage chaud, et ensuite, au pas de course, nous avons regagné Barfleur.
« Notre canot est resté sous la garde de la douane. Dans la matinée, malgré le gros temps encore, notre équipage est retourné à la Marre-Barrée, point éloigné de Barfleur de quatre kilomètres, et de 9 à 11 heures du matin, notre canot a pu rentrer à Barfleur.
« Il repose maintenant en sûreté dans sa maison-abri, comptant à son actif une sortie de plus, et certes la plus dure et la plus périlleuse entre les douze qu'il a effectuées.
« Le capitaine Lambert m'a adressé aujourd'hui, en personne, ses remerciements, en me déclarant que par le temps affreux de la nuit de son naufrage, il ne croyait pas pouvoir espérer son salut dans l'assistance d'un bateau de sauvetage, pensant qu'il lui serait impossible de tenir la mer et il a été émerveillé du dévouement de nos habiles canotiers. »
Le brave patron Baude a été vaillamment secondé par son équipage qui comprenait le sous-patron Bouin et les canotiers Pierre Baude, Godreuil, Sauvé, Delacour, Auguste Alix, Émile Alix, Crestey, Robine, Choisy et David.

Notes et références

  1. « Annales du sauvetage maritime » de l'année 1882, Bibliothèque nationale de France, Gallica, site internet.

Source

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