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Ligne THT Cotentin-Maine

De Wikimanche

La Ligne THT Cotentin-Maine est une ligne à très haute tension (THT), qui alimente le réseau électrique national à partir de la centrale nucléaire de Flamanville. C'est le troisième groupe de production de cette usine.

La nécessité de sa construction est liée au projet de l'installation du réacteur EPR de Flamanville [1].

La ligne mesure environ 163 km de long, dont 90 dans la Manche [1] et traverse 74 communes sur lesquelles sont plantés 414 pylônes de 45 à 65 mètres de haut, tous les 500 mètres en moyenne.

Le coût de la construction de la ligne est estimé à 200 millions d'euros (340 millions avec les mesures compensatoires) [2].

La construction commence en janvier 2012 [3]. Elle mobilise une quarantaine d'entreprises et jusqu'à 800 à 900 salariés au plus fort de l'activité [3]. La ligne est mise en service le 2 mai 2013 sans attendre la fin de la construction de l'EPR [4].

Tracé

La ligne THT Cotentin-Maine ne part pas directement de la centrale de Flamanville, mais d'une ligne déjà existante. La jonction se fait sur les communes de Raids et de Saint-Sébastien-de-Raids, là où se séparent les deux lignes de 400 000 volts déjà en service.

Le tracé descend le département de la Manche (44 communes), fait une brève incursion dans le Calvados (une commune), traverse l'Ille-et-Vilaine (cinq communes) et aboutit en Mayenne (quatorze communes). Le point de jonction final se trouve à Beaulieu-sur-Oudon, entre Rennes et Le Mans.

Communes de la Manche concernées

Quarante-quatre communes de la Manche sont concernées par le projet.
Ce sont (par ordre alphabétique) : La Bazoge, Beslon, Boisyvon, Buais, Cametours, Carantilly, Cerisy-la-Salle, Le Chefresne, Chèvreville, Coulouvray-Boisbenâtre, Les Cresnays, Cuves, Dangy, Ferrières, Feugères, Fontenay, Le Guislain, Hauteville-la-Guichard, Heussé, Juvigny-le-Tertre, Lapenty, Le Lorey, Marigny, Marchésieux, Margueray, Maupertuis, Le Mesnil-Adelée, Le Mesnil-Gilbert, Le Mesnil-Rainfray, Milly, Montbray, Montabot, Notre-Dame-de-Cenilly, Parigny, Percy, Reffuveille, Saint-Laurent-de-Cuves, Saint-Martin-d'Aubigny, Saint-Martin-le-Bouillant, Saint-Maur-des-Bois, Saint-Sébastien-de-Raids, Saint-Symphorien-des-Monts, Villebaudon et Villechien.

Procédure

Le projet de ligne THT Cotentin-Maine a fait l'objet d'un débat public, qui s'est déroulé d'octobre 2005 à février 2006.

L'enquête publique en vue de la déclaration d'utilité publique s'achevée le 17 juillet 2009, après avoir été prolongée de deux semaines. La commission d'enquête rend un avis favorable, avec plusieurs réserves.

La ligne est déclarée « d'utilité publique » par un arrêté publié au Journal Officiel le 27 juin suivant [5].

Mesures d'accompagnement

Le plan d'accompagnement du projet (PAP) dispose de 20 millions d'euros pour indemniser les communes de la Manche [6]. La plus grosse dotation revient à Saint-Martin-d'Aubigny (347 402  pour 4 726 m de ligne), la plus petite au Mesnil-Gilbert (5 881  pour 80 m de ligne) [6].

Sur les trente-cinq communes opposées au projet, seules cinq ont refusé le PAP : Boisyvon, Buais, Le Chefresne, Chèvreville et Heussé [7]. Pour Jean-Claude Bossard, maire du Chefresne : « Même si le PAP est légal, il revient à arroser les maires pour les acheter. Quand RTE propose entre 100 000 et 500 000 euros à des villages comme le mien, au budget annuel de 150 000 euros, il est très difficile de dire non. » [7].

La commune de Chèvreville, décide même de boycotter les deux tours des élections municipales de 2008.

Contestation

Le 28 octobre 2006 une manifestation anti-THT et EPR se tient à Saint-Hilaire-du-Harcouët [8].

Une trentaine de communes situées sur le tracé prennent un arrêté municipal interdisant les travaux de construction de la ligne tant que la preuve n'aura pas été rapportée de son innocuité sur les humains et les animaux. Le tribunal administratif de Caen annule ces arrêtés pour les 15 communes situées dans la Manche, excepté pour Le Chefresne (délai dépassé).

Le 31 janvier 2009 à Mortain, une manifestation rassemble 4 000 opposants avec pour principal mot d'ordre « Notre santé n'est pas à vendre » [9]. Les manifestants réclament une étude d'impact sanitaire.

Un collectif s'opposant à la construction de la ligne est constitué sous la dénomination « Stop THT ». Divers associations s'y associent et six recours sont déposés devant le Conseil d'État pour discuter de la validité du projet sur le plan économique, environnemental, sanitaire et démocratique. Aucun de ces recours n'a été jugé suffisant, pour conduire à une suspension des travaux. Un recours a été décliné, cinq autres sont encore en attente.

RTE (Réseau transport d'électricité), filiale d'EDF, propose de racheter les maisons riveraines situées à moins de 100 m de la ligne THT, une première en France [3]. 165 habitations sont concernées [3].

Une enquête publique a lieu début mai dans toutes les communes impactées par le projet alors que les travaux ont déjà commencé en Mayenne et en Manche, cette enquête publique fortement contestée dans son déroulement et dans ses formes conclut pourtant à la nécessité d'une étude épidémiologique indépendante. Les travaux continuent pourtant sans que cette conclusion soit jugée suspensive.

Les actions de résistance au projet se multiplient. Des actions symboliques de déboulonnage de pylônes ont lieu, le 11 mars 2012 à Saint-Maur-des-Bois, le 18 mars à Saint-Martin-d'Aubigny, où le président de l'association Marais sous tension, Michel Houssin, est interpellé [10]. En mars 2012, au Chefresne, une vingtaine de militants anti-THT occupent les arbres pour empêcher qu'ils soient abattus [11]. L'action dure plusieurs mois. Le 6 juin 2012, alors qu'il venait faire respecter son arrêté municipal de 2008, toujours valide, et faire usage de son autorité de police sur le sol de sa commune, le maire du Chefresne Jean-Claude Bossard et cinq autres personnes sont interpellés par la gendarmerie parce qu'ils tentent de s'opposer aux travaux de construction de la ligne THT. Le maire est placé en garde à vue. Les jours suivants, ce même maire négocie avec la préfecture de la Manche et obtient l'accord du sous-préfet et du secrétaire général pour ne pas tenir les élections mais s'arranger pour que la mairie puisse accueillir le bureau de vote sans entraves. Le 7 juin, le conseil municipal décide donc, avec cet accord en main, en signe de protestation de ne pas organiser le scrutin pour les élections législatives. Le 9, le conseil municipal démissionne en bloc après la réquisition des élus ordonnée par le préfet de la Manche, Adolphe Colrat, court-circuitant ainsi l'accord passé précédemment avec les membres de son administration [12].

Peu après, prétextant l'insalubrité du lieu, le préfet fait évacuer le château d'eau désaffecté du Chefresne, loué à l'association Percy-sous-Tension depuis plusieurs mois.

À Montabot, un week-end de résistance est organisé du 21 au 24 juin 2012 pour rassembler les opposants, discuter et faire connaître leur lutte. Des heurts ont lieu le 24 juin 2012 entre les forces de l'ordre et des manifestants. Un militant est interpellé et deux gendarmes mobiles sont légèrement blessés tandis que de l'autre côté, vingt-cinq manifestants sont gravement blessés par des tirs tendus de grenades et par l'usage de grenades dites « de désencerclement » à fragmentation.

Le 31 juillet 2012, la contestation continue avec la tentative de blocage de chantier au Chefresne chez Yves Larsonneur, un agriculteur que RTE refuse d'indemniser. Vingt personnes tentent alors de tenir tête à 120 gendarmes du Peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (PSIG) et de la gendarmerie mobile. La journée se solde par l'interpellation d'Yves Larsonneur et un blessé, son fils, contraint à une interruption temporaire de travail de dix jours.

Le 13 septembre 2012, le tribunal de grande instance de Coutances, statuant en référé, condamne RTE à arrêter les travaux de construction de la ligne THT sur la propriété d'Yves Larsonneur, agriculteur à Montabot [13]. La justice assimile l'intervention de RTE à une « voie de fait » faute d'avoir obtenu au préalable un arrêté préfectoral d'occupation temporaire [13].

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Christophe Leconte, « EPR sans fin : à quoi sert la ligne très haute tension ? », Ouest-France, 8 mai 2023.
  2. Ouest-France, 31 janvier 2009.
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 « Début des travaux de la ligne à très haute tension contestée Cotentin-Maine », AFP, 17 janvier 2012, 19 h 13.
  4. Christian Lerosier, « Ligne THT Cotentin-Maine en service ce matin », Ouest-France, 2 mai 2013.
  5. « Feu vert pour la ligne Très Haute Tension », Ouest-France, 27 juin 2010.
  6. 6,0 et 6,1 Nathalie Lecornu-Baert, « Des sous pour accepter le THT », Ouest-France, 2-3 octobre 2010.
  7. 7,0 et 7,1 Audrey Garric, « Cotentin-Maine, une ligne sous haute-tension », Le Monde, 6 mars 2012.
  8. Dossier de Christophe Leconte, « Anti-THT : cette ligne n'est là que pour le décor », Ouest-France, 9 mai 2023.
  9. Dimanche Ouest-France, 1er février 2009.
  10. La Manche Libre, site internet, 18 mars 2012.
  11. « Au Chefresne, des anti-THT dans les arbres pour empêcher qu’on les abatte », Ouest-France, 29 mars 2012.
  12. « Législatives : les élus d'un village anti-THT, réquisitionnés, démissionnent », AFP, 10 juin 2012, 11 h 46.
  13. 13,0 et 13,1 « Ligne à très haute tension de l'EPR : RTE condamnée à arrêter des travaux », AFP, 13 septembre 2012, 13 h 56 ; Céline Guitton, « THT : la justice stoppe des travaux », Ouest-France, 14 septembre 2012.