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Lettre de Pierre Devouassoud

De Wikimanche

En mars 1941, depuis la prison de Saint-Lô, Pierre Devouassoud, condamné à mort, envoie à ses parents une lettre dans laquelle il écrit :

« Mes très chers parents,

Je vous écris cette dernière lettre qui vous sera remise certainement par le Capitaine.

Cet officier allemand a été notre défenseur devant la cour martiale, c'est un homme d'honneur à qui nous devons beaucoup ; il a tout fait pour nous sauver, mais hélas les lois sont inexorables. Je lui dois une grande reconnaissance, aussi je vous demande de le recevoir comme un ami sincère, un des rares qui pouvait nous comprendre Dorange et moi. C'est lui qui vous remettra l'insigne qui a guidé ma vie et pour lequel j'ai tout sacrifié : mon macaron de pilote. rappelez-vous toujours la devise qui ml'accompagne "Les ailes nous portent, l'étoile nous guide, la couronne nous attend". Vous épinglerez cet insigne avec celui de l'école de Saint-Brieuc (où j'ai connu Dorange) sur un petit coussin et vous le mettrez près de nos deux photos.

Je tiens à vous affirmer que personne ne m'a poussé à partir. Je suis seul responsable de mon acte.

L'argent n'a jamais été mon but, si je suis parti, c'est pour la France et l'aviation.

J'estime que j'ai très bien agi et je ne regrette rien. Les conséquences sont évidemment terribles, mais n'oublions pas que "Mourir pour la patrie est le sort le plus beau, le plus digne d'envie".

Je ne cache pas que j'aurais préféré une mort plus anonyme en combat aérien, mais que voulez-vous, on ne commande pas les évènements.

Le soir du jugement, je n'ai plus pensé qu'à vous, mes chers parents et j'ai pleuré. Je me suis rappelé tous les sacrifices que vous avez consentis pour m'élever, pour me donner de l'instruction, pour me gâter comme vous l'avez fait.

Toi mon Cher Papa qui a été soldat de cette terrible guerre 1914-1918, je suis sûr que tu comprendras tout de suite mes raisons de mon départ. Tu sauras dire à tous que je ne suis pas un lâche, tu pourras être fier de ton fils. Quant à toi, ma Chère Maman, je pense à ta douleur lorsque tu apprendras le sort qui m'a été réservé. Ce sera une épreuve terrible, mais rappelle-toi tous ceux qui sont morts à la guerre et dis toi bien que je ne suis qu'une petite victime de cette grande calamité.

Ce que j'ai fait, j'estime que c'était mon devoir, aussi je ne regrette rien et je suis sûr que tu ne peux pas m'en vouloir. "Mourir en soldat c'est une belle fin".

Mes chers parents, votre fils qui vous a beaucoup aimé, vous dit Adieu et meurt en criant "Vive la France".

Pierre

P.S. : ne pouvant pas écrire plusieurs lettres, je vous demande de faire savoir mon sort à tous nos parents et amis. »