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Julien Crestey

De Wikimanche

Julien Auguste Louis Crestey, né à Carentan le 9 janvier 1926 [1] et mort à Saint-Lô le 23 mai 2020 [2], est une personnalité économique de la Manche. Ferronnier, serrurier, il est un des meilleurs ouvriers de France [3].

Biographie

Enfance

Julien est le deuxième enfant de Julienne Hébert et d’Auguste Crestey. Il a un frère, Auguste et deux sœurs, Suzanne et Jacqueline.

Bon élève, il intègre à l’âge de 11 ans une section d’apprentissage à l’école Saint-Joseph. Tous les après-midis, après la classe du matin, il se rend avec impatience et plaisir à l’atelier pratique.

Mais en 1939, la seconde Guerre mondiale éclate. La main d’œuvre se fait rare. Julien doit arrêter l’école et travailler à l’usine Gloria de Carentan. Il entre comme apprenti-ajusteur à la ferblanterie. Le bruit des machines est si fort qu’il perd une partie de son audition.

Durant cette période, il forgera seul ses outils (qui lui seront volés) et une enclume à partir d’un rail de chemin de fer.

Entreprise

À la libération, grâce à l’apport de leurs parents, Julien et son frère Auguste reprennent une entreprise de maréchalerie. Ils récupèrent du matériau dans les stocks américains et se fournissent auprès de la quincaillerie Brière.

Un prisonnier de guerre allemand leur apprend à souder.

Julien explique (entretien du 29 mai 2019) : « Juste après-guerre, il y avait un prisonnier allemand qui travaillait chez Lepelletier [4] (briqueterie). On lui a demandé de nous apprendre à souder. La seule chose qu’il voulait, c’était du lait. Il en buvait pour se protéger des vapeurs. Il nous faisait des soudures au plafond qui ne coulaient pas. Avec une baguette de soudure, il soudait deux pièces au plafond ! ... C’étaient des prisonniers mais il n’y avait pas de rancœur. »

Julien et Auguste lancent donc leur atelier en faisant des réparations pour des agriculteurs (matériel, charrettes, barrières...). Très vite, le bouche-à-oreille fonctionne bien, ils étendent leur activité. Le maire de Carentan, Georges Alphonse, reconnaît leurs qualités et leur propose des chantiers. Ils œuvrent pour la reconstruction à Coutances, à Saint-Lô... Ils remportent des marchés pour la Marine, le clergé et les entreprises locales.

L’entreprise s’agrandit. Auguste en devient le gestionnaire, Julien le technicien. Il est de tous les chantiers et noue des liens très forts avec les apprentis qu'il forme, « ses gars ».

Il a l’occasion de travailler avec des architectes de talent qu’il admire (M.Rose, Paul Vimond, Marcel Mersier, Yves-Marie Froidevaux, etc.) et côtoie des ouvriers chevronnés dont il parlera toujours avec respect.

En 1965, l’entreprise devient la société Saint-Éloi du nom du patron des maréchaux-ferrants.

Concours des Meilleurs ouvriers de France

En 1964, il ressent le besoin d’aller plus loin et s’inscrit au concours des Meilleurs ouvriers de France (MOF) dans la section serrurerie. Il exécute une rampe en fer forgé pour laquelle il reçoit, en 1965, le titre de « Lauréat du travail ».

11e Exposition nationale du travail 1965 Groupe II Classe VI Serrurerie

Consignes pour l'exécution de la pièce : Rampe d’escalier débillardée sur limon en plâtre. Main courante moulurée en laiton + bagues en laiton travaillées pour suivre l’angle de la rampe ; d’où chaque bague différente suivant l’inclinaison du rampant de l’escalier. Motifs en fer forgé aminci aux extrémités et poli en façade.

La remise du diplôme a lieu à la Sorbonne. Julien aura l’occasion d'y rencontrer le général de Gaulle.

Mais il n'a pas encore le titre de Meilleur ouvrier de France ; en 1968, il concourt à nouveau en serrurerie pour la porte d’un hall d’entrée.

12e Exposition nationale du travail 1968 Groupe II Classe VI Serrurerie

Consignes pour l'exécution de la pièce : Porte d’entrée de hall. La porte aux motifs géométriques demandant une grande précision dans les coupes, les pièces étant simplement fixées par vis. Motifs de façade en fer poli surmontés d’un profilé en laiton poli. Le tout sans aucune soudure.

La même année, la réalisation d’un pare-feu est demandée en ferronnerie. Julien est enthousiaste devant le projet.

12e Exposition nationale du travail 1968 Groupe II Classe VII Ferronnerie

Consignes pour l'exécution de la pièce : Pare-feu. Motifs assemblés à mi-fer sans fixation ; avec parfois quatre fers se croisant au même endroit. Motifs travaillés à la fois en fer et en inox. Main courante en inox.

Après de nombreuses nuits blanches et congés passés à travailler, Julien remporte le titre de « Meilleur ouvrier de France » pour la porte et le titre de lauréat pour le pare-feu. Il a 42 ans.

En 2019, Julien Crestey est récompensé pour ses 50 ans de cotisations [5] au sein du groupement des Meilleurs ouvriers de France.

Toujours curieux, grand lecteur de livres techniques et de revues scientifiques, il conservera toute sa vie un goût prononcé pour l’artisanat et les beaux-arts, la mécanique et le travail manuel.

Il meurt le 23 mai 2020 à Saint-Lô, âgé de quatre-vingt-quatorze ans, ses obsèques sont célébrées en l'église Notre-Dame de Carentan le 27 mai suivant. Il est inhumé au cimetière de Carentan [6].

Bibliographie

  • « Crestey Julien », Excellence Normande. Parcours de 100 MOF normands, éd. Art-Culture-France, Caen, 2019, p.58-59

Notes et références

  1. « Fichier des personnes décédées », data.gouv.fr, Insee, année 2020.
  2. « Acte de décès n° 356 - État-civil de Saint-Lô - Fichier des personnes décédées », data.gouv.fr, Insee, année 2020.
  3. Article : « Meilleur ouvrier de France » sur Wikipédia.
  4. Sylvaine Piette, « Du beurre et des briques à Carentan ... », Écritoire, site internet, visites & conférences 2019-2020.
  5. « Deux médailles pour plus de 50 ans de fidélité », Ouest-France, 3 décembre 2019 (lire en ligne)
  6. « Une pensée pour les Meilleurs ouvriers de France disparus », Société Nationale des Meilleurs Ouvriers de France, juillet 2020 (lire en ligne).

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