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Jean-Pierre Pesnelle

De Wikimanche

Jean-Pierre Pesnelle, né à Réville le 28 décembre 1757 [1] et mort à Sainte-Geneviève le 24 mars 1822 [2], est une personnalité politique de la Manche, cultivateur.

Il est maire de Sainte-Geneviève en 1790, de 1793 à 1795, de 1798 à 1800 puis de 1805 à la date de sa mort.

Extrait d'un document familial [3]

Jean Pierre Pesnelle la Berquerie et origine de la Berquerie.

D’après l’abbé Hulmel, en 1668, Nicolas de Hennot est dit sieur de la Berquerie et d’Arreville [4]. Nicolas de Hennot, comme tous les nobles, était soldat [5].

Un acte retrace le partage de ses biens en trois lots fin mai 1691.

  • 1° lot : maison manable [6] d’Arreville, chapelle, etc.
  • 2° Lot : diverses maisons se trouvant dans la basse-cour, etc
  • 3° Lot : les maisons et mesnages de la Berquerie, c’est à dire deux longueurs de maisons se faisant face l’une et l’autre. L’une est une maison manable couverte d’ardoises, l’autre un cellier, grange et étables, couvert avec un bout en pierre, avec chartrie, boulangerie en bout, jardin potager. 2 petits jardins et une allée pour entrer dans un grand jardin à pommiers. Un pressoir, une étable, une grange le tout couvert en paille et une pièce à pommiers 12 vergées (vg) [7], nommée la Grande Berquerie. 3 pièces s’entretenant 15 vg (nommées pièces Varin, le Clos, les Boujoux), une pièce nommée la Brequette (4 vg), et le clos des mares (5 vg), un champ de la campagne (4 vg) et la petite Berquerie (2 vg), le clos Langlois (4 vg) et et le clos de la Champagne. Le Clos neuf (7 vg) et les bouillons en 2 pièces (13 vg). Une maison à usage de cellier et chambres avec jardin potager et pommiers derrière.

Ces trois lots furent répartis entre les descendants de Nicolas de Hennot, mais la propriété n’en fut pourtant pas complètement éclatée puisque Marie Catherine de Hennot la vendit (vers 1740…) à André Langlois, conseiller du Roi, vicomte de Barfleur, seigneur en 1742 de Sainte-Geneviève.

Dans le cimetière de Sainte-Geneviève, on trouve encore le mausolée des Langlois.

Sur le cadastre napoléonien de 1826, la configuration de la Grande Berquerie est assez semblable à celle qu’on constate aujourd’hui.

Il est probable que c’est maître André Langlois qui vendit à Jean Pesnelle (né vers 1700) ou Jean Bonaventure Pesnelle (né en 1721) la Grande Berquerie.

Avec quel argent ont-ils pu acquérir la Berquerie ?

Il est possible que Yves Pesnelle et Anne Le Breuchel, parents de Jean Pesnelle aient disposé d’un certain patrimoine, car on ne passe pas si facilement du statut de simple paysan à celui de Sieur de la Berquerie, mais ces fonds à eux seuls n’y suffirent sans doute pas.

Un acte est enregistré aux Archives de la Manche comme faisant partie du contrat de mariage de Jean Bonaventure Pesnelle et Jeanne Mangon, du fait probablement de la mère de Jean Bonaventure, Jeanne Rouxel.

Rédigé en 1753 devant Guillaume Blondel, notaire à Barfleur, il nous dit ceci :

L’an 1753, le premier jour de février à Valcanville devant nous Guillaume Charles Blondel notaire royal de Barfleur et dépendances soussigné fut présent en personne Maître Bernardin Rouxel de la paroisse de Tocqueville, demeurant et domicilié en la paroisse de la Pernelle lequel a fait et constitué pour son procureur général et spécial en la personnel de Jean Rouxel son fils, auquel il a donné pouvoir pour recevoir par telle personne que ce soit, tant pour les arrérages de rentes, fermages, vente de marchandise ou pour tout autre motif que ce puisse être, donner et expédier quittances et décharges bonnes et valables en cas de contredit et de contestation par les redevables, de les astreindre au paiement des sommes qu’ils peuvent devoir par toutes les voyes de justice, de leur faire remettre des assignations, devant les juges compétents, faire approuver, les convoquer, élire domicile… Etc…

Peut-on en conclure que Bernardin Rouxel, apparenté et peut-être père de Jeanne Rouxel, a fait venir à son lit de mort le notaire de Barfleur, en vue de transmettre à son fils un actif patrimonial conséquent ?

Si tel était le cas, cela pourrait expliquer l’acquisition de la Berquerie par Jean Pesnelle et Jeanne Rouxel son épouse, riche héritière, ainsi que l’édification de la croix du Perron…

Quoi qu’il en soit, Jean Pierre Pesnelle, descendant de Jean Pesnelle, désigné de façon constante en qualité de Sieur de la Berquerie, tient ce titre de la terre noble qu’il a acquise et non de son état propre. Ce fait sera corroboré à la période de la révolution, puisqu’ il sera désigné pour représenter le tiers état lors des états généraux de 1789.

Annexe au texte de l’abbé Hulmel , fait par la Société d’Archéologie de la Manche :

« La Grande Berquerie, belle maison XVIII° Siècle ; En 1829 à Octave Pesnelle la Berquerie. Au début XX ° siècle, à M. Hay, procureur général à Orléans ».

La Révolution

L’Abbé Hulmel nous donne les éléments suivants concernant Sainte Geneviève.

« Michel Pontus, curé de Sainte Geneviève, fut l’un des prêtres désignés par le clergé du Val de Saire pour élire les députés de l’état ecclésiastique au mois de mars 1789.

La Berquerie Pesnelle (Jean Pierre Pesnelle) (sic) fut élu aussi, à Ste Geneviève, comme délégué du tiers état pour élire les députés aux états généraux. »

La vie religieuse sous la révolution intéresse beaucoup l’abbé Humel

« Presque tous les habitants de Ste Geneviève voulaient mourir assistés par un prêtre catholique romain. Quand il y avait un malade à administrer, un mariage à bénir, une première communion à célébrer, on allait à Valognes, même uniquement pour entendre la Ste Messe. » « On célébra la messe dans cinq maisons à Ste Geneviève. Deux d’entre elles étaient comme une église. C’était les demeures de M. Pontus et de Me Pesnel (autre famille) occupées par ses vénérables sœurs (Il avait émigré en Angleterre). M. André Langlois, alors maire, et M. Pesnelle la Berquerie, patriotes modérés, craintifs mais honnêtes, ce dernier procureur de la commune, avertissaient toujours des perquisitions qui devaient avoir lieu. Aucun prêtre catholique ne fut insulté à Ste Geneviève. »

Pourtant l’histoire locale affirme qu’il y eut des dégradations dans l’église sous la Convention. Au passage mentionnons que le curieux clocher disposait d’une flèche jusqu’en 1930, époque où il fut abattu par un orage.

Suit dans la notice une justification de la révolution dont la cause se trouvait selon Hulmel dans les abus manifestes des nobles, plutôt que dans le souhait d’éliminer l’église romaine…


La fin de la Période révolutionnaire, le retour des prêtres.

….le bonheur de la population était grand, mais M. le Maire, M. La Berquerie Pesnel, peureux jusqu’à l’excès (cette narration se fait sous la restauration, donc il faut prendre avec distance cette affirmation), n’osa pas leur permettre de rentrer si tôt dans l’église et ils restèrent, chacun dans leur maison, pendant deux années entières, célébrant tous les jours la messe et n’étant inquiétés par qui que ce soit. Enfin le 8 janvier 1802, anniversaire du jour où il avait quitté Barfleur pour l’exil (pour partir en bateau pour Londres, avec Nicolas Cléret, d’ailleurs), M. Pontus (le curé en question) rentrait heureux dans sa chère église. M. La Berquerie qui avait acheté le presbytère 5 livres (médisance probable…selon Tulard, 5 livres était le prix d’un repas dans une gargotte), le remit généreusement à la commune avec ses dépendances. Il y ajouta même en faveur de M. Pontus, l’usufruit d’un champ appelé « la petite aumône.

Histoire civile et féodale ; Municipalité de Sainte Geneviève à la révolution : notes de l’abbé Hulmel.

1er Maire : Jean Dagier ( une famille noble…)
2e Maire : André Langlois
3e Maire : Jean-Pierre Pesnel, dit la Berquerie

La consultation des actes d’État civil montre bien une curieuse alternance de ces trois personnages à la tête de la commune, l’un devenant parfois adjoint, puis maire, puis redevenant adjoint.

Procureurs de la Commune :

1er Louis Caillet
2e Jean Pierre Pesnel.


Avant d’engager la chronique postérieure à la période révolutionnaire, revenons un instant sur Jean-Pierre Pesnelle et son épouse.

Le siècle de Jean-Pierre Pesnelle ne dura que soixante-quatre ans. Il fut fort agité, puisqu’il comprit le siècle des Lumières, la Révolution française, la période napoléonienne et la restauration.

Malgré les propos désobligeants repris par l’Abbé Hulmel, on peut aussi penser que le parcours de notre ancêtre fut fort honorable et qu’il a su, certes en usant avec une certaine habileté des revirements de situation, conserver la confiance de ses concitoyens.


Patriote, mais aussi vigilant sur ses intérêts, il fit l’acquisition de plusieurs biens nationaux, ce qui était assez bien vu à l’époque car cela permettait de contribuer à renflouer les caisses de l’Etat, mises à mal par les troubles révolutionnaires.


Pendant la Révolution, plusieurs régimes s’appliquèrent à la désignation des maires, par application des dispositions de la Constitution en cours, puis sous le Directoire. Ceux-ci étaient, soit élus, mais avec un régime censitaire, soit carrément désignés par le Directoire de District. Il va de soi que le fait de savoir écrire était un avantage et d’autre part Sainte Geneviève ne comprenait que 150 feux, la concurrence n’était pas bien rude et se faisait toujours avec les mêmes, Dagier et Langlois. C’est un certain Marois qui lui succéda en 1822.

D’autre part le pouvoir était partagé entre les fonctions de Maire et de Procureur de la Commune.

Qu’est-ce qu’un procureur syndic ?

A la division de la France en Départements, chacun d’eux eut un procureur-syndic représentant le pouvoir judiciaire. Il y eut un procureur général syndic au niveau départemental, un procureur syndic par district et, au niveau de la commune, la maire exerça les fonctions de procureur syndic. Elus en même temps que les administrations de leur niveau, les procureurs syndics restaient quatre ans en fonction et ne pouvaient être réélus qu’après un délai de quatre ans. Ils assistaient aux assemblées générales des administrations départementales et de district où ils n’avaient que voie consultative. Ils furent supprimés par la constitution de l’an III (1795) qui les remplaça par des commissaires du pouvoir exécutif. (Tulard, Fayard, Fierro).

En quelque sorte, le procureur était chargé d’un pouvoir de police, ce qui explique qu’il n’ait pas voulu en 1802 alimenter des querelles intestines en autorisant un retour dans l’église des prêtres, retour qu’il jugeait prématuré.

Car en fait la révolution de 1789 trouva son origine sur les injustices fiscales, les privilèges, dont les prêtres, en dehors de « ceux réduits à la portion congrue », tiraient aussi avantage.

Jean Tulard nous explique fort bien que les Etats généraux furent convoqués avec l’appui des privilégiés qui voulaient obtenir du roi le maintien de leurs avantages, et que c’est la réunion des trois corps en une seule assemblée qui permit au tiers état, majoritaire en nombre, de faire valoir ses doléances.

A ce propos, et puisque La Berquerie Pesnel (Jean Pierre Pesnelle) fut désigné comme député de la commune à l’assemblée préliminaire du baillage secondaire de Valognes, qui se tînt le 9 mars 1789 dans le couvent des Cordeliers, afin de faire valoir les demandes de la population de Sainte Geneviève, voyons un peu ce qui figurait dans celui de Sainte Geneviève :

Le travail préparatoire eut lieu le 1° mars 1789. 16 comparants avaient été convoqués qui procédèrent à l’élection de Langlois le Vicomte et de La berquerie Pesnelle pour les représenter ultérieurement (les cahiers de doléances furent collectés par étapes successives, commune, bailliage, département)

La communauté du tiers état de Sainte-Geneviève profitant avec respect et reconnaissance de la plus vive liberté que veut bien lui donner le meilleur des rois, de lui faire parvenir en l’Assemblée des états généraux ses plaintes et doléances relativement à ses lettres de convocation (etc…)

(A noter que la commune de Barfleur engagera sa propre rédaction avec plus d’ironie et moins d’obséquiosité…).

Je résume ci-dessous les différentes doléances.

1re) retour périodique de la convocation des états généraux
2e) retour à la convocation des états provinciaux, la Normandie n’en étant privée que depuis quelque temps.
3e) aucun impôt sans le consentement de la nation assemblée
4e) que les moyens d’acquitter les dettes de l’état soient décidés par la nation assemblée.
5e) que l’on fasse supporter les impositions par tous les ordres et sur un seul rôle !
6e) augmentation des « portions congrues » des prêtres desservants afin qu’ils puissent aider les pauvres de leur paroisse.
7e) supprimer le « déport » des prêtres (les prêtres quittant leurs paroisses, mais persistance des dîmes)
8e) réparation et même construction des bâtisses de la paroisse à la charge des curés.
9e) que les habitants qui paient une certaine imposition, et qui détiennent de ce fait des deniers de sa majesté, puisse détenir un fusil
10e) supprimer l’usage de forcer les milices tant par terre que par mer.
11e) que l’on réforme l’abus singulier qui permet aux paroisses riveraines de la mer de bénéficier seules des trois premières marées de coupe du varech, alors que les autres communes non riveraines contribuent à tout le service qui se fait sur les côtes (pour corroborer cet usage, notons que deux râteaux à varechs figurent dans l’inventaire de succession d’Octave II).

Où l’on voit bien que les récriminations financières sont bien au cœur des cahiers des doléances !

Ainsi donc la famille Pesnelle, depuis l’édification de la Croix du Perron et l’acquisition de la Berquerie avait acquis un certain ascendant sur Sainte Geneviève.

Jean Pierre Pesnelle, après la période révolutionnaire et même sous la Restauration continuera ses fonctions de maire et d’officier d’état civil.

Ce n’est pas lui qui enregistre le décès de son épouse, Marie Françoise Trohel, en 1816, à l’âge de cinquante-huit ans, mais son adjoint, Langlois. Et il reprend ses fonctions immédiatement. Par son dernier acte, il enregistre le mariage de Clément Rouxel et d’Eugénie Lalande, le 24 mars 1822. Il décède deux jours plus tard le 26 mars, âgé de soixante-cinq ans.


Marie Françoise Trohel de Longpré, son épouse était née en 1758 dans le village de Teurthéville-Bocage.

Il existe un petit hameau « Trohel », un peu à l’écart du clocher de Theurthéville, dans lequel probablement Marie Françoise habitait. Les quelques maisons qui se trouvent là y étaient déjà sans doute.

Notes et références

  1. « Acte de baptême - page 16/20 » - État civil de Réville.
  2. Acte de décès - État civil de Sainte-Geneviève .
  3. rédigé par un descendant, Philippe Pesnelle
  4. Arreville (jusqu’à la première moitié du XIII° siècle) est un fief avant de s'appeler Sainte-Geneviève, nom de la paroisse
  5. officier de la reine Anne d’Autriche
  6. en Normandie, une maison d’habitation, par opposition aux étables, écuries etc.
  7. Une vergée (vg) équivalait à 2000 M², et c'est toujours le cas.

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