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Hôpital de Villedieu

De Wikimanche

L'hôpital de Villedieu-les-Poêles.
Vue ancienne.

L'hôpital de Villedieu-les-Poêles est un établissement public hospitalier de la Manche situé à Villedieu-les-Poêles-Rouffigny.

Histoire

Le testament de Jean Gasté et la fondation de l’hôpital de Villedieu

Le 30 juin 1714, Jean Gasté, bourgeois de Villedieu (dinandier, 1660-1715) fait don devant Louis René Nicolle notaire royal d’une maison et d’un jardin « ladite donation destinée pour patrimoine inaliénable en faveur desdits pauvres ».

Ce pieux sourdin est membre de la confrérie du Très Adorable Sacrement de l’Autel, confrérie très religieuse qui sera à l’origine du Grand Sacre.

Jean Gasté est un lettré, des ouvrages religieux figurent dans la liste de ses biens. Il demandera à être inhumé sous la dalle marquant l’entrée de l’église Notre-Dame de Villedieu, marquant ainsi sa très humble dévotion.

Le 6 mars 1715, il exprime ses volontés quant à ses biens mobiliers dans ce testament olographe :

« mercredi des Cendres sixième jour de mars mil sept cent quinze tant devant qu’après midi à la plus grande gloire de la très sainte Trinité père et fils et Saint-Esprit un seul Dieu en trois personnes ; Je soussigné Jean Gasté, marchand bourgeois de Villedieu, qui de ma libre et franche volonté connaissant la certitude de ma mort, et pour prévenir l’incertitude de son heure, et préparer à mon âme en qualité de chrétien catholique les voies de mon salut avant même que de tomber dans ma dernière maladie de laquelle s’ensuivra la dissolution duelle dans mon corps, j’ai ordonné et disposé du général de tous mes meubles et marchandises par le présent mon testament olographe de ma propre main et signature, non sujet à aucune révocation ainsi qu’il s’ensuit :

Premièrement, je veux et entends qu’après mon décès il soit célébré tant pour le repos de mon âme que pour celles de mes père et mère, parents et amis tant vivants que trépassés et pauvres âmes abandonnées et pour tous les marchands tant vivants que trépassés avec lesquelles j’ai trafiqué pendant mon vivant, [à] savoir le nombre de quatre mille messes basses à raison de sept sols de rétribution pour chacune d’elles pour les ecclésiastiques qui les diront et les célèbreront dans l’église Notre-Dame de Villedieu, espérant le suffrage tant de Sieur Curé et des ecclésiastiques le nombre de deux mille messes, et mille au couvent des Capucins d’Avranches, et les autres mille messes au couvent du Mesnil-Garnier.

[Idem] je veux et entends que tout ce que j’ai de tableaux qui sont utiles à l’ornement du grand autel ainsi que vingt-deux pots d’airain et les bouquets compris, parce qu’il en sera pris et détaché

Et six tableaux et autant de pots avec les bouquets pour l’ornement de la Chapelle du Saint-Rosaire et autant pour l’ornement de la chapelle Sainte Anne, de plus je donne mon reliquaire ainsi que huit torches dont il y en a et six de bois et deux d’airain pour l’ornement dudit grand autel, je veux aussi et entends qu’après les droits et salaire desdites messes payées à raison de sept sols comme dit [illisible] les frais de mes obsèques et funérailles pris et levés avec la somme de quarante livres que je veux qui soit distribuée aux pauvres le premier vendredi d’après mon décès, de la très Sainte Vierge, charge aux pauvres qui s’y trouveront de dire chacun un Pater et un Ave en l’honneur et mémoire de la Sainte Passion de notre Seigneur Jésus Christ pour le repos de mon âme et le surplus qui pourra demeurer après les charges ci-devant payées, tant en marchandises que outils et ustensiles de mon métier [à]savoir enclume, marteaux, bigornes, tasseaux et boulettes, seaux, six tasseaux et quatre boulettes et autres outils servant à mon dit métier, ainsi que mes habits, linge et autres meubles meublants restant de quelques espèces, qu’ils puissent être lequel surplus y demeurera. Je veux et entends que les deniers qui en proviendront soient distribués auxdits pauvres honteux.

Je prie Monsieur le Curé de ce lieu que mon corps soit inhumé au pied de la première marche comme on entre du portail dedans l’église et je souhaite que mon corps soit, pour être inhumé dans ladite place, porté par quatre pauvres auxquels on donnera chacun vingt sols et le tout sans que le présent soit préjudiciable au contrat de la donation de mes immeubles passé devant Louis René Nicolle notaire en ce lieu. Et je n’entends point ni ne veux qu’aucun inventaire de mes dits meubles soit fait ni qu’il en sorte aucun hors ma maison ni qu’il en soit disposé que sur la place même et par l’ordre de l’exécuteur du présent mon testament, espérant que toutes mes dispositions selon mes vœux de tout temps seront faites selon l’esprit du Seigneur espérant mourir en bon chrétien selon la foi de l’église dans laquelle sont morts les saints apôtres et tous les autres saints leurs successeurs qui ont voulu suivre les maximes du Saint Evangile dans notre Sainte Religion la seule véritable en foi de quoi après que j’ai derechef examiné, lu et relu mot après autre, mon présent testament je [l’ai] signé voulant qu’il soit exécuté de point en point. Signé Jean Gasté.

[…] mardi le neuvième jour d’avril mil sept cent quinze après avoir derechef lu et relu mon testament ici attaché en l’autre part de ma propre main et signature et de ma propre liberté et volonté en plein jugement et délibération par le grand dieu et y avoir fait de sérieuses réflexions devant sa divine majesté, je déclare persister au contenu de mon dit testament olographe en date du sixième jour de mars dernier en exécution duquel je prie maître Pierre Pitel prêtre, Étienne Huard, Huber [illisible] et Jean Gadin, d’être les exécutions de mon dit testament leur donnant seulement pouvoir qu’en cas où par mon décès il se trouverait personnes solvables qui voudraient se charger à constitution de la valeur de deux milles des messes portées audit testament icelles marquées à sept sols, en iceluy la dite valeur audit cas soit baillée à ladite personne pour en être le revenu des arrérages appliquée aux pauvres jusque à ce que la bourgeoisie ne vienne à la construction de l’hôpital dont il est parlé en mon testament, auquel cas j’entendrais que ladite rente pour à audit hôpital par la droite de préférence en faisant toutefois ladite bourgeoisie, ledit hôpital dans quatre ans du jour de ma mort au plus tard, autrement qu’il ne se fasse ni constitue ni hôpital, j’entends que les autres milles messes soient célébrées et [illisible] au terme de mon testament sur date pour ne valoir qu’un seul et même avec le présent et par savoir par moi lu et relu l’un et l’autre mot après autre auquel je persiste comme ma dernière volonté, fait aux présences de maître Etienne Engerran et Gadin noms et paraphes. »

Acte notarial dressé après la mort de Jean Gasté, survenue le 1er mai 1715

« Du deuxième jour de mai mil sept cent quinze à Villedieu devant nous Louis René Nicolle notaire royal dudit lieu et paroisses soussigné s’est présenté maître Pierre Pitel prêtre bourgeois de ce lieu lequel en la présence et du consentement d’Étienne Huard, Huberdierre et Jean Gadin les landelles bourgeois de ce dit lieu tous nommés exécuteurs testamentaires de défunt Jean Gasté bourgeois de cedit lieu, nous a déposé le présent testament et reconnaissance d’icelui en trois rolles contresignés dudit sieur Pitel prêtre pour être mis en forme exécutoire et en être délivré grosse aux parties qui le requerront et ont estimé que la valeur des biens dudit Jean Gasté est de trois à quatre milles livres ce qu’ils ont signé aux présence de Julien Legentil de la paroisse de Gavray, et Pierre Blanchard de la paroisse de Ver, temoins, signés après lecture faite avec lesdits sieurs Pitel prêtre, Huard et Gadin, et nous dit notaire à la minute du présent est contrôlée à Villedieu aux lettres ces [illisible].

À Villedieu le septième jour de mai mil sept cent quinze par Lechartier commis qui a reçu dix-neuf livres seize sols le présent délivré audit sieur Pitel pour lui servir et valoir ainsi qu’il appartiendra selon l’ordonnance,

Scellé le dix mai 1715 pour six feuillets dont le présent compris ».

La construction

Le dimanche 20 décembre 1716 est décidée création d’un hôpital général « pour la subsistance des pauvres ».

La construction de l’hôpital aurait débuté le 4 juin 1717, la pose de la première pierre ayant eu lieu le [[ 1716.

Le 29 août 1718 « l’hôpital n’est pas encore achevé de bâtir, et la chapelle n’est pas encore faite », indique un document de Louis René Nicolle, notaire royal, à l’occasion d’un don de 111 sols de la veuve de maître Gilles Lemaître. Puis de nombreux dons sont faits, comme celui du 8 décembre 1724 de Mlle Dubourney de 1 000 livres « pour l’instruction des jeunes filles au sein de l’hôpital. » L’actuelle rue Jean Gasté s’appelait au XVIIIe siècle la rue Jacquemin[1], et l’hôpital se trouvait au lieu-dit de Paradis. Les jeunes femmes y recevront un enseignement et on y fabriquera de la dentelle notamment durant le XIXe siècle (cf texte ci-après). Un nouvel établissement sera inauguré en 1909 en lieu et place de cet hôpital d’ancien régime.

Lettre du 9 novembre 1777, à Caen, auteur inconnu

« Les administrateurs de l’hôpital de Villedieu, au diocèse de Coutances, supplient sa Majesté de leur permettre d’acquérir cinq à six arpents de terre voisins de cette maison, de valeur d’environ 6 000 livres.

Ils demandent aussi d’être autorisés à acquérir soit par donation ou autrement jusqu’à la concurrence de 3 000 livres de revenus en biens, fonds ou rentes sur particuliers. L’établissement de l’hôpital a été confirmé par Lettres Patentes du mois d’août 1735, elles portent la permission d’accepter tous dons, legs et gratifications, soit par testament, donation entre vif et de quelque manière que ce soit, mais l’Édit de 1749 ayant, peu de temps après, défendu aux gens de mainmorte[2] les acquisitions de toute espèce d’immeubles, l’hôpital de Villedieu est resté avec des revenus très médiocres, ils montent à peine à 800 livres par an.

Les administrateurs représentent qu’ils n’ont pu même acquérir quelques arpents de terre qui bornent l’hôpital et qui seraient nécessaires pour y former une enceinte, en sorte que les bâtiments sont demeurés imparfaits.

C’est pour remédier à ce premier inconvénient qu’ils demandent la permission d’acquérir ces terrains dont la valeur est d’environ 6 000 livres.

Mais ils représentent en outre qu’avec le peu de revenus dont jouit l’hôpital de Villedieu, ils sont hors d’état de fournir les secours nécessaires aux habitants que les circonstances particulières rendent plus indispensables encore dans cet endroit que dans les autres villes du Royaume, et qu’ils se voient hors d’état d’augmenter leurs revenus, parce que les prohibitions portées par l’édit du mois d’août 1749 empêchent les donations qu’on voudrait faire à cette maison.

Ils observent que les habitants de Villedieu dont les plus riches jouissent d’une fortune très bornée, sont hors d’état de faire des donations en argent, que lorsque leur piété les porte à faire des legs à l’hôpital, ce ne peut être que de quelques fonds de terre, ou de rentes sur particuliers, et qu’étant prévenus que ces donations ne sont pas permises, leurs bonnes intentions restent sans effet.

Que la déclaration de 1762 permet à la vérité aux hôpitaux d’accepter des donations en immeubles à la charge de les vendre dans l’année, mais que cette obligation est presqu’impossible à remplir, surtout à l’égard des rentes constitués pour lesquelles on ne trouve pas d’acquéreur.

Monsieur l’Intendant de Caen a qui le mémoire des administrateurs de l’hôpital de Villedieu a été communiqué suivant l’usage, entre dans des détails assez étendus sur l’utilité de cet établissement et sur la nécessité de venir à son secours. Suivant les éclaircissements qu’il a envoyés, le bourg de Villedieu est extrêmement peuplé, mais il y a en même temps beaucoup de pauvreté.

Les ouvrages en cuivre qui sont presque la seule occupation des habitants sont pernicieux à ceux qui les exécutent, presque tous les ouvriers sont affligés, après un certain espace de temps, des maladies de nerfs et des maux de poitrine qui les mettent ordinairement vers l’âge de 50 ans dans un état de langueur et d’affaiblissement qui les jette bientôt dans la plus cruelle misère.

Presque tous les ouvriers finissent par n’avoir d’autres ressources que celles de l’hôpital, et comme ils meurent ordinairement dans un âge peu avancé, il y a dans le bourg de Villedieu et aux environs une foule d’orphelins qui demeurent à la charité publique. À cette considération, qui prouve la nécessité de soutenir l’hôpital de Villedieu, monsieur l’Intendant ajoute que ce bourg communiquant avec la haute Normandie et la Bretagne, c’est le point de réunion des différents ports de mer tels que Dieppe, Honfleur, Le Havre, Granville et Saint-Malo, et que c’est la route fixée par les troupes de terre et de mer.

Que cette situation met l’hôpital de Villedieu dans la nécessité de recevoir chaque année un grand nombre de soldats et de matelots qui tombent malades en route, et que cette charge diminue encore les ressources que les habitants pourraient trouver dans cet hôpital.

Monsieur l’Intendant confirme l’observation faite par les administrateurs sur l’espèce d’impossibilité où l’édit du mois d’août 1749 met les habitants de Villedieu de faire des donations à cette maison.

Il pense que les vues de cet édit qui ont été de réprimer le trop grand accroissement des gens de mainmorte, ne peut guère s’appliquer à un établissement aussi nécessaire pour le soulagement des hommes, que l’hôpital de Villedieu.

Il pense donc qu’il serait de la bonté du Roi d’accorder aux administrateurs de cet hôpital la permission d’acquérir des immeubles jusqu’à concurrence de 3 000 livres de revenu.

Il croit que les administrateurs ne parviendront pas promptement à remplir l’objet de cette dotation nouvelle, mais il est persuadé que cette faveur les mettrait dans le cas de profiter insensiblement de la bonne volonté des personnes charitables qui sont dans la disposition de soutenir cet établissement.

Si le roi se porte à faire grâce à l’hôpital de Villedieu, Monsieur l’Intendant propose d’y joindre l’établissement d’une manufacture de dentelles, de filature de coton et d’autres ouvrages auxquels on pourrait occuper les orphelins qui sont grand nombre dans cet endroit comme on l’a déjà dit ci-devant. »

Sources : Archives départementales de la Manche, ED 119 Villedieu-les-Poêles, Archives nationales, M_17

Manufacture de dentelles

À la fin du XVIIIe siècle, une filature de coton est créée, « qui occupe une trentaine de filles, pour la plupart infirmes » [3]. Pour accroître les revenus, une manufacture de dentelle est installée [3]. Elle cesse de fonctionner en 1881 [3].

L'hôpital aujourd'hui

L'hôpital appartient désormais à la catégorie « hôpital local ».

La capacité actuelle des services est :
- Médecine : 15 places
- Moyen séjour : 8
- EHPAD (personnes dépendantes) : 105
- SSIAD : 40

La présidente de l'établissement est la conseillère municipale Marie-Odile Lauranson. La commission médicale de l'établissement est présidée par le Dr Yves Sesboué.

En 2016, il intègre le Groupement hospitalier Mont-Saint-Michel[4].

En 2024, il doit être absorbé par l'hôpital de Granville qui en assure la direction depuis 2020 [5].

Administration

Adresse : 12, rue Jean-Gasté
50800 Villedieu-les-Poêles-Rouffigny

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Notes et références

  1. La rue Jacquemin, rebaptisée rue de l’hospice, se change en rue Jean Gasté en 1905 (délibération du conseil municipal du 20 novembre 1905).
  2. L’expression « gens de mainmorte » désignait les personnes morales (églises, communautés…)
  3. 3,0 3,1 et 3,2 « À l'hôpital, on fabriquait aussi de la dentelle », Ouest-France, 6 janvier 2018.
  4. « Le groupe hospitalier condamné à réussir », Ouest-France, 19 janvier 2017.
  5. Dylan Dupray, « L'hôpital fusionnera avec celui de Villedieu », Ouest-France, 17 avril 2023.