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Gendarmerie de Saint-Clair-sur-l'Elle

De Wikimanche

Il était une fois . . . une brigade, celle de Saint-Clair-sur-l'Elle.

Il n'y a pas d'avenir sans passé . . .

La gendarmerie, vieille institution du pays, a connu bien des noms, bien des régimes et bien des batailles . . .

Celle-ci doit son efficacité, entre autres choses, à son implantation sur tous les cantons du territoire.

Le passage d'une brigade de gendarmerie n'est pas sans laisser de traces dans les lieux où elle a agi. Témoignage émouvant du vécu de nos anciens.

Voici un aperçu de l'histoire d'une brigade qui a traversé les siècles . . . la brigade territoriale de Saint-Clair-sur-l'Elle

La brigade de Saint-Clair-sur-l'Elle étend son activité sur un canton de 13 623 hectares. Implantée au Nord-Ouest de l'agglomération de Saint-Clair-sur-l'Elle, elle se situe à onze kilomètres de la ville préfecture Saint-Lô.

Les premiers témoignages recueillis quant à l'origine de cette brigade sont le résultat de déductions et de recherches dans de nombreuses archives.

Prévôté

À l'origine, la gendarmerie a un rôle de prévôté. Elle est formée de troupes de sergents, de maréchaux, s'occupant alors des délits de gens de guerres : trahisons, désertions, malversations en matière militaire.

À à la fin du 14e siècle et au début du 15e, ces troupes deviennent les premières compagnies de maréchaux, réglées et soldées, composées d’archers (1501).

En 1514, la justice prévôtale s'étend aux gens de guerre de garnison.

En 1536, sous François 1er, la Maréchaussée reçoit des attributions civiles. (Édit attribuant les crimes de grands chemins, que les auteurs soient civils ou militaires).

En 1566, sous Charles IX, la Maréchaussée est subordonnée au pouvoir judiciaire (ordonnance des moulins).

En 1660, sous Louis XIV, le roi enjoint à la Maréchaussée de faire en sorte que les campagnes soient en sûreté et les grands chemins rendus libres.

À cette époque nous retrouvons les premières traces de l'implantation de la brigade. Un des éléments importants, riche en indications quant à l’histoire locale, est l'implantation sur le canton de l'abbaye Saint-Vigor à Cerisy-la-Forêt, édifiée au XIe siècle.

En 1660, la Maréchaussée, a un rôle prévôtal, de ce fait, elle est implantée dans les villes et villages de garnison.

Dans les registres d'état civil des 16e et 17e siècles de Cerisy-la-Forêt, plusieurs actes de décès de dragons sont enregistrés. Y figurent aussi quelques actes de mariages de dragons ou de baptêmes de leurs enfants. Ceux-ci permettent d'en déduire qu'un corps de cette arme existe en cette commune.

Maréchaussée

La maréchaussée à Cerisy-la-Forêt au 16e et 17e siècle.

Cette compagnie de maréchaux est installée dans l'enceinte de la ferme de l'abbaye, là où les "gens de robes" rendent la justice.

Le principal homme de cette institution religieuse est le cardinal de Mazarin, célèbre homme d'état (1602-1661).

Bien qu'il en touche le revenu, ce cardinal préfère la compagnie de la cour à celle des moines. Il ne paraît que très rarement en cette abbaye.

La salle de justice et sa cellule attenante ont traversé les siècles, subissant invasions et incendies. Celles-ci sont encore visibles de nos jours.

De la prison de la "brigade de l'époque", il ne reste plus que le linteau ornant l’entrée sur lequel on peut lire :

« TREMBLEZ, TREMBLEZ DIABLES D'ENFER, AUSSITÔT QU'EN PRISON ON VOUS TRAINERA, VOS BRAS SERONT LIES DE LOURDES CHAINES DE FER ET VOUS LES PORTEREZ TELS ET VOUS APPRENDREZ A CHICANER »

La salle des aveux est contigüe à la salle de justice et à la cellule de l'abbatiale.

De nombreux graffitis ornent les murs de la geôle. On remarque qu'il en existe deux niveaux. En effet, au 16e siècle, les prisonniers portent comme le rappelle l'avertissement vu précédemment… « de lourdes chaînes de fer ». Les prisonniers ainsi très limités dans leurs mouvements, ne peuvent sculpter qu'à une petite hauteur des motifs très simples.

Au 17e siècle, ils deviennent libres de leurs mouvements dans les cellules, n'ayant plus à supporter les chaînes. Toutefois, la paille, ajoutée jour après jour sur le sol du cachot, entraîne l'élévation du sol. Cette litière n’est pas changée.

La conséquence de la liberté de mouvement des prisonniers, associée à l'élévation du sol est nettement visible. En effet, les dessins ou graffitis sont de plus en plus élevés, plus travaillés et expressifs.

En 1758, les patrouilles journalières à deux cavaliers sont instituées.

En 1778, 800 brigades sont créées. Elles prennent l'appellation d'"Hôtel de la Maréchaussée".

En 1789. la Révolution française amène un bouleversement du pays. La maréchaussée en ressent bien entendu les conséquences tant dans son organisation que dans sa dénomination.

Gendarmerie nationale

Le 16 février 1791, la maréchaussée devient la Gendarmerie nationale. Elle passe de 800 à 1 300 brigades.

La brigade de Bérigny (1851-1864)

Le 20 mars 1851, par décision ministérielle, une brigade est créée sur le canton de Saint-Clair-sur-l'Elle.

Elle est implantée à Bérigny dans un ancien relais. Alors composée d'un brigadier et de quatre gendarmes, cette unité est encore une brigade à cheval.

Le bâtiment existe toujours en bordure de l'axe Saint-Lô/Bayeux (RD 972), au lieu-dit « La Gendarmerie ».

Le temps n'a pas effacé les matricules des chevaux gravés dans le bois des portes. Malheureusement, bien que d'époque, ces portes ont été repeintes, voilant ainsi les matricules.

La cellule, qui se situe toujours sur les arrières du bâtiment principal, est devenue depuis une laverie à usage familial.

De nombreux graffitis, œuvres des pensionnaires de l'époque, sont remarquables dans leur spécificité ; ils ont tous un rapport avec la marine. Il s'agit de dessins représentant des bateaux, des corsaires et autres. La raison en est simple. À cette époque, la région cerisyaise est productrice de chanvre destiné à la fabrication des cordages de bateaux. Des marins viennent ainsi travailler dans la région et pour quelques uns, séjourner en cellule.

Le rôle principal de cette brigade, est de surveiller d'une part, la forêt domaniale de Montfiquet (Calvados), refuge de nombreux malfaiteurs, d'autre part, la route de Saint-Lô / Bayeux, déjà très fréquentée bien qu'elle n'offre qu'une sécurité toute relative au passage de Montfiquet.

La brigade de Bérigny assure souvent, les armes à la main, la liberté de ce passage.

En 1864, la brigade de Vaubadon (Calvados) est transférée à Balleroy (Calvados), à proximité du passage redouté. La garde de la forêt est confiée à des agents spéciaux et enfin le roulage et la circulation des piétons ayant diminué, les gendarmes de Bérigny deviennent moins indispensables. Le Gouvernement en profite pour donner satisfaction à Saint-Clair qui réclame la brigade depuis longtemps.

La brigade revient à Cerisy-la-Forêt (1864-1885)

Par décision du 5 août 1864, le Ministre de la guerre décide que la brigade de Bérigny soit transférée à Saint-Clair-sur-l'Elle. Cette décision ne reçoit pas une entière satisfaction, faute de bâtiments libres, la commune de Saint-Clair ne peut loger les gendarmes. La commune de Cerisy-la-Forêt qui, brigue l'honneur d'être chef-lieu de canton, profite de l'imprévoyance de sa rivale pour arrêter au passage la brigade de Bérigny. Elle la loge, après bien des péripéties, dans plusieurs bâtiments tous plus défectueux les uns que les autres.

La brigade à la Bouteillerie

La brigade est transférée à Saint-Jean-de-Savigny (1885-1976)

En 1885, la commune de Saint-Clair fait de nouvelles démarches pour avoir la brigade qui se trouve aux confins de la circonscription. Elle réussit, mais à demi seulement, faute encore d'immeubles disponibles Les gendarmes sont installés, par décision ministérielle du 16 février 1885, dans la commune de Saint-Jean-de-Savigny, au village de la Bouteillerie, le 24 juin 1885, à 800 mètres environ du bourg de Saint-Clair.

Depuis cette époque, la brigade a toujours occupé le même casernement. Les cinq hommes de cette brigade (un brigadier et quatre gendarmes) sont installés à Saint-Jean-de-Savigny. Il s'agit d'une « brigade à cheval ».

La maison affectée au casernement est la propriété de M. Armand Dhermilly. Un bail de dix-huit années est passé à compter du 24 juin de cette année.

A cette époque, la brigade surveille les communes de : Saint-Clair-sur-l'Elle, Airel, Bérigny, Cerisy-la-Forêt, Couvains, La Meauffe, Moon-sur-Elle, Saint-Georges-d'Elle, Saint-Jean-de-Savigny, Villiers-Fossard.

En 1901, de brigade à cheval, cette unité devient brigade à pied.

Le 18 juin 1940, les Allemands entrent dans Saint-Clair-sur-l'Elle qui n’est libérée que le 17 juillet 1944 par les fantassins américains de la 29e division d'infanterie débarquée à Omaha Beach le 6 juin 1944.

Le 9 septembre 1975, un drame bouleverse la quiétude de la brigade. En effet, vers 9 h, à Moon-sur-Elle, alors qu'il s'apprête à raisonner seul un individu en proie à une crise éthylique et rendu dangereux pour son entourage, le gendarme Henri Jacq, 27 ans, est mortellement blessé par une décharge de fusil tirée par le forcené.

Enfin la brigade arrive au chef-lieu de canton (1976-actuel)

Le 31 mai 1976, la commune de Saint-Clair-sur-l'Elle, chef-lieu de canton, parvient enfin à obtenir le transfert de la brigade dans ses murs sur son territoire...

1989 : L'arrestation de Francis Heaulme

En juin 1989, les gendarmes de Saint-Clair-sur-Elle arrêtent Francis Heaulme lors d'un contrôle routier. Il est interrogé sur place par Jean-François Abgrall, de la section de recherches de la gendarmerie de Rennes comme potentiel témoin du meurtre d'Aline Pérès, aide-soignante de 49 ans, poignardée et égorgée sur la plage du Relecq-Kerhuon, près de Brest le mois précédent[1].

Le tueur en série est alors encore inconnu de la justice et n'est pas soupçonné du crime, mais Heaulme raconte au gendarme ses pulsions sexuelles et mime un meurtre correspondant au mode opératoire de l'assassinat d'Aline Pérès. Malgré les certitudes de Jean-François Abgrall, aucune preuve ne met en cause Heaulme, qui donne un alibi et est relâché. Heaulme sera finalement condamné pour ce meurtre en 1994. Il est reconnu coupable de 10 autres meurtres, commis entre 1984 et 1992[1].

Notes et références

  1. 1,0 et 1,1 Histoires incroyables du Cotentin, La Presse de la Manche, 2021.