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Discours de François Hollande au Mont-Saint-Michel (2015)

De Wikimanche

François Hollande lors de sa visite au Mont-Saint-Michel, le 31 octobre 2015.

Discours de François Hollande au Mont-Saint-Michel

Texte officiel du discours de François Hollande, président de la République, prononcé au Mont-Saint-Michel le 31 octobre 2015 lors de la cérémonie marquant la fin officielle des travaux de l'Opération de rétablissement du caractère maritime du Mont-Saint-Michel.

« Mesdames, messieurs les ministres,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Monsieur le président du Conseil régional de Basse-Normandie,
Monsieur le président du Conseil régional de Bretagne, Mesdames et messieurs représentant le département, à la fois celui ici de la Manche et également celui de l’Ille-et-Vilaine,

Je veux aussi saluer le président qui fait que nous avons pu être accueillis, c'est-à-dire le Centre des monuments qui, grâce à Philippe Belaval, connaît une dynamique particulièrement remarquable.

Et puis messieurs les maires et monsieur le maire du Mont-Saint-Michel,

Vous nous avez décrit votre commune. Ce n’est pas la plus grande de France, ni par sa population ni par sa superficie, mais c’est la plus connue de France avec Paris. Car vous avez ici un monument, un patrimoine, un site exceptionnel. Vous y habitez mais vous en avez aussi la responsabilité. Vous devez lui garder – avec les élus qui vous accompagnent et ils vous ont bien accompagné – ce caractère singulier, unique au monde.

Vous devez avoir la solidarité de l’État, vous la réclamez, vous n’êtes pas d’ailleurs le seul mais vous avez des raisons. Car c’est une immense fierté pour le Président de la République que de venir ici, au Mont-Saint-Michel, d’être saisi comme chacune et chacun d’entre vous-même après plusieurs visites par la même émotion, ce sentiment d’être habité par l’esprit qui anime ce lieu. Sans doute celui qui a conduit les bâtisseurs à aller au-delà même des possibilités qui étaient laissées à l’œuvre humaine.

L’esprit de tous ceux et de toutes celles qui sont venus ici des siècles durant s’imprégner de la magie de l’édifice, de l’abbaye pour continuer leur chemin vers leur destinée. Ces générations successives qui ont fait que le Mont-Saint-Michel était à la fois un but parfois inaccessible et, en même temps, une plénitude chaque fois que l’on pouvait y accéder.

Fierté aussi parce que les aménagements qui y ont été faits, qui ont été rappelés par le président Beauvais et qui ont été décidés il y a plus de 20 ans et menés à bien grâce au travail de tous, au-delà des sensibilités, des alternances et des territoires, ces aménagements ont donné encore à ce lieu une possibilité d’accès, mais surtout un rétablissement de ce qu’il avait toujours été.

Depuis 1 300 ans, le travail des hommes a ici prolongé celui de la nature, en faisant grandir une abbaye aux confins de la Normandie et de la Bretagne pour s’élever le plus haut possible vers le ciel.

Victor Hugo avait raison, c’est ici une pyramide, une pyramide naturelle coiffée d’une cathédrale. Le Mont-Saint-Michel est l’un des plus hauts lieux de la spiritualité européenne, et c’est aussi le sens de la participation de la Commission européenne aux travaux d’aménagement, l’un des plus célèbres sanctuaires de la chrétienté et un des monuments les plus visités au monde.

Comme il a été hélas rappelé, le Mont-Saint-Michel s’était lentement ensablé. Et si rien n’avait été fait et entrepris, cette île serait devenue une colline, une colline majestueuse mais une colline. Il fallait donc redonner au Mont-Saint-Michel son identité, son insularité, un Mont au milieu des flots et c’était la raison qui justifiait ma présence aujourd’hui, après l’ensemble des aménagements.

C’est ici, sur cette baie, que les moines bénédictins avaient bâti l’abbaye au VIIIe siècle et l’horizon des moines, c’était la mer. Au gré des marées, le Mont était immergé ou accessible et la force du lieu, du site vient de là, l’ambition spirituelle des hommes s’y mesure sans cesse à la puissance naturelle des éléments.

Au fil des siècles, l’embouchure du Couesnon s’était envasé, le sable argenté qui nous entoure avait dévoré la baie et la construction de polders nécessaire à l’élevage – et nous avons rappelé cette dimension du site – avait accéléré ce mouvement comme le développement du tourisme avec, depuis 1879, une digue route qui rattachait le Mont au continent. Comme le disait Flaubert, le Mont était un désert dont la mer s’était retirée.

En 1983, le chantier de destruction de la digue submersible de la roche Torin fut engagé pour réduire l’ensablement, ce qui vous valut la visite à l’époque de François Mitterrand, qui garda de ce passage au Mont-Saint-Michel un tel souvenir qu’il y revint. Sans doute pour déguster l’omelette mais pas seulement. Aussi pour s’imprégner de spiritualité.

Il a, à la fin de sa vie qui était aussi pour lui la fin de sa vie politique, évoqué la force de l’esprit. Cette formule de la force de l’esprit, ce qu’il voulait traduire, il l’avait également exprimé ici en venant au Mont-Saint-Michel. Comme si cette idée, cette dimension le taraudait déjà et parce qu’il avait sans doute au Mont-Saint-Michel saisi ce que signifiait l’apport spirituel d’un lieu, d’un monument et le recueillement de celles et de ceux qui le visitaient.

Il était venu dire que l’homme devait venir au secours de la nature pour réparer ce qu’il avait lui-même contribué à détruire. Cet enseignement vaut également pour la Conférence sur le Climat, obliger l’homme à réparer ce qu’il a – à travers des décennies qui viennent de s’écouler – altéré ; et l’obliger à penser plus loin que la génération présente, aller jusqu’au bout d’un engagement dont il ne verra jamais la fin.

C’est la noblesse de l’action collective, de l’action politique, ne pas simplement être dans la gestion des moments, des instants mais être capable de regarder plus loin, au-delà de sa propre vie.

Il avait eu avec les élus – et certains sont encore ici présents – la volonté d’interrompre la progression des hectares d’herbus en protégeant les grèves autour du Mont. Il s’agissait de permettre à la baie de retrouver ses équilibres naturels par le libre jeu des marées, tout en facilitant l’accès à pied au Mont-Saint-Michel.

Mais entre la formulation d’une idée et sa traduction, dans un projet administratif, il faut déjà du temps, 10 ans. C’est donc en 1995 que s’est constitué le syndicat mixte de la Baie du Mont-Saint-Michel, dont on a rappelé ici qui en avait été Président et membre.

En 18 ans, 185 millions d'euros ont été mobilisés. 21 millions par l'Europe, vous les avez rappelés, mais également par les collectivités et par l'État. Il a fallu encore prévoir d'autres aménagements qui ont alourdi la facture, mais le résultat est là, il est aussi exceptionnel que le lieu. La nature grâce à l'homme a retrouvé ses droits, et je veux ici vous en exprimer toute ma gratitude.

Ce succès, car c'est un succès, est d'abord celui des collectivités locales, de la commune du Mont-Saint-Michel, je salue Éric Vannier, qui était maire à l'époque ; et puis du maire d'aujourd'hui, des maires voisins qui veulent rester chacun maire de leur commune, même si le progrès, la réforme pourrait justifier des alliances, pas des fusions mais garder toujours le Mont-Saint-Michel, je comprends qu'on y soit attaché.

Mais c'est grâce à vous, les maires, qui avez accepté aussi un certain nombre de contraintes et ce n'était pas facile, je ne veux pas revenir sur des épisodes que chacun a à l'esprit. Le parking, partout en France le parking est un problème. Vous imaginez ici, au Mont-Saint-Michel, quand en plus il permet de récupérer des droits, et donc de financer des équipements. Je veux donc vous remercier, maires de Mont-Saint-Michel, de Beauvoir, de Pontorson et aussi les collectivités qui ont participé à l'opération.

Je vous fais confiance maintenant pour trouver la meilleure gouvernance possible de la baie. Voilà un sujet qui, également, vous anime depuis quelque temps, et pour définir la juste place des collectivités territoriales et de l'État. Mais je vous assure – et c'est aussi le sens de ma présence – que l'État continuera de soutenir le Mont-Saint-Michel. C'est son devoir et c'est son rôle. La baie est classée au Patrimoine mondial de l'Unesco depuis 1979, c'est un grand projet européen. L'État doit nécessairement y être à sa place. La structure que vous choisirez permettra d'associer l'Etat et les collectivités, et de faire en sorte qu'il puisse y avoir ce qui relève de la gestion et ce qui relève des équipements.

Ce lieu évoque aussi l'idée européenne, elle m'a été rappelée par les architectes, parce que c'est l'Europe qui était en réalité le fondement même de l'abbaye, c'était pour attirer tous les Européens qu'il fallait construire un lieu exceptionnel, et tous les Européens étaient les bienvenus. C’était aussi un enjeu européen parce qu’il fallait démontrer – et les bâtisseurs avaient forcément cette ambition à l'esprit – que nous maîtrisions à l'époque les arts et les sciences. Mais encore aujourd'hui, nous devons avoir cette prétention, maîtriser les arts et les sciences au service de l'homme et de la nature.

Au Moyen Âge, la construction de l'abbaye avait repoussé toutes les limites des capacités techniques. Comment imaginer à l'époque construire une abbaye sur un mont, afin que des pierres d'un poids considérable, des instruments de levage avec ce que représentait la contrainte naturelle, les marées. Aujourd'hui il a fallu aussi – toutes proportions gardées – une grande ingéniosité technique pour mener à bien ce projet, avec cette nouvelle digue, 134 poteaux d'acier qui soutiennent le pont passerelle de près de 800 mètres de long. Poteaux qui s'enfoncent dans la baie à près de 30 mètres, dont on me dit qu’ils sont mouvants pour permettre encore davantage la stabilité de la passerelle. C'est ça aussi le miracle de la technologie.

Je salue le travail des ingénieurs qui ont réussi cette prouesse, et je tiens à saluer ici la mémoire de Pierre Berger, le président d'Eiffage, qui est mort la semaine dernière, et dont l'entreprise avait été responsable de l'ouvrage. Des aires de stationnement ont été construites sur la terre ferme et un service de navettes mené par Transdev a été mis en place depuis décembre 2014. C'est une forme de mobilité que nous devons saluer, parce qu'elle est également écologique.

Le barrage sur lequel je me trouvais long de 138 mètres permet de gérer le lit du Couesnon, en effectuant des lâchers d'eau qui emportent au large un million de mètres cubes de sédiments. Exploit industriel, imagination considérable pour arriver à faire un équipement qui soit à la fois beau, écologique et capable de nous donner une vision de la baie du Mont-Saint-Michel tout en lui permettant de rester intacte, c'est-à-dire comme le Mont l’était dans le passé.

Grâce à ce barrage, le fleuve joue de nouveau son rôle d'évacuer des sédiments et de libérer le territoire. Je veux saluer architectes, bâtisseurs, ingénieurs, ouvriers qui ont réussi ces équipements et qui ont permis de nous donner cette grande reconnaissance de la qualité de ce que peut faire la France.

Aujourd'hui, le Mont-Saint-Michel a été rendu à la mer et depuis deux ans, le Mont est à nouveau encerclé par la marée une quarantaine d'heures par an, ce n'était plus le cas depuis 1879. Mesurez bien ce que vous avez fait, c'est-à-dire un siècle et demi après vous avez restitué le Mont-Saint-Michel tel qu'il était, tel que vous ne l'aviez jamais connu. Les visiteurs peuvent maintenant redécouvrir le site à pied, la faune et la flore de la baie se reconstituent peu à peu ; voilà ce que vous avez réalisé.

Mesdames et Messieurs, le Mont-Saint-Michel est l’une des images de la France probablement la plus connue au monde. C’est d’abord un lieu de mémoire, de mémoire de la Nation française. Je rappelle qu’en 1204 sous Philippe Auguste, le rattachement de la Normandie fut une étape décisive de la construction du Royaume de France. C’est pourquoi il était si important de réunifier la Normandie. Pour marquer cette date, Philippe Auguste décida d’ailleurs lui-même la nouvelle organisation de l’abbaye du Mont-Saint-Michel en trois niveaux à l’image des trois ordres de la société féodale : le Tiers-État, l’aristocratie et le clergé.

Le Mont-Saint-Michel est ainsi conçu comme un reflet de la société médiévale tout entière et c’est pourquoi il est si important de le visiter pour bien comprendre d’où nous venons. Le Mont-Saint-Michel est ensuite un lieu de mémoire, une forme d’esprit de résistance, les fortifications, le châtelet, la tour Boucle permirent au monde de demeurer la seule place normande, fidèle au roi de France pendant la guerre de Cent ans.

Le Mont-Saint-Michel ne fut pas seulement une grande abbaye bénédictine ; ce fut aussi l'une des plus grandes bibliothèques de l'Occident médiéval, un lieu de prière et un lieu d'études, une cité des livres où fut inventée la lettrine normande, chef-d’œuvre absolu de l'art médiéval. Dès le Moyen Âge, on a appelé le Mont-Saint-Michel « la merveille » ; l'abbaye est le seul monument français où toute l'évolution architecturale française se donne à voir du VIIIe siècle à l'époque moderne sans aucune interruption. Voilà ce que vous avez devant vous.

Le Mont-Saint-Michel est enfin un lieu de mémoire de notre histoire politique, je parle de la grande Histoire, de notre histoire, de la belle histoire, de la tumultueuse histoire de la France. La période religieuse de l'abbaye s’est en effet arrêtée avec la Révolution française : le 16 mai 1793, elle est transformée en prison. Sous la Monarchie de Juillet, ses geôles ont accueilli des républicains irréductibles, Barbès et Blanchi.

Les pierres du Mont-Saint-Michel forment la richesse de l’héritage français puisque nous sommes finalement les légataires de l'Ancien Régime et de la Révolution, de la France hexagonale et de l'Empire français, des cathédrales et des philosophes. La France est faite de toutes ces histoires de notre histoire. Ce que nous dit le Mont-Saint-Michel, c'est que les Français ont la capacité s'ils savent se rassembler, s'ils savent comprendre ce qu’est la leçon de l'histoire de se mesurer à tous les éléments, aux éléments naturels – les marais, les vents – mais aussi aux tumultes, aux épreuves, aux difficultés pour montrer au monde notre capacité, notre ingéniosité et ceux qui doutent, il y en a toujours, de notre force, de celle de la France, qu'ils viennent au Mont-Saint-Michel !

Aujourd'hui avec ce qui s'est fait encore grâce à vous qu'ils viennent au Mont-Saint-Michel pour être justement touchés par cet esprit-là et de se dire que ce que les générations précédentes ont été capables de faire, nous, nous sommes de taille à pouvoir aussi le réaliser.

Le Mont-Saint-Michel, c'est une image vivante, ce n’est pas une image figée. La force de la France n'est pas dans la reproduction du passé ni même dans un regard nostalgique sur notre Histoire. Lorsque les hommes ici ont bâti une abbaye, vous pensez qu'ils regardaient vers le passé ? Non, ils regardaient vers le futur, ils voulaient laisser une trace, ils voulaient montrer ce qu'ils étaient capables de faire aux générations futures.

Beaucoup n'ont pas vu l'accomplissement de leur œuvre mais ils voulaient agir, ils regardaient vers l'avenir et c'est cette image-là que l’'on doit également garder dans notre mémoire. La France, elle a un patrimoine exceptionnel mais elle n'est pas un musée ; c'est un pays qui crée, invente, avance et ce qui fait que nous sommes la première destination touristique au monde et grâce au Mont-Saint-Michel en particulier puisque le tourisme au Mont-Saint-Michel s'est développé dès le XIXe siècle. Je crois même qu’en 1865, à l'époque, l’évêque Mgr Bravard fit publier le premier guide livret du visiteur du Mont-Saint-Michel, c'était le premier produit touristique qui a été créé en France. Maintenant, nous avons fait beaucoup de progrès, cela ne passe pas par les livrets seulement mais c'était très important que l'on sache que c'est au Mont-Saint-Michel, d'une certaine façon, qu'est née l'histoire aussi du tourisme.

Nous avons voulu faire du tourisme une priorité nationale. Laurent Fabius en a pris la responsabilité et a donné à cette ambition une portée particulière et moi j'ai élevé cette volonté de donner à la France par le tourisme une capacité à créer de l'emploi, de l'activité, j'ai voulu en faire une grande cause nationale. Une belle ambition mais qui exige des investissements et cela, il faut aussi le comprendre. On ne peut pas penser que les touristes vont venir simplement parce que c'est beau, parce que c'est grand, parce que c'est majestueux, il faut les accompagner, il faut les encadrer, il faut leur proposer des produits et c'est tout le sens des investissements qu'il faut réaliser. La Caisse des dépôts va -elle en a pris l'engagement- dégager un milliard d'euros sur cinq ans pour accompagner les investisseurs dans le secteur du tourisme et nous allons également constituer des fonds d'investissement privés pour que le tourisme puisse être aussi développé. Soutenir le tourisme, c'est être soucieux de notre patrimoine et fier de le partager avec le monde entier ; soutenir le tourisme, c’est également comprendre qu'il faut s'ouvrir aux autres parce que les touristes pour beaucoup sont des étrangers. Si on n’aime pas les étrangers, c'est difficile de vouloir développer le tourisme, c'est difficile d'être attractif.

Si on veut protéger ses frontières, ce sera nécessaire si nous sommes menacés mais nous ne sommes pas menacés par les touristes, par les visiteurs et s'ils ne voient pas dans notre pays une grande Nation ouverte, ils se détourneront nécessairement. Je souhaite que nous puissions atteindre en 2020 – ce n'est pas si loin – 100 millions de touristes en France et c'est possible compte tenu de ce que l'on sait des pays émergents. Je serai demain en Chine ; c'est un pays qui va connaître là-aussi grâce aux classes moyennes qui vont bientôt composer l'essentiel de ce pays une grande activité touristique en Chine mais également de nombreux voyages dans le monde et notamment en France. Il faut saisir cette opportunité et vous, vous l'avez parfaitement compris.

La région Basse-Normandie, demain Normandie, la région Bretagne, vous avez parfaitement compris quel était l'enjeu. D'avoir multiplié les équipements, les investissements, les infrastructures, d'avoir donné aussi à nos professionnels les moyens d'agir, de les avoir accompagnés financièrement, d'avoir créé des produits, d'avoir suscité aussi … -nous sommes dans un lieu de ce point de vue-là remarquable- cité du tourisme pour que justement les visiteurs ne soient pas livrés à eux-mêmes. Il va falloir -et vous y êtes prêt- rénover les équipements touristiques ici, hôteliers de manière à ce que nous puissions accueillir encore davantage.

Voilà ce que j'étais venu vous dire ici mais c'est un plaisir que vous m'avez donné, grand plaisir de venir au Mont-Saint-Michel. Comme beaucoup de pères de famille, j'y étais venu avec mes enfants, il y a quelques années. J'avais connu le parking et j'y avais acquitté ma redevance et je pense que beaucoup de familles, celles que j'ai rencontrées tout au long de ce parcours, vont avoir dans leur mémoire familiale mais aussi dans la mémoire de chaque enfant ce souvenir du Mont-Saint-Michel qui va rester très longtemps et puis, quand ces enfants grandiront, ils emmèneront aussi leur propre progéniture vers le Mont-Saint-Michel non pas comme une corvée mais comme une élévation et grâce à vous comme un plaisir, celui que j'ai ressenti encore aujourd'hui.

Sur la tapisserie de Bayeux, on distingue le Mont-Saint-Michel, voilà là-encore ce que l'Histoire nous laisse, la culture, les arts et depuis cette tapisserie, le Mont-Saint-Michel est toujours là. Il a résisté à tout, à 12 incendies, aux invasions, à la mer et la statue de Saint-Michel contemple ainsi 13 siècles d'Histoire. Le Mont Saint-Michel c'est un lieu symbole de la Normandie, mais c'est aussi le lien avec la Bretagne, indissociable, qui ne revendique rien mais qui est là, parce qu'elle ne veut pas partager mais elle a aussi des bénéfices du Mont-Saint-Michel, parce que finalement les visiteurs qui viennent ici savent qu'ils sont en Normandie mais en même temps, tout près de la Bretagne. Et c'est ainsi l'Ouest de la France qui se trouve réuni.

C'est aussi une merveille de toute la France et de l'Europe. C'est un élément magnifique du patrimoine mondial de l'Humanité. C'est la leçon spirituelle que je voulais une fois encore évoquer, proposer au genre humain des œuvres dont la beauté, l'ampleur, la prouesse continueront d'inspirer et d’attirer. Voilà ce qu'avaient voulu faire les bâtisseurs, voilà d'une certaine façon ce que vous avez prolongé, laisser une œuvre humaine à travers un site exceptionnel et permettre la transmission, faire qu’au-delà de l'immédiat, de l'instantané, de ce que le présent exige, vous soyez capables – comme nous tous – de nous élever, de nous donner de la profondeur, de nous donner un espace et du temps, faire que nous puissions nous inscrire à notre tour sur le long chemin de l'humanité en sachant y apporter, chacun à sa façon, chacun dans sa responsabilité, sa pierre, y mettre sa main, y donner aussi son esprit.

Voilà la leçon du Mont-Saint-Michel, être capable de traverser le temps, de se donner une ambition qui va au-delà de nous-mêmes et de pouvoir ainsi faire –nous aussi– œuvre humaine. La magie du Mont-Saint-Michel, c'est qu’il est à la fois un lieu de passage et de rencontres, un lieu de mémoire de la France et d'ouverture au monde. Il incarne le rêve, le rêve français, le rêve comme celui de rendre le Mont-Saint-Michel à la mer, celui que vous avez eu.

Voilà, le rêve est réalisé, le rêve est accompli. Il en a inspiré d'autres ce rêve, cette promesse, cette volonté. Car aussitôt accompli, il y a encore tant de choses à faire et c'est ce que nous dit le Mont-Saint-Michel, c'est que rien n'est arrêté, que tout se poursuit et que tout est fidèle au passé tout en étant capable d'inventer l'avenir. Le maire du Mont-Saint-Michel m’a offert une médaille du cœur, moi je vais lui offrir une médaille des Institutions mais le cœur y est aussi, de manière à ce qu’il puisse être laissé une trace et, donc, c'est la médaille de la Présidence de la République. Merci. »

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