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Charles Huard (1874)

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Charles Adolphe Huard, né à Paris le 2 juin 1874 et mort à Poncey-sur-l'Ignon (Côte-d'Or) le 29 mars 1965, est un dessinateur et un peintre de la Manche.

Biographie

Autoportrait.

Charles Huard n'est pas né à Villedieu-les-Poêles, contrairement à ce qu'écrit en 1926 Ernest Dufour, alors maire de la cité du cuivre [1], mais Faubourg Saint-Martin à Paris, dans l'immeuble acquis par sa famille paternelle, enrichie dans l'industrie sourdine du cuivre [2].

Son père, ingénieur, équipe en machines les distilleries et brasseries. Il s'installe à Villedieu en 1873 avec sa femme, Anna-Maria Hotz, allemande [2].

Élevé à Villedieu, il entre à six ans en internat au collège d'Avranches. Puis, vers 1886, ses parents logeant dans le quartier de la Bastille, Charles Huard est externe au collège Turgot l’hiver, et demeure interne à Avranches le reste du temps. Exclu d’Avranches, il termine son année scolaire à Coutances. Son père décide alors de l'inscrire comme mousse sur un navire de commerce du bois entre Granville et la Norvège sur lequel il développe une passion pour la mer [2].

À Granville en 1898, il fréquente les membres du Bouais-Jan (Sibrantot, Turpin, Carré, Enault) auquel il collaborera parfois. À Paris, il veille Félix Buhot mourant [2]. Il expose des dessins granvillais à l’exposition de la « ½ douzaine », rue Caumartin à Paris, en 1899.

En 1890, il s'installe boulevard Arago à Paris pour vivre de ses dessins et de lithographies[2]. Il fait paraitre ses premiers dessins dans La France illustrée

Il devient le protégé et bientôt un grand ami d’Adolphe Willette, qui s'attachera plus tard à la Manche.

Huard écrit à Oscar Havard en novembre 1900, « Je ne suis pas allé à l’école des Beaux-Arts ni dans les Académies réputées. (...) Je ne suis donc élève de personne, ou plutôt si : J’ai eu le bonheur de rencontrer sur ma route un de nos compatriotes, homme de grande valeur et d’un immense talent, malheureusement peu connu en France : le peintre-graveur Félix Buhot. Je crois que c’est lui qui m’a appris tout ce que je sais ; de plus, il m’a dévoilé tous les secrets de l’eau-forte. » [2] Il étudie cependant à l'Académie Julian grâce à l'argent de ses premiers dessins, et aux Arts Décoratifs des beaux-arts, puis chez É. Béjot pour apprendre la gravure [3].

Après trois ans chez Jullian, et sur les conseils de Marcel Bachet, de L’Illustration, il préfère vivre de ses dessins à Granville que d'entrer aux Beaux-Arts à Paris. Il aménage donc, en 1894, son atelier dans le grenier du 65 de la rue Saint-Jean où sa mère s’est installée quatre ans plus tôt, et croque le port et les habitants.

Il propose la même année au Rire une série hebdomadaire sur « la Province », « scènes d’une cruelle observation où il faisait parler de vieilles gens de province, notaires à gibus, retraités à grosses moustaches, rentiers affaissés sur la moleskine des cafés » selon Roland Dorgelès.

Durant les années qui suivent, il publie des caricatures dans de nombreux journaux tels que Le Journal amusant, Le Rire, Le Sourire, Cocorico, le Journal pour tous, La Vie illustrée, l’Image, le Bon vivant, Polichinelle, le Continental mais également le journal new-yorkais Scribner's Magazine [3]. Charles Huard prend pour cibles aussi bien la province, et tout particulièrement la Normandie, que Paris et ses bourgeois.

Il signe un numéro de L’Assiette au beurre en 1903 [4].

Il acquiert un bateau-pilote au Havre (Seine-Maritime) et amarre Le Korrigan à Granville. Il possède ensuite le Rose-Marie, le Danae, l’Osprey.

En 1910, l'éditeur parisien Conard lui confie l'illustration des Œuvres complètes d'Honoré de Balzac (40 volumes). Il illustre également des romans de Maupassant, Flaubert et Renard, ainsi que des ouvrages de Clemenceau, Billy, Geffroy et Brillat-Savarin [3].

Pendant la Première Guerre mondiale, il rend compte en dessins de la vie des Poilus.

Il s'est également fait connaître comme peintre.

Il se marie à une Américaine, Frances Simpson, qui est la voix de la France libre aux États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour la cacher de la Gestapo, Charles Huard se réfugie chez des amis, en Bourgogne. Tombé amoureux de la région, le couple fait un manoir à Poncey-sur-l'Ignon (Côte-d'Or).

Il fait don d'un ensemble d'une centaine de ses œuvres au cabinet d'estampes de la bibliothèque de Rouen (Seine-Maritime). Une exposition lui a d'ailleurs été consacrée sur place peu avant sa mort. Il existe également un fonds Charles Huard à la bibliothèque municipale de Dijon (Côte-d'Or).

En 2003, la ville de Cherbourg-Octeville achète pour 259,18 € deux de ses gravures : « Vieille granvillaise à la fenêtre » et « Granville, le port » [5].

Huard par ses contemporains

Peintre de la médiocrité et du commun pour Henry Bataille, « [Charles Huard] était typiquement normand, il était le caricaturiste de la province, des vieilles bigotes et des vieux colonels à la retraite échangeant des propos grotesques au sortir de la Grand-Messe » selon André Billy.

Édouard André ajoute : « Comme Daumier, il s’en prend à cette humanité embourgeoisée, où s’épanouissent les petites vanités et les grands orgueils, consolation des âmes médiocres. [...] Cependant, Charles Huard, tout caustique que soit son crayon, est d’accent moins âpre que Daumier [...] Charles Huard, lui, n’est pas un familier des « milieux parisiens », ou du moins ce qu’il est convenu d’appeler ainsi. Ses tableaux de mœurs de province doivent leur accent de sincérité à la rare et profonde observation de l’auteur qui connaît admirablement la vie terne et grise des chefs-lieux de canton, pour y avoir vécu. »

Si Henry Bataille juge que Huard finit par détester sa région d'origine [6], Georges Tis considère que « l’amour du pays natal, du clocher transparaît toujours. Il le conserve, le maître normand, solide et vivace au fond de son cœur et cet amour est comme un vigoureux tronc de pommier, qu’on peut à loisir greffer sans altérer pour cela sa sève vigoureuse. Le charme rustique ou puissant des maisons basses, des étroites rues aux pavés inégaux, au bout desquelles s’élève d’un jet une flèche de cathédrale, nul après le grand Buhot ne l’a rendu si parfaitement ». Lui-même écrit en 1900 « c’est que j’aime par-dessus tout notre cher pays, et que je me considère en exil quand j’ai quitté l’Avranchin » [2].

« Huard en sa goguenarde ironie est un tendre ; ses mathurins nous attirent et la douceur des toits rustiques, accompagnant et faisant fond à ses personnages, est bien faite pour nous charmer, nous les Bas-Normands, ses compatriotes. » écrit Savary [7]

Expositions et collections

Il fait don d'un ensemble d'une centaine de ses œuvres au cabinet d'estampes de la bibliothèque de Rouen (Seine-Maritime). Une exposition lui a d'ailleurs été consacrée sur place peu avant sa mort. Il existe également un fonds Charles Huard à la bibliothèque municipale de Dijon (Côte-d'Or).

Neuf panneaux décoratifs en bois pyrogravés réalisés vers 1900 illustrant la vie du port sont exposés au Musée du Vieux Granville et des eaux-fortes sont conservées à Cherbourg[2]. En 2003, la ville de Cherbourg-Octeville achète pour 259,18 € deux de ses gravures : « Vieille Granvillaise à la fenêtre » et « Granville, le port » [8].

Hommages

Une rue célèbre son souvenir à Granville, ville dont il a gravé le marché au poisson.

Publications

  • Province : cent dessins, éd. Sevin et Rey, 1902
  • Les Bateaux de Paris, 1903 (lire sur Gallica)
  • Paris, province, étranger : cent dessins, éd. Sevin et Rey, 1906 (lire sur Gallica)
  • New York, comme je l'ai vu, 1906 (lire sur Gallica)
  • Berlin, comme je l'ai vu, 1907
  • Londres, comme je l'ai vu, 1908

Bibliographie

  • Charles Huard, 1874-1965. Illustrateur de Balzac, peintre et humoriste de la Belle époque, Maison de Balzac, Les Presses artistiques, 1969.

Notes et références

  1. L'Illustration économique et financière, numéro spécial « La Manche », 28 août 1926, p. 108. On ne trouve aucune naissance d'un Charles Huard dans cette commune pour toute l'année 1874 (lire en ligne).
  2. 2,0 2,1 2,2 2,3 2,4 2,5 2,6 et 2,7 Dessin satirique de Charles Huard sur les « exhibitions ethnographiques » (1905), Didac'Doc n°30, juin 2012 (lire en ligne).
  3. 3,0 3,1 et 3,2 David Karel, Dictionnaire des artistes de langue française en Amérique du Nord, Les Presses de l'université Laval, 1992, p. 400.
  4. « Pêcheurs et armateurs », 7 février 1903 (voir en ligne) sur Gallica.
  5. Compte rendu du conseil municipal du 27 mars 2003.
  6. Henry Bataille, dans sa préface à Province, 1902 : « Il a haï d'abord sa natale normande, ses habitants, ensuite cette haine colorée s'est étendue jusqu'aux Parisiens. »
  7. Le Bouais-Jan, 8 janvier 1904.
  8. Compte rendu du conseil municipal du 27 mars 2003.

Articles connexes