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Centrale nucléaire de Flamanville

De Wikimanche

Vue générale.
Vue d'ensemble en juillet 2010. À droite, le chantier de l'EPR en construction.
La Presse de la Manche, 6 avril 1975.

La centrale nucléaire ou plus précisément centre nucléaire de production d'électricité (CNPE) de Flamanville , est située sur le territoire de la commune de Flamanville, près des Pieux, à 26 km de Cherbourg-en-Cotentin.

Elle est exploitée par EDF.

Construite à partir de 1979, la centrale de Flamanville est mise en service en 1985 et 1986. Elle a produit 18,9 milliards de kilowattheures en 2005, en croissance de 4 % par rapport à 2004, correspondant à 4 % de toute l'électricité française, et permettant l'alimentation de la Basse-Normandie, de la Bretagne et des îles Anglo-Normandes.

L'usine évacue sa production par deux lignes haute tension de 400 000 volts chacune, qui se dirigent, l'une vers Rouen (Seine-Maritime), l'autre vers Rennes (Ille-et-Vilaine).

La centrale est construite à l'emplacement de l'ancienne mine d'extraction sous-marine de minerai de fer de Diélette.

L'annonce

Le quotidien Le Monde annonce fin 1974 que Flamanville figure parmi les lieux possibles d'implantation d'une centrale nucléaire. La nouvelle passe inaperçue sur place. Il faut que le quotidien local La Presse de la Manche la reprenne pour que la population soit enfin informée de cette possiblité. Même le maire de Flamanville, Henri Varin, n'était pas au courant [1]. Devant l'émoi et les discussions passionnées qui en découlent, le conseil municipal se saisit du projet le 20 décembre : 11 voix pour, 1 contre et 1 abstention [1].

Contestation écologiste

L'annonce de la construction de la centrale de Flamanville donne lieu à une forte mobilisation antinucléaire dans tout le canton des Pieux et au-delà, notamment autour de l'écologiste Didier Anger. Une manifestation est organisée dès le 15 avril 1974, qui rassemble 2 500 personnes [2]. Une marche antinucléaire sur Flamanville est organisée le 13 avril 1975, suivie d'une fête les 6 et 7 septembre. Mais le projet poursuit son bonhomme de chemin.

Le 24 décembre 1974, le conseil municipal se prononce pour l'implantation de la centrale par 11 voix et une contre.

Le 7 avril 1975, la population est consultée par référendum à l'initiative du maire [3]. Les Flamanvillais se prononcent à 63,7 % en faveur de l'implantation de la centrale : 435 voix pour, 248 contre et 10 bulletins nuls [4]. Il y a 693 votants pour 848 inscrits (81,72 %).

Le 15 novembre 1975, la maquette de la centrale est volée à la mairie [2].

L'enquête publique, qui court du 26 octobre 1976 [5] au 24 janvier 1977, a lieu sans incident notable [1]. Il est vrai que la Gendarmerie nationale a été mobilisée pour la surveiller. Quelques jours plus tard, le commissaire enquêteur donne un avis favorable sous certaines conditions.

Le 8 mars 1977, des bulldozeurs des entreprises travaillant à la construction de la centrale, escortés d'un escadron de gendarmes mobiles, libèrent l'entrée du chantier obstrué par des rochers [6]. En réaction, les antinucléaires organisent le lendemain une manifestation rassemblant 800 personnes qui vont manifester à Cherbourg, en occupant le siège d'EDF et en stationnant devant le commissariat de police [6].

Le 13 avril 1977, un commando antinucléaire coupe les barbelés qui encerclent le site de la future centrale et incendie des camions et des pelleteuses [1]. L'action est revendiquée par une mystérieuse Brigade anti-nucléaire du Cotentin, le Banc.

En 2010, plusieurs associations de défense de l'environnement dénoncent une prochaine augmentation substantielle des rejets radioactifs de la centrale [7].

Le 31 octobre 2014, un drone survole la centrale, bien que l'espace aérien soit interdit sur un périmètre de cinq kilomètres. Cette action, comme d'autres similaires dans le reste du pays, n'est pas revendiquée [8].

Construction

Les travaux de construction vers 1980.
Destruction de la falaise à l'explosif en 1978.
Stèle « Marcel Paul ».

Le site de la centrale couvre 120 hectares, dont 36 ont été gagnés sur la mer [1]. Quelque 16,5 millions de tonnes de déblais rocheux sont arrachées à la falaise, qui nécessitent l'utilisation de 1 200 tonnes de dynamite. Une digue de 950 m de long est construite pour protéger le site, ainsi qu'une jetée de 300 m [1]. Au total, 200 000 m3 de béton sont coulés [1].

Au printemps 1978, le tribunal administratif de Caen, saisi par le Crilan, décide le sursis à exécution du permis de construire de la centrale [1]. EDF précise son étude d'impact. Un nouveau permis de construire est délivré le 20 juillet [1].

Production

Le 29 septembre 1985, à 19 h 27 précisément, la centrale est mise en marche. Le 4 décembre suivant, le réacteur n° 1 est couplé au réseau [9]. Le 18 juillet 1986, le réacteur n° 2 est connecté à son tour [9].

Les deux réacteurs de 1 300 megawatts de la centrale de Flamanville produisent, en moyenne, 17 milliards de kWh par an.

En 2008, sa production est de 11 milliards de kilowatts/heure [10], 16,03 milliards de kWh en 2010, sensiblement le même chiffre qu'en 2009, ce qui constitue 3,8 % de la production française d'électricité d'origine nucléaire [11], 19,82 milliards de kWh en 2016 (4,5 % de la production française) [9].

Le 25 septembre 2023, le réacteur n° 1 est remis en marche après un arrêt qui aura duré un an et demi : il avait été arrêté le 25 mars 2022 pour dix mois [12].

Réacteur EPR

voir l'articlé détaillé Réacteur EPR de Flamanville

Effectifs

En 1983, au plus fort de son activité, le chantier de construction mobilise 2 776 personnes [1].

En 2009, la centrale emploie 870 personnes, dont 650 sous statut EDF [13].

En mars 2011, elle compte 820 salariés (662 d'EDF et 158 d'entreprises prestataires), mais prévoit le recrutement d'une cinquantaine de personnes, dont 12 apprentis, qui seront formés durant deux ans [11].

En 2015, le « site de production nucléaire d'électricité de Flamanville emploie 800 personnes, auxquelles s'ajoutent 250 personnes dans des entreprises sous-traitantes implantées à Cherbourg » [14].

En 2017, l'usine emploie 810 personnes du groupe EDF auxquelles ajoutent environ 350 salariés entreprises prestataires [15]...

Directeurs

  • .… : ….
  • 1989-1992 : François Buttet
  • 1992-1995 : Joël Bultel
  • 1995-1999 : Pierre Claisse
  • 1999-2003 : Bernard Maillard
  • 2003-2007 : Gaëtan Le Corvec
  • 2007-2011 : Éric Villatel
  • 2011-2014 : Alain Morvan
  • 2014-2018 : Stéphane Brasseur
  • 2018-2022 : Patrice Gosset
  • 2022-actuel : David Le Hir

Risques

Le 7 juillet juillet 1978, EDF rend publique l'étude d'impact de 56 pages sur l'environnement que la loi de protection de la nature a rendue obligatoire [16]. Selon cette étude, la centrale rejettera chaque année dans la mer, sous forme liquide, environ 7 400 curies de tritium (pour un maximum de 8 000 curies autorisé) et 72 curies de produits radioactifs autres que le tritium (maximum autorisé 160), et dans l'atmosphère 156 000 curies pour les gaz rares (maximum autorisé 320 000), 5 curies pour l'iode (maximum autorisé 20) et 1 200 curies pour le tritium [16]. L'étude affirme que l'augmentation de la radioactivité ambiante sera inférieure aux variations de la radioactivité naturelle [16].

Les limites d'exposition de la centrale de Flamanville.

La centrale de Flamanville « peut supporter un séisme de 5,7 sur l'échelle de Richter » [17]. Elle est protégée d'un raz-de-marée jusqu'à « 17 mètres » [17].

Le 11 septembre 2019, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) annonce qu'elle a mis les réacteurs 1 et 2 de la centrale « sous surveillance renforcée » à la suite des « difficultés » rencontrées par EDF depuis 2018 [18]. La mesure est levée le 4 juillet 2022 [19].

Selon les Plans de prévention des risques dans la Manche, le périmètre de sécurité est étendu de 10 à 20 kilomètres autour de la centrale.

Le 29 janvier 2019, le préfet de la Manche étend à 20 km de rayon l'étendue du Plan particulier d'intervention (PPI).

Accidents

  • 3 octobre 1999 : un ouvrier de l'entreprise sous-traitante Kaefer Wanner meurt par asphyxie alors qu'il intervient pour une opération de maintenance en secteur contaminé, le tuyau de son masque qui l'alimentait en oxygène s'étant détaché. Le 28 septembre 2010, le tribunal de grande instance de Cherbourg relaxe l'entreprise, désormais dénommée W Industries, qui était poursuivie pour homicide involontaire [20].
  • 24 janvier 2011 : un soudeur de l'entreprise sous-traitante Normétal est tué sur le chantier de construction de l'EPR, après une chute d'une quinzaine de mètres [21]. En avril 2014, le tribunal de grande instance de Cherbourg condamne Bouygues TP à 75 000  d'amende et le grutier à un an d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis [22]. En appel, la cour de Caen c'est l'entreprise Tissot Industrie qui est jugée responsable et condamnée à 30 000  d'amende, l'amende de Bouygues étant réduite à 8 000  [22]. En mars 2017, la cour de cassation rejette le recours de Tissot qui contestait sa responsabilité [22]. La famille de la victime obtient 300 000  de dommages et intérêts [22].
  • 11 juin 2011 : un ouvrier de l'entreprise sous-traitante Endel décède à l'hôpital Louis-Pasteur à Cherbourg-Octeville, où il avait été transporté après avoir fait une chute d'une dizaine de mètres sur le chantier [23].
  • 24 juin 2011 : le quotidien communiste L'Humanité révèle que l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a constaté une « démarche intentionnelle » de sous-déclaration d'accidents du travail sur le chantier de l'EPR [24]. Le journal publie le fac-simile d'un procès verbal daté du 6 juin dernier dans lequel l'ASN recense 112 accidents en 2010, dont 38 accidents « à déclarer n'ayant pas fait l'objet d'une déclaration ». Le parquet de Cherbourg ouvre une enquête préliminaire pour « travail dissimulé » [25]. À la suite de cette révélation, Bouygues, qui pilote le génie civil du chantier, se sépare d'un de ses sous-traitants, la société Atlanco, basée à Chypre, qui emploie 72 personnes [26].
  • 9 février 2017 : l'explosion d'un ventilateur en surchauffe provoque un départ de feu « hors zone nucléaire », qui est vite maîtrisé [15].
  • 10 juillet 2017 : le quotidien Le Parisien révèle que des déchets radioactifs ont été découverts en mai 1976 lors de la construction d'un parking dans l'emprise de la centrale [27]. Quelques jours plus tard, 8 700 tonnes de déchets sont évacués du site [28], dont 699 tenues de travail contaminées au cobalt 60 [29].

Décharge illégale

En juillet 2017, le quotidien Le Parisien révèle qu'une décharge illégale datant de la construction de la centrale a été découverte sur le chantier de l'EPR en mai 2016 [30]. L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) met alors EDF en demeure d'évaluer l'importance du stock et d'indiquer son programme d'évacuation de ces déchets non radioactifs et de réhabilitation du site [30].

Mesures

Suite à la catastrophe de Fukushima (Japon), plusieurs mesures sont prises pour minimiser les risques extérieurs et élever le niveau de sécurité des centrales : deux ingénieurs spécialisés dans les risques sismiques et la sécurité sont embauchés ; une pompe autonome et un Diesel d'ultime secours équiperont la centrale. D'ici à 2016, une tour de contrôle de 1 000 m2 sera construite sur la falaise pour abriter un centre de crise local [31].

Poids économique

En 2008, la centrale de Flamanville verse 28,4 millions d'euros de taxes, dont 11 millions de taxe foncière et 7,9 millions de taxe forfaitaire de production [32] (25,2 millions d'euros de taxe professionnelle et 6,7 millions de taxe foncière [13]). En 2012, la centrale paie 55 millions d'euros d'impôts [33].

En 2010, la centrale passe 67 millions d'euros de commandes, dont le quart profite aux entreprises locales [32].

Dans le cadre du seul « grand chantier de l'EPR », EDF investit « quelque 30 millions d'euros dans des équipements liés à l'aménagement du territoire (écoles, voiries, etc.) » [34].

Durée d'activité

Mise en service en 1986, la centrale de Flamanville était prévue de rester en fonctionnement pendant 40 ans minimum. Le directeur de la centrale, Alain Morvan espère prolonger cette durée de vie à 60 ans : « Elle est très saine et notre mission est de la maintenir à son meilleur niveau d’activité et de fiabilité, en l’adaptant au référentiel d’EDF concernant ses installations nucléaires[11]. »

Pour cela, EDF investit en 2011 environ 70 millions d’euros pour préparer la prochaine visite en 2016 qui doit déboucher sur une autorisation de continuité d'activité de dix ans pour les deux réacteurs 1 et 2.

Visites officielles

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 1,7 1,8 et 1,9 Lise Gavet et Stéphane Jiolle, Flamanville - Tranches de vie, éd. Albin Michel, 1996.
  2. 2,0 et 2,1 « Nos années 70 », La Presse de la Manche, hors-série, novembre 2012, p. 156.
  3. Jean-Claude Guillebaud, « Un village normand réinvente la démocratie », Le Monde, 12 mars 1975.
  4. Roland Godefroy, » Flamanville : c'est oui à 63 % », La Presse de la Manche, 7 avril 1975 ; Bruno Frappat, « Pour ou contre les centrales ? Flamanville : oui », Le Monde, 8 avril 1975.
  5. René Moirand, « L'enquête publique sur la centrale nucléaire de Flamanville est ouverte », Le Monde, 29 octobre 1986.
  6. 6,0 et 6,1 René Moirand, « Manifestations et protestations syndicales marquent le début des travaux à la centrale atomique de Flamanville (Manche) », Le Monde, 12 mars 1977.
  7. AFP, 16 février 2010, 16 h 12.
  8. Dimanche Ouest-France, 2 novembre 2014.
  9. 9,0 9,1 et 9,2 « La centrale nucléaire de Flamanville : une production d'électricité au cœur de la Normandie », EDF, dossier de presse, janvier 2017.
  10. Ouest-France, 4 mars 2009.
  11. 11,0 11,1 et 11,2 Patrick Bottois, « Le CNPE de Flamanville (1 et 2) veut bien vieillir », L'Usine nouvelle, site internet, 21 mars 2011 (lire en ligne).
  12. « Le feuilleton du réacteur n° 1 de Flamanville a (enfin) pris fin », La Presse de la Manche, 26 septembre 2023.
  13. 13,0 et 13,1 Ouest-France, 15 octobre 2009.
  14. Jérôme Marajda et Isabelle Bigot, « La communauté urbaine de Cherbourg à la recherche de son second souffle », Insee Analyses Basse-Normandie, n° 17, juillet 2015.
  15. 15,0 et 15,1 Chloé Cloupeau, « Explosion à la centrale de Flamanville, sans risque nucléaire ni blessé grave », AFP, 9 février 2017, 17 h 24.
  16. 16,0 16,1 et 16,2 René Moirand, « Centrale de Flamanville : EDF informe l'opinion », Le Monde, 12 juillet 1978.
  17. 17,0 et 17,1 Manuel Sanson, « Nucléaire : quels sont les risques en Normandie ? », L'Express, n° 3159, 18-24 janvier 2012.
  18. Margot Hairon, « À Flamanville, la centrale sous surveillance », Ouest-France, 12 septembre 2019.
  19. Liza Marie-Magdeleine, « La centrale de Flamanville sort de la surveillance renforcée en cours depuis 2019 », Ouest-France, site internet, 4 juillet 2022.
  20. AFP, 28 septembre 2010, 20 h 14.
  21. AFP, 24 janvier 2011, 18 h 53.
  22. 22,0 22,1 22,2 et 22,3 « Soudeur tué à Flamanville : recours rejeté », Ouest-France, 1-2 avril 2017.
  23. Dimanche Ouest-France, 12 juin 2011.
  24. L'Humanité, 24 juin 2011 ; AFP, 24 juin 2011, 04 h 42.
  25. Jean-Christophe Lalay, « Travailleurs de l'EPR : une enquête est en cours », Ouest-France, 2-3 juillet 2011.
  26. AFP, 27 juin 2011, 11 h 26.
  27. Erwan Benezet, « EPR de Flamanville : découverte de déchets enfouis depuis trente ans », Le Parisien, 10 juillet 2017.
  28. « 8 700 tonnes de déchets non nucléaires évacuées du chantier de l'EPR à Flamanville », Le Moniteur, 27 juillet 2017.
  29. « Près de 700 tenues de travail contaminées déterrées à Flamanville », Le Parisien, 11 octobre 2017.
  30. 30,0 et 30,1 « À Flamanville, sur le chantier de l'EPR, une décharge illégale », AFP, 10 juillet 2017, 12 h 33.
  31. Ouest-France, 9 novembre 2012.
  32. 32,0 et 32,1 Ouest-France, 25 février 2011.
  33. Guillaume Le Du, « Derrière le port de Diélette... des atomes crochus », Ouest-France, 27 juin 2013.
  34. Libie Cousteau, « Flamanville : stress sur le nucléaire », L'Express, n° 3124, 18 mai 2011.
  35. Philippe Boissonnat, « La Manche affiche sa matière grise », Ouest-France, 23 avril 2005.

Liens internes

Liens externes