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Appartement de Jules Barbey d'Aurevilly à Paris, 25 rue Rousselet

De Wikimanche

La chambre.

L'écrivain Jules Barbey d'Aurevilly (1808-1889) a vécu à Paris au n° 25 de la rue Rousselet, dans le VIIe arrondissement.

Il s'y installe à demeure à partir de 1858. C'est d'ailleurs là qu'il meurt le 23 avril 1889.

La chambre comprend notamment un lit à bateau, un fauteuil « au dossier écussonné de deux barbeaux », un bureau « encombré de fioles aux encres multicolores » [1]. Son ami, l'écrivain Paul Bourget (1852-1935) l'a décrit « meublée de meubles de hasard, mais tendue d'un papier rose, et dont une fenêtre restait toujours fermée, tandis que l'autre s'ouvrait sur le jardin des Frères Saint-Jean-de-Dieu » [2].

Façade de l'immeuble.

Le romancier Léon Bloy (1846-1927 habite en face, au n° 24. Ils se fréquentent.

Après la mort de l'écrivain son amie Louise Read garde l'appartement en l'état avec l'espoir d'en faire un musée [1]. Finalement, le mobilier est déménagé dans la musée Barbey d'Aurevilly à Saint-Sauveur-le-Vicomte [1].

Témoignage de Lucien Descaves

L'écrivain Lucien Descaves (1861-1949) décrit l'appartement de Jules Barbey d'Aurevilly [3] :

« J'ai voulu revoir, après vingt ans écoulés, le logis de la rue Rousselet, où Barbey d'Aurevilly s'est éteint le 23 avril 1889.

« Il l'habitait depuis longtemps. C'était déjà son domicile en 1870 (...) Il passa donc le siège et les premiers jours de la Commune dans ce qu'il appelait son “tournebride de sous-lieutenant”. C'était au premier étage d'une maison qui regarde le jardin des Frères de Saint-Jean-de-Dieu, une chambre assez spacieuse et bien éclairée. Trop bien éclairée même, au goût de Barbey d'Aurevilly, qui tenait toujours fermée, et volets clos, une des fenêtres sur deux.

Barbey rue Rousselet.

« Je vais sans doute étonner beaucoup de personnes en leur apprenant que cette chambre est restée, à peu près, telle qu'elle était, quand le “Connétable des Lettres” y rendit le dernier soupir. La porte en est, aussi bien, rigoureusement condamnée et c'est exceptionnellement que nous fûmes, l'autre jour, admis dans le sanctuaire, un des plus vieux amis de Barbey d'Aurevilly et moi.

« C'était la fin du jour. Un beau soleil couchant poudrait d'or l'horizon, par delà le jardin des Frères hospitaliers.

« Nous avons de la chance, me dit mon compagnon. C'était, pour lui, l'heure exquise ; du fond de son fauteuil, tourné vers la fenêtre, il contemplait ce fugitif embrasement du ciel, comme un reflet de son perpétuel embrasement intérieur à lui...

« Nous entrons. Toute la fortune héritée ou acquise par l'une des plus pures illustrations littéraires du siècle dernier, par l'homme qui n'eut jamais de faste que dans ses manières et fut riche uniquement de son labeur opiniâtre et des prodigieuses ressources de son génie épars en quarante volumes, romans, critique, correspondance..., toute sa fortune , dis-je, est contenue dans cette chambre d'étudiant pauvre, meublée d'un lit, d'une armoire à glace, d'une petite table, de quelques sièges et des livres de chevet, peu nombreux, composant sa bibliothèque.

« Voici Balzac, lu et relu, fatigué par une admiration, qui, elle, ne le lassait pas... voici les Harmonies et les Premières méditations, de Lamartine, dans une édition dont Barbey d'Aurevilly a corrigé de sa main les fautes typographiques ; voici Byron et Musset...

« Épinglés au mur, des portraits : Byron, encore, Sheridan, Villiers de l'Isle-Adam, une épreuve de la Joconde... Dans un cadre d'autrefois, un croquis de Barbey d'Aurevilly jeune, un dandy... Sur la cheminée, une tête de mort, une lampe, une cire modelée par Mme Judith Gautier, une pendule d'hôtel garni, enfin, dont le sujet est Socrate buvant la ciguë et déroulant des tablettes sur lesquelles ont lit : « Oui, l'âme est immortelle !... »

« Au chevet du lit, un placard béant... ; devant la cheminée, un écran modique... ; et c'est tout, oui, je crois bien que c'est tout.

« Dans cette chambre, dont le loyer n'atteignait pas cinq cents francs, sur cette petite table qu'un écolier trouverait incommode, Barbey d'Aurevilly écrivit plusieurs Diaboliques,, les Bas, Bleus, Gœthe et Diderot, Une Histoire sans nom, Ce qui ne meurt pas, Une Page d'histoire..., et tant d'études et d'articles qui flamboyaient, tantôt comme des armes, et tantôt comme des pierreries, dans le Constitutionnel, le Figaro, le Gaulois, le Triboulet, le Gil Blas...

« Ah ! la mélancolie des grands appartements quand on y vit solitaire ! C'est beau, mais comme on paye cette beauté-là ! s'écriait-il une fois, sous les lambris dédorés du vieil hôtel Grandval-Coligny, qui était son abri, à Valognes, lorsqu'il y retournait.

« Le réduit de la rue Rousselet bénéficiait du contraste. Et puis, Barbey d'Aurevilly n'y était point seul, entre sa chatte, Démonette, et la femme incomparable qu'il appelait « Mademoiselle ma chargée d'affaires », ou bien « la commissionnaire du genre humain ». J'ai nommé Mlle Louise Read. Aux dernières années de sa vie, Barbey d'Aurevilly la voyait arriver dès le matin, pour ranger sa chambre, faire ses courses, ou... mettre le pot-au-feu.

« Car je n'ai pas dit que la chambre de l'écrivain était aussi sa cuisine ! Il regardait donc Mlle Read éplucher les légumes..., et il la payait de ses peines en monnaie d'or..., conversation, mots inoubliables, tels que celui-ci, qu'elle me répétait un jour.

« Quelqu'un s'étonnait devant Barbey d'Aurevilly qu'il ne prît pas au moins un logement de deux pièces, la seconde ne dût-elle être qu'une cuisine...

« Y pensez-vous, monsieur !... Si je disposais de deux chambres..., elle serait toujours dans l'autre !...

« Il recevait peu de visites et ne sortait guère, à la fin, que pour aller dîner chez ses voisins, le poète et sa sœur, à l'« hôtel Coppée », ou bien encore, rue Oudinot, chez la mère et la sœur de Léo Trézenick...

« Le soir achève de descendre... Dans le jardin d'en face, les feuilles tournoient et tombent..., et nous restons là, dans l'ombre, à évoquer le spectre du connétable, entre les quatre murs nus qui eurent des oreilles pour l'entendre et qui n'ont point de voix, hélas ! pour nous redire ses fermes et merveilleux propos !... »

Souvenir

Plaque commémorative.

Une plaque souvenir est inaugurée sur la façade de l'immeuble le 14 octobre 1923 lors d'une manifestation présidée par Paul Bourget (1852-1935) [4][5].

Notes et références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 « Les mots de Barbey d'Aurevilly », Les Annales, n° 2018, 26 février 1922.
  2. Paul Bourget, « « Barbey d'Aurevilly », Les Annales, n° 2018, 26 février 1922.
  3. Lucien Descaves, « Barbey d'Aurevilly, son logis parisien », Les Annales, n° 1379, 28 novembre 1909.
  4. Lucien Corpechot, « Barbey d'Aurevilly », Le Gaulois, 14 octobre 1923 (lire en ligne).
  5. Saint-Réal, « Le souvenir de Barbey d'Aurevilly », Le Gaulois, 15 octobre 1923 (lire en ligne).