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Affaire Kherdjemil (1924)

De Wikimanche

(Redirigé depuis Affaire Kherdjemil (1934))

L'affaire Kherdjemil ou affaire de la Fonderie est une affaire criminelle de la Manche.

Le meurtre

Après une journée du 31 décembre 1924 passée dans les bars, Kherdjemil Mohamed Ben Mohamed, dit « Areski », Algérien d'origine kabyle, et son cousin, Melach Boussad, manœuvre aux chantiers du Becquet, prennent le tramway au pont tournant en direction de Tourlaville. Mais, près du dépôt des Flamands, une fausse manœuvre oblige à faire sortir tous les passagers pour leur faire prendre une autre voiture jusqu'à destination [1].

Melaah Boussad et Kherdjemil descendent mais ce dernier se rend au bureau des tramways, à l'entrée principale du dépôt, pour se plaindre auprès du caissier Alno, qui le congédie. Kherdjemil part en injuriant le caissier et l'ajusteur-monteur Girette, qu'il gifle et sur qui il crache à la figure, avant de le braquer avec un revolver et de faire feu [1].

Il ne touche pas sa cible, mais un passant à la tête de son attelage, Lucien Delahaye, grand mutilé et père de famille tourlavillais, présenté dans la presse comme cultivateur ou laitier. Un deuxième coup de feu aurait été tiré selon les témoins, mais une seule douille est retrouvée. Kherdjemil s'enfuit vers la Grande Rue alors que Delahaye s'écroule mortellement : la balle, de petit calibre, a pénétré à l'aisselle gauche, déchiré la paroi postérieure de l'aorte, provoquant une « hémorragie massive » et une mort foudroyante [1].

Face à l'émotion suscitée par cette mort, une souscription est ouverte en faveur de la famille Delahaye [1].

Enquête et procès

Rapidement identifié, l'assassin est arrêté. Kherdjemil avoue le crime [1].

Né à Mellikanche (arrondissement de Bougie) en Algérie, vers 1896, Mohamed Ben Mohamed Kherdjemil, dit « Areski », se marie peu de temps avant de partir travailler en France en 1915, comme plongeur dans des hôtels parisiens, manœuvre à Marseille, où il aurait été condamné, pour coups et blessures, à trois mois de prison sans que cela n'apparaisse dans son casier judiciaire, puis à Clermont-Ferrand, Noyon et Rouen. Il vient à Cherbourg au début d'octobre 1924, où il est employé comme ouvrier. Assidu pendant deux mois, il travaille moins, et est progressivement peu apprécié par ses collègues et chefs [1].

En juin 1925, le meurtrier comparaît devant la Cour d'assises de la Manche à Coutances, défendu par Me André Toulemant, avocat du barreau de Paris. Âgé de 28 ans, « solidement charpenté, au teint bronzé, cheveux noirs, le regard vif », il comprend le français sans le parler, et apparaît intelligent. Il invoque la légitime défense et l'ivresse pour expliquer son geste. Lorsque le président lui demande s'il regrette la mort de Delahaye, Kherdjemil répond qu'il n'a rien vu, produisant parmi le public, nous dit la presse, une impression défavorable [1].

Seize témoins se succèdent et mettent à mal la version de l'accusé [1]. M. Guillot, procureur de la République, réclame un verdict sévère allant jusqu'aux travaux forcés à perpétuité, sans écarter des circonstances atténuantes. L'avocat de la défense, dans une belle plaidoirie, rend coupable l'alcool, invoque l'homicide involontaire, reproche à Girette d'avoir provoqué l'accusé alors qu'il était ivre.

Le jury lui accorde les circonstances atténuantes et condamne Kherdjemil à 8 ans de réclusion. Il est envoyé dans la maison d'arrêt de Beaulieu à Caen (Calvados) [2].

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 1,3 1,4 1,5 1,6 et 1,7 Cherbourg-Éclair, 18 juin 1925. (lire en ligne).
  2. L'Ouest-Éclair, 5 août 1925. (Lire en ligne).