Actions

Achâner

De Wikimanche

Dictionnaire manchois
Achâner

Quelqu'un qui est achâné.
Jules Joseph Guillaume Bourdet, 1835.

Cette page est une entrée du dictionnaire manchois.

Achâner (fr. rég. et dial), v. tr. et intr.

  • 1 : achâner, v. intr., tomber, s'abattre; pleuvoir fortement.
  • 2 : s'achâner, v. pron., s'écrouler lourdement, s'affaisser, s'effondrer, s'avachir, se déformer (chaussures…); d'où achâné, « affalé, avachi ».
  • 3 : achâno : accroupi.

Répartition géographique

L'emploi de ce mot en français régional est caractéristique du nord de la Manche, mais il est également attesté dans le reste du département [1]. Son usage dialectal concerne surtout la Hague et le Val de Saire et ne descend guère au sud de Portbail [2], [3].

Attestations écrites

Dans la littérature dialectale

Emploi intransitif
  • ACHÂNAER [4] : 1970 L’russé ramass’ touot’ l’iao, qu’i plloueine ou achâne, « la ruisseau ramasse toute l'eau, qu'il pleuvote ou qu'il tombe des hallebardes » [5].
Emploi pronominal
  • S'ACHÂNAER [4] : 1970 Quaund sous l’peids d’lus minsères j’en veis taunt qui s’achânent, « quand sous le poids de leurs misères j'en vois tant qui s'écroulent » [5].

Dans les glossaires et dictionnaires

Emploi intransitif
Emploi pronominal
Emploi comme adjectif

Attestations orales

Transcriptions : alphabet Rousselot-Gilliéron.

Emploi pronominal

Participe passé, « affalé », « avachi »

Transcription francisée

Étymologie

René Lepelley rattache ce mot, sans grande certitude, au bas-latin afannare « se fatiguer », également à l'origine du français ahaner [1]. La coexistence du verbe enhanner « trimer dur, se tuer à la tâche » et d’achâner dans le nord de la Manche semblerait impliquer que ces deux termes ont une origine différente. Cependant, l'ancien français ahaner « se fatiguer, travailler » a pour dérivé déverbal ahan « labeur, fatigue », qui est attesté sous diverses variantes, dont afan et achan [12]. On peut donc supposer qu’achâner, au lieu de représenter une simple variante d’ahaner < gallo-roman °AFANNARE « se donner de la peine » (le mot latin n'est pas attesté, contrairement à ce que l'explication de Lepelley pourrait laisser penser), correspond en fait à un dérivé verbal d’achan, variante d'ahan « fatigue », et signifiant d'abord « s'écrouler de fatigue », puis simplement « s'écrouler, tomber lourdement ».

Le bas-latin °afannāre (d'où le gallo-roman °AFANNARE) est un dérivé verbal du latin impérial afannæ « sottises; faux-fuyants, paroles creuses », pour lequel on suppose le sens initial de « choses embrouillées », d'où aussi « complications, difficultés », et pour le verbe °afannāre « éprouver des difficultés », d'où « se fatiguer ». On estime que le mot afannæ représente un emprunt au grec εἰς Ἀφάνας, eis Apʰánas, locution employée à propos de choses obscures en jeu de mot avec ἀφανής, apʰanḗs « peu apparent, obscur; incertain » [13].

Emplois particuliers

Locutions

  • achânaé de paquet [4], « très chargé à l'avant (tombereau, charrette…) » : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6].
  • yête achânaé sus la tablle [4], « être avachi sur la table » : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6].
  • cha achâne [4] ou « achâne de pieur », « il pleut à pluie battante » : 1993, Manche, nord de la ligne Joret [6]. Attestation orale : 1970 Bretteville.

Notes et références

  1. 1,0 1,1 et 1,2 René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Basse-Normandie, Paris, Bonneton, 1989, p. 18a.
  2. 2,0 et 2,1 Patrice Brasseur, Atlas Linguistique et Ethnographique Normand, CNRS, Paris, vol. IV, OUEN / PUC, Caen, 2011, carte 1188 « À plat ventre », note « s'affaisser ».
  3. 3,0 3,1 3,2 et 3,3 Ibid., carte 1186 « Pencher, s'incliner », note « s'allonger ».
  4. 4,0 4,1 4,2 4,3 4,4 4,5 et 4,6 Graphie dite « normalisée », prônée par la mouvance de Fernand Lechanteur, Marcel Lelégard et al., mais ne reflétant qu'une prononciation minoritaire.
  5. 5,0 et 5,1 Côtis-Capel, « L'âne et le cardroun », in Raz-Bannes, poèmes, OCEP, Coutances, 1970, p. 64; patois de la Hague.
  6. 6,0 6,1 6,2 6,3 et 6,4 J.-P. Bourdon, A. Cournée, Y. Charpentier, Dictionnaire normand-français, Paris, Conseil international de la langue française, 1993, p. 15a.
  7. Jean François Bonaventure Fleury, Essai sur le patois normand de la Hague, 1886. p. 108. (lire en ligne).
  8. René Lepelley, Dictionnaire du français régional de Normandie, Paris, Bonneton, 1993, p. 14a.
  9. Axel Romdahl, Glossaire du patois du Val de Saire (Manche) suivi de remarques grammaticales, Linköping, 1881.
  10. Les deux signes vocaliques sont normalement superposés; il s'agit d'une voyelle simple.
  11. Témoignage personnel de deux contributeurs de Wikimanche
  12. Frédéric Godefroy, Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe s. au XVe s., Bouillon, Paris, t. I., 1881, p. 172b.
  13. A. Ernout et Antoine Meillet, Dictionnaire étymologique de la langue latine, 4e édition, Klincksieck, Paris, 1985, p. 14a.