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Établissement de bains de mer de Cherbourg (1864)

De Wikimanche

L'établissement de bains de mer de Cherbourg.

L'établissement de bains de mer de Cherbourg est un ancien établissement de bains de mer situé à Cherbourg.

En 1860, Hippolyte de Tocqueville, conseiller général de Beaumont-Hague, et par ailleurs propriétaire du château de Nacqueville, convaincu de l'avenir du balnéaire, rachète la précédente société mise en liquidation et imagine un nouvel établissement encore plus luxueux, dont il confie la réalisation à l'architecte Dominique Geufroy [1].

L'établissement est composé d'un corps de bâtiment en plain-pied, et de trois pavillons à étage. L'étage du pavillon central est surmonté d'une lanterne entourée d'une galerie offrant une vue sur la mer et les environs.

Il abrite un casino, avec salles de jeux et salons, des cabines, une salle de théâtre, et un jardin à l'anglaise, avec pelouses et massifs arborés et floraux.

Par cet établissement, Cherbourg rompt avec l'image militaire, pour arborer un visage de villégiature. Il assume un rôle à la fois de lieu de détente et espace de socialité pour la bourgeoisie manchoise [2]. L'Illustration vante « Cherbourg, sa plage au sable moelleux, sa campagne luxuriante » [1].

L'ouverture a lieu le 15 juin 1864 et dès le 19 juin le train de Paris amène touristes et célébrités sur place [1]. Le peintre Édouard Manet et l'écrivain Octave Feuillet sont de la fête [1]. L'événement est grandiose, mais il devient mythique lorsque, au large, s'offre à eux le combat sans merci de deux navires américains, le Kearsage et l'Alabama.

Les bains sont ouverts du 15 juin au 1er octobre, avec des tarifs qui varient selon le nombre de personnes et de la durée du séjour. Un supplément est demandé pour pouvoir accéder aux jardins et terrasses, aux soirées dansantes (2 francs par personne) et aux bals (3 francs) [2].

Émile Le Chanteur de Pontaumont en fait la description suivante :

« Avant le 15 juin 1864, Cherbourg n'avait pas de bains de mer, ou plutôt l'établissement qui en tenait lieu n'était digne ni de la ville ni de sa destination. Aujourd'hui, il n'a rien à envier aux cités les plus célèbres du littoral de la Manche et de l'Océan sous ce rapport, et le somptueux édifice inauguré l'an dernier, suffit et au delà à contenter les exigences des plus difficiles.
Tout s'y trouve réuni comme à souhait pour les baigneurs, et ni Trouville ni Dieppe ne peuvent leur offrir plus de confort et plus de commodité. Une plage superbe, des campagnes véritablement merveilleuses, une ville intéressante entre toutes, et l'un des premiers ports de l'Europe. Que faut-il de plus pour attirer et retenir ce monde élégant et fashionable qui s'en va chaque année demander aux flots de la mer une salutaire réparation des fatigues causées par les plaisirs et les occupations de l'hiver ?
Un autre avantage très important et qu'apprécieront tous ceux qui redoutent le contact d'un certain monde douteux et équivoque, c'est qu'à Cherbourg la société est excellente et choisie. Les grandes familles de Normandie s'y donnent rendez-vous ; elles ont pris l'établissement sous leur protection ; elles s'y plaisent et s'y sentent à l'aise ; cette situation assure sa prospérité dans le présent et dans l'avenir.
C'est M. Geufroy qui est l'architecte des bâtiments ; ils lui font grand honneur. Du côté du jardin, dessiné à l'anglaise, avec ses pelouses vertes, ses massifs d'arbres et de fleurs, l'édifice présente au spectateur trois pavillons réunis par un corps de bâtiment qui n'a qu'un rez-de-chaussée. Le pavillon du centre est à un étage surmonté d'une lanterne entourée d'une galerie, d'où l'oeil découvre toutes les beautés des campagnes environnantes et de la mer. On entre dans ce pavillon par un escalier conduisant à un élégant péristyle. Le premier étage est surmonté d'un fronton demi-circulaire richement orné. Le bâtiment qui réunit ce pavillon à ceux des extrémités est précédé d'une élégante galerie donnant sur le jardin. Les pavillons d'angle ont deux étages dont l'un mansardé. Toute cette façade, d'un style simple, est d'un bon caractère architectural, et présente un ensemble de proportions harmonieuses. Sur la mer, l'édifice offre des dispositions à peu près semblables, seulement le pavillon central forme avant corps au premier étage ainsi que les pavillons d'angle. Un peu en avant et de chaque côté des bâtiments s'allongent les cabines des baigneurs, décorées dans le style mauresque, élégantes et commodes. Le pavillon du milieu contient un grand salon destiné aux fêtes, aux danses, aux concerts. Il a tout à fait bon air, avec sa décoration sobre mais de bon goût. De chaque côté, trois arcades, d'un côté sur des salons de lecture et de jeux, de l'autre sur la salle à manger. Les pavillons latéraux renferment des appartements spacieux, confortables, aérés, d'où la vue s'étend au loin et embrasse tous les accidents d'un magnifique paysage. Là se trouvent aussi les dépendances du buffet et des salles, où on a établi un système d'hydrothérapie, d'après les dernières données de la science, et les meilleures prescriptions de l'hygiène.
On trouve encore dans l'établissement : un salon de lecture, une salle de billard, un salon de travail pour les dames, un gymnase, etc. L'architecte n'a pas voulu faire un monument. À l'instar de plusieurs de ses confrères, il n'a essayé ni de rappeler les splendeurs de l'Alhambra un peu dépaysé au bord de l'Océan, ni les magnificences d'un palais italien. Il a construit un édifice d'un excellent aspect, admirablement approprié à sa destination, une sorte de villa confortable et hospitalière, très-propre aux nombreuses réunions, et où cependant les gens qui les cherchent trouvent le calme, le repos et l'isolement.
L'établissement est dirigé par un homme dont l'excellent goût est connu, un directeur, qui n'a plus à faire ses preuves d'intelligence et de dévouement à sa mission » [3].

Le bâtiment, détruit durant la Seconde Guerre mondiale, a laissé la place à l'ensemble appelé « les tours du Casino ». Un nouveau casino ouvre en 1949 sur le quai Alexandre-III.

Notes et références

  1. 1,0 1,1 1,2 et 1,3 Françoise Surcouf, « Cherbourg, la gloire des casinos », Dimanche Ouest-France, 17 juillet 2022.
  2. 2,0 et 2,1 Carole Espinosa, L'armée et la ville en France, 1815-1870 : de la Seconde Restauration à la veille du conflit franco-prussien, éd. L'Harmattan, 2008, p. 379.
  3. Émile Le Chanteur de Pontaumont, Documents pour servir à l'histoire de la ville de Cherbourg, Cherbourg, sd.

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